(édito)
La France est-elle en phase avec le vingt et unième siècle ? Cette question peut se poser au regard des
discours ambivalents qui circulent depuis la mort du Général de Gaulle et ses successeurs qui n’ont pas
eu le courage politique de mettre fin aux relations incestueuses et décriées entre elle et ses anciennes
colonies.
Pourtant le monde change. Jacques Foccart, le monsieur Afrique qui faisait et défaisait les dirigeants
francophones n’est plus là. Mais sa politique se poursuit alors que le monde sort du système érigé par
deux blocs : l’Occident et le bloc soviétique.
L’occident qui traîne toujours un lourd passif parsemé des razzias de l’esclavage et du colonialisme
honteux n’a pas voulu se remettre en cause. Ses politiques de spoliation sont toujours d’actualité et plus
que jamais appliquées. La guerre en République Démocratique du Congo en est le parfait exemple. Il
faut piller sans état d’âme les matières premières critiques et déclarer devant les médias du monde que
l’Afrique est pauvre et qu’elle ne peut s’en sortir.
Ce mensonge est bien structuré par la guerre cognitive que livre les médias occidentaux. Il est même
devenu une évidence pour de nombreux africains de la première génération car le passé colonial et
esclavagiste de l’Occident remonte en surface et continue à semer la terreur et la peur. Son discours est
immuable : l’Occident est en Afrique pour l’aider à se prendre en charge, pour l’émanciper et pour la
responsabiliser face aux défis mondiaux, à l’ogre chinois et soviétique.
Les bonnes intentions de l’Occident connaissent aujourd’hui leurs limites car l’information est diffuse. Elle
circule et elle est disponible dans toutes les strates de la société. Le mensonge ne passe plus. La
condescendance, cette arme douce et incolore ne passe plus. Dans ce contexte, la France a-telle encore
raison de poursuivre une politique suicidaire à l’heure de la mondialisation où tous les pays se
bousculent dans les capitales africaines francophones ? Ne serait-il pas temps que l’Occident change la
perception qu’elle a de l’Africain et du noir ?
Les politiques des grandes puissances sont anachroniques. Elles ne se transposent plus face à la
résilience de la jeunesse éclairée africaine qui ne supporte plus cette condescendance paternaliste qui
continue à croire à tort que nous sommes des assistés. La France ne peut plus gérer le calendrier
électoral de ses anciennes colonies. Elle oublie une chose : la démocratie, les élections libres et les
candidats à la magistrature suprême ne dépendent plus d’elle. Les coups d’Etat en Afrique de l’Ouest
témoignent de la détermination de ces pays à se prendre en charge.
Ce postulat peut se vérifier car la France perd la main et elle refuse de sortir de son paternalisme
fouettard qui n’est plus adapté. Elle se perd dans ses confusions et les discours d’Emmanuel Macron
sont aujourd’hui honnis.
La rupture prônée par les africanistes trouve là un terrain fertile pour galvaniser leur campagne. Cette
rupture est inévitable. Mais nous la souhaitons douce entre des partenaires adultes. Car ne l’oublions
plus, l’Afrique francophone est adulte. Elle est en droit de se diriger, de décider de son avenir et de ses
choix.
Cette rupture n’entraine pas la fin de la coopération avec la France. Elle augure une nouvelle ère de
coopération qui prend en compte les intérêts de chaque partie. La France est-elle disposée à l’accepter ?
Elle n’a pas le choix car les autres nations sont au chevet de l’Afrique pour mettre fin aux contrats
léonins qui continuent à entacher une vielle relation polluée par des siècles de scandales.
L’Afrique est liée à la France par une longue relation à sens unique. Il est temps de couper ce cordon
ombilical par un nouveau partenariat qui met fin à tous les accords coloniaux. Pour cela, le lobby français
accroché à tort à la politique néocoloniale doit se remettre en cause car il ne peut continuer à bafouer les
règles élémentaires de l’amitié des peuples, de la démocratie, de la liberté et du respect des partenaires.
Mais tout laisse à croire que cette relation peut encore faire du chemin. Cette injustice est patente.
L’Afrique et ses dirigeants soumis vivent leurs dernières heures. Ces derniers sont condamnés à laisser
la place à une jeunesse ambitieuse, responsable et résolument tournée vers la mondialisation pour
construire une Afrique libre et solidaire.
Par Michel Lobé Etamé
Journaliste Indépendant.