Yaoundé, capitale politique du Cameroun vit au rythme de la rumeur depuis le dernier discours du président Paul Biya. Le RDPC, parti politique dominant qui se substitue à l’État, est enfermé dans sa caricature de gendarme de la pensée. La mobilisation ne connait point de répit dans la préparation du grand « dialogue national » qui prospère grâce aux anathèmes, alors que les opposants politiques, isolés ou incarcérés, attendent, malgré eux, le grand déballage public.

La préparation du monologue national, pardon du dialogue, bat son plein. Que trouve-t-on dans ce fourre-tout ? Toutes les thématiques qui éloignent le citoyen de l’essentiel. Très habile, le pouvoir manipulateur ne voudra point s’embarrasser.   

Évidemment, un sujet revient sans cesse : la guerre en cours dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-ouest du Cameroun. Et Boko Haram ? Le président Paul Biya veut mettre fin aux violences en cours et pacifier le pays. Il compte sur les forces armées.

Dans une démocratie, nous dirions que c’est une démarche noble et responsable. Mais dans une dictature, nous pouvons nous interroger sur les thématiques qui mettent à feu et à sang des régions du Cameroun. Cet examen de conscience a-t-il été fait par le pouvoir en place ?

Si le président Biya a enfin cédé aux pressions extérieures pour « initier » un dialogue avec tous les camerounais, force est de constater que sur le terrain, le RDPC mobilise ses troupes. Il dispose de moyens effarants. Les guerres larvées en cours cachent des problèmes plus profonds dans un pays où le pouvoir est habitué à la politique du pourrissement. Tout indique désormais que rien ne sera plus comme avant. Mais, de quoi l’avenir sera-t-il fait ?

Le Cameroun est malade de sa gouvernance. Des décennies de pillage et de spoliation ont laissé des traces indélébiles. Le dialogue ne suffit pas. Il faut mettre fin, le plus rapidement possible, à l’hégémonie du parti – État RDPC qui n’est pas disposé à céder du terrain. Ce parti est à bout de souffle. Et dans sa fuite en avant, nous pouvons redouter les coups de boutoir incontrôlés de sa longue agonie.

Le débat est ouvert. Du moins le dialogue. Mais de quoi parlons-nous ? De la guerre en cours, de la pauvreté, du tribalisme, des nominations fantaisistes, du pillage des deniers publics, de l’anarchie ambiante ? Les sujets font légion dans un système habitué à aller à vau-l’eau. 

À l’heure actuelle, aucun sujet n’est prépondérant. Et c’est le danger qui préfigure le pourrissement du prétendu dialogue. Les gendarmes de la pensée imposent un débat calqué sur un scénario écrit d’avance.  

Opération de charme

Nous assistons depuis peu à une vaste opération de charme par les caciques du pouvoir envers les chefs traditionnels et les délégations régionales qui s’invitent au dialogue. Une opération de charme qui fait la promotion du chef de l’État déjà couvert de tous les superlatifs. Faut-il en arriver là pour faire avaler la pilule ? Paul Biya a-t-il besoin de tous ces thuriféraires pour faire aboutir son projet ?

Les délégations, rodées au clientélisme, n’y voient qu’un autre moyen de jouir des fonds publics. Pour le RDPC qui s’est approprié le dialogue, l’occasion est belle pour remettre en selle un président absent de la scène politique et qui a toujours manqué d’empathie envers son peuple.    

Aujourd’hui, nul n’est en mesure d’énumérer les thématiques d’un dialogue fourre-tout d’avance condamné par l’inertie affichée d’un pouvoir moribond.  Les conditions d’un dialogue national inclusif ne seront pas réunies tant que les opposants croupissent en prison et que les sécessionnistes ne sont pas invités à s’expliquer librement.

Le Cameroun est un grand malade qui souffre de son inertie chronique. Les maux sont nombreux. La constitution de 1996 détient pourtant des éléments de réponse au chaos observé : la décentralisation. D’autres sons de cloche évoqueront le fédéralisme. Ils n’ont pas tort. La concentration de tous les pouvoirs politiques et économiques à Yaoundé favorisent la corruption et le despotisme dont souffrent les régions. Pourquoi réinventer le fil à couper le beurre ? Décentralisez !

Paul Biya veut-il profiter de cette tribune pour montrer au monde sa disponibilité et son esprit de dialogue face à ses victimes passives ? Nul n’est dupe car la résilience qui anime les camerounais depuis des décennies connait un regain de vitalité. Comme d’habitude, la montagne accouchera d’une souris pour prolonger une longue agonie. Cette attitude nous rappelle, de triste mémoire, un certain Caudillo.

  

Par Michel Lobé Etamé
Journaliste

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