par Me YONDO Black (*)
On reconnaît le patriote entre autres dans celui qui, pour l’amour de son pays, n’accepte pas que le Chef d’Etat de son pays soit exposé en situation d’humiliation. Cela est si important que le législateur en est arrivé à instituer le délit d’outrage au Chef de l’Etat. Au Cameroun, pour le respect de ce sacro-saint principe, que de compatriotes donnent à penser qu’ils donneraient de leur vie pour que le Président BIYA perdure à la tête du pays ad vitam aeternam, leur paraissant le meilleur d’entre nous pour présider aux destinées du Pays.
Or le spectacle que nous donnons aujourd’hui au monde ne semble pas glorifier ce champ. En effet, il est répandu dans les réseaux sociaux, plus spécialement une vidéo qui appelle à l’union des forces vives pour sortir dans les rues, que le Cameroun a perdu pour l’éternité, non seulement son Chef , mais aussi la régente, la Première dame du Pays, et leur unique fille vit aux yeux du monde un calvaire qui expose les auteurs au délit de la non assistance à personne en danger, infraction prévue et punie par l’article 171 de notre code pénal.
Ces faits constituent-ils des ”fakenews ”, diffusés par des ennemis de la Nation, comme au pays, on aime à le dire, il s’agirait alors d’une propagation de fausses nouvelles, susceptible de troubler l’ordre public, autre infraction que sévit sévèrement l’article 240 du même code pénal.
Si les faits s’avèrent, nous serons devant une crise grave, qui crée l’état de la vacance de pouvoir au cours de laquelle, aucune modification de la constitution ne peut être initiée, l’intérim du pouvoir étant constitutionnellement confié au Président du Sénat, tenu en ce qui le concerne, d’organiser l’élection présidentielle dans le cadre des lois positives qui, pour l’instant, appellent pour une légitimité de l’heureux élu, à une concertation consensuelle préalable pour avoir la paix, compte tenu de l’importance et de la diversité des problèmes auxquels le pays se trouve confronté.
Mais c’est dans une indifférence totale que se propagent ces faits sans que l’on entende tonner les voix de ceux qui souvent, crient à tout rompre, que le Père de la Nation, ce grand visionnaire entre autres, comme ils le qualifient, est non seulement infaillible, mais aussi intouchable, quand, à leurs yeux, il n’est pas immortel.
Devant le mutisme des pouvoirs publics pour apporter un démenti, propre à restituer la vérité, l’on ne saurait empêcher les citoyens de s’interroger, et à y aller, chacun, de ses commentaires dont certains sont tout simplement orduriers.
Sans être un “biyaiste“, je souffre dans ma chair de voir le gouvernement laisser libre court à l’interprétation de la situation comme s’il s’agissait du départ à l’Orient éternel d’un commun des mortels. La situation est grave, s’il en est, au-delà de la vacance de pouvoir, car il s’agit d’un Chef d’Etat, qui a, par ailleurs, eu l’heur de présider aux destinées du pays pendant 38 ans. Trente-huit ans, ce n’est pas trente-huit mois. Si l’on ne donne pas à l’événement la gravité qui s’impose, alors que reste-t-il?
J’invite, dans l’intérêt de la paix et de la cohésion sociales, le Gouvernement à dire au Pays, et même au monde, pourquoi pas, ce qu’il en est de l’état de santé de notre Chef de l’Etat , de son épouse, notre Première Dame ainsi que du traitement réservé à leur fille unique, car à ce niveau de responsabilité, le Président Biya ne s’appartient pas, encore moins à sa famille nucléaire, il appartient au pays tout entier, et dans nos coutumes, qui caractérisent notre solidarité et le vivre ensemble si souvent prôné ces derniers temps, nous avons l’habitude de venir aux nouvelles face à tout parent malade, à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’un Chef d’Etat, Père de la Nation.
Indispensable et urgent, ce devoir de transparence n’est en rien une atteinte à la vie privée. La stabilité de nos institutions, la continuité de l’Etat, la confiance des investisseurs et des bailleurs de fonds internationaux dans la destination du Cameroun en dépendent.
L’heure est grave, il ne s’agit donc plus de la langue de bois à laquelle se livrent très souvent nos Ministres, comme si gouverner se réduit tout simplement à un jeu. Bien d’intérêts sont en jeu, Il y va de la vie du Pays
(*) Avocat au Barreau du Cameroun
Ancien Bâtonnier de l’ordre