Une vie sous le signe mortifère
Par Michel Lobé Etamé
Faut-il se fier à la communauté scientifique ? Cette question soulève les passions dès que l’on évoque la pandémie en cours. La mobilisation est quasi-générale et les camps s’opposent avec la même pugnacité. Le monde s’effondre comme le dit si bien le romancier nigérian, Chinua Achebe.
Mais de quel monde parlons-nous ? Celui de la Covid-19, celui d’avant ou celui d’après ? Les données dont nous disposons sont claires et ne prêtent à aucune confusion. Une chose est sûre, rien ne sera plus comme avant. Les tenants du pouvoir croient maîtriser la vérité. Il faut pourtant relativiser ces convictions. Le monde d’avant était bien. Puis vinrent les guerres injustifiées et les conquêtes des territoires pour assouvir l’appétit toujours plus vorace des grandes puissances. Toutes ces conquêtes ont eu la même justification : civiliser les sauvages. Cette civilisation forcée nous conduit aujourd’hui à la mondialisation.
L’Amérique a été pacifiée et débarrassée des sauvages indiens. L’Amérique Latine, le Canada et l’Australie ont réduit à l’alcool les autochtones. Puis, il a fallu christianiser et islamiser les sauvages. Et là, l’église s’est interrogée. Peut-on baptiser les indiens qui ne sont pas des êtres humains ? La question ferait sourire aujourd’hui. La controverse de Valladolid n’est pas si éloignée de nous. Aujourd’hui, l’indien est considéré comme un être humain. Il se rend à l’église tous les dimanches pour sauver son âme.
Et l’Afrique. Ce vaste continent a été dépecé comme un gros gibier. Les états ont été créés pour donner du relief aux petits pays européens conquérants. Et le monde ne se porte toujours pas bien. Que faudra-t-il faire pour trouver un équilibre entre les « pacificateurs » et les sauvages barbares ? La nature s’en charge. La science aussi.
Notre gloutonnerie conduit maintenant à la production intensive pour nourrir un monde civilisé, selon les critères bien définis par les plus forts. Pour y parvenir, nous avons développé des techniques modernes et les machines ont fait le reste. Il fallait la matière première minière et agricole.
Les sous-sols ont très vite été ratissés. Puis vint l’énergie nucléaire. Elle a causé des dégâts irréparables en tuant des milliers d’êtres humains. Aujourd’hui, elle fait tourner les usines et les habitations modernes. L’homme intelligent a pompé l’eau. Pour son confort, il a vidé les nappes phréatiques et les sources naturelles. Et comme cela ne suffisait pas, l’homme moderne a aussi déforesté les vastes étendues qui ont créé des déserts artificiels.
L’exploitation intense de la nature a provoqué des dérèglements qui s’observent de plus en plus, provoquant des calamités naturelles. En conséquence, notre gloutonnerie jamais assouvie, affecte le dioxyde de carbone, ce gaz sans couleur ni odeur qui est indispensable à la vie et à la photosynthèse des plantes.
Les conséquences tragiques en cours et à venir
Lors de l’apparition du Sida, un autre virus toujours dévastateur, la communauté scientifique s’est mobilisée. Cette maladie venait d’Afrique. La lutte contre le Sida n’a pas mobilisé le monde occidental. Mais il a fallu très vite revenir à la raison. Les voyages ne mettaient pas à l’abri les femmes et les hommes. Nous nous sommes aperçus très vite que le monde est tout petit. Le brassage des populations, telle la théorie du ruissellement, a contaminé tous les continents. Il fallait bien mobiliser les énergies pour venir à bout de cette pandémie.
Le monde occidental s’est encore lourdement trompé. L’Afrique et les pays tropicaux traînent depuis la nuit des temps des virus. Le Sida et la Covid-19 ne feront que s’ajouter à d’autres peines. La communauté scientifique a eu tort d’hiérarchiser les maladies du siècle. Elle s’est crue à l’abri.
Dans notre monde civilisé du vingt et unième siècle, la mort rode partout. Le Sida, Ebola, le paludisme, La Covid-19 et ses variants, les guerres, les guerres larvées, le fanatisme religieux, etc. La liste n’est pas exhaustive. Le virulent virus de Marburg vient aussi s’ajouter à cette liste. Ce virus a été découvert en Guinée alors qu’on se croyait débarrassée d’Ebola.
Qu’on se le dise, notre civilisation est plongée sous le signe mortifère. La terre n’a pas fini de nous surprendre. Nul n’est à l’abri et les catastrophe en cours en font la démonstration. La Sibérie brûle sous une chaleur inimaginable, l’Europe connait les catastrophes naturelles imprévisibles. Le feu et les orages tuent sans discernement les pays qui se croyaient jusqu’ici à l’abri. Et ce n’est qu’un début.
Le monde est imprévisible. Les calamités qui ne font que débuter nous conduiraient-elles à la raison ? Si tel n’est pas le cas, le monde est d’avance condamné. Et que ferons-nous de toutes ces richesses cumulées ?
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant