L’émergence du RMC aux élections présidentielles camerounaises témoigne de l’importance du multipartisme dans ce pays. Le rôle joué par le RMC est l’affirmation d’une ambition révolutionnaire qui n’est rien d’autre qu’un besoin salutaire de tourner une page de l’histoire politique du Cameroun qui surprend les observateurs médusés, de près ou de loin.

Mais les difficultés sont nombreuses. L’emprisonnement du leader du RMC, Maurice Kamto et de ses fidèles atteste de la détermination du pouvoir en place à s’accrocher, vaille que vaille, jusqu’au dernier souffle.

Les défilés du RMC et de tous ces camerounais de bonne volonté ne sont pas seulement des mouvements d’humeur. Ce sont des actes citoyens de bravoure et d’héroïsme pour vaincre la tyrannie de la peur qui a paralysé la démocratie depuis des décennies.  Nous ne pouvons que les encourager.

Les années de démagogie ont conduit à l’usure du parti au pouvoir, le RDPC. La peur instaurée par son système ne fait plus peur car les subterfuges qui ont eu raison de la population se délitent. Le changement est déjà là avec de nouvelles femmes et de nouveaux hommes.

Pendant quatre décennies, le Président Paul Biya a su tenir son peuple grâce à une police sans état d’âme et rancunière. Ce pouvoir s’est effrité avec l’usure du pouvoir.

Beaucoup s’interroge encore de la passivité du peuple camerounais. Longtemps, il a accordé un état de grâce à son président. Certes, il avait peur. Mais il voulait aussi cette paix qui est la condition inébranlable pour son développement. Paul Biya n’a pas su en profiter pour dérouler sa mission de développement et changer ses collaborateurs réputés voraces et sans vergogne.

De la peur de tous naît, sous la tyrannie, la lâcheté du plus grand nombre

J’emprunte cette citation au philosophe italien Vittorio Alfieri qui résume assez bien le comportement des camerounais que le long et scabreux règne de Paul Biya a confiné à la peur, à la dépendance, à la soumission, à la lâcheté et à la servitude.

Cette servitude concerne non seulement la population dans sa relation avec son président, mais aussi avec l’ancienne puissance coloniale, la France.

Mais le président Biya a aussi peur de partir. Il n’a pas cette noblesse des grands hommes qui veulent marquer l’histoire. Il rumine, à longueur de journée, des vicissitudes qui ont prolongé son règne et qui aujourd’hui commence à se liquéfier.

Cette triste fin de règne est propre aux hommes sans envergure qui dénoncent sans cesse des complots au lieu de faire un bilan de leur triste existence et d’en tirer les conséquences.

Aujourd’hui, nous avons un pays exsangue qui n’a pas conscience de son triste sort. Un pays qui brûle et qui voit le feu chez son voisin.  Le citoyen a perdu le sens du goût et la perception de la connaissance. Il est devenu, inconsciemment, la chose de Paul Biya qui en fait ce qu’il veut.

Mais la prise soudaine de conscience collective des camerounais est remarquable. Ils ne redoutent plus le pouvoir tout puissant de celui qui a dirigé d’une main de maitre le pays durant quatre décennies. Cette prise de conscience enfin retrouvée permet aux esprits de se libérer d’une tyrannie qui a instauré une lâcheté et une peur du plus grand nombre.

La peur a changé de camp

En proposant un dialogue ses opposants politiques, le président Paul Biya est pris dans son propre piège. Il est obligé de satisfaire aux conditions imposées par les deux camps. Dans ces conditions, il ne peut imposer ses interlocuteurs, ses thèmes de discussion et encore moins un calendrier. Les deux camps doivent respecter les prérequis qui conditionnent le bon déroulement d’un dialogue national pour éviter un jeu de dupes dont Paul Biya a l’habitude.

Si ce n’est pas le cas, le dialogue dont il parle ne serait qu’un leurre ou une manière de laisser pourrir une situation qui conduirait à un chaos de la vie politique. Un acte majeur de bonne volonté se traduira par la libération de tous les prisonniers politiques et de tous les sécessionnistes sans condition.

En respectant cette règle du jeu démocratique, Paul Biya pourrait envisager de nouvelles élections et s’offrir une sortie honorable.

Mais ce pouvoir qui a perdu ses repères est-il encore capable d’accepter une mutation en gestation ?

Par Michel Lobé Etamé
Journaliste

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