Un rapport prônant un changement de la loi pour restituer des œuvres d’art africaines sera remis vendredi au président Emmanuel Macron. De quoi susciter des remous dans les musées français où sont conservées des dizaines de milliers d’œuvres.
Les conservateurs du musée du quai Branly à Paris, détenteur de plusieurs dizaines de milliers d’œuvres africaines, retiennent leur souffle. Deux experts sur les conditions d’acquisition de l’art africain, Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, remettront vendredi 23 novembre un rapport au président Macron sur la restitution des œuvres spoliés.
Un rapport qui fait suite à la volonté exprimée par le chef de l’État en novembre 2017 de mettre en œuvre d’ici à cinq ans des restitutions temporaires ou définitives d’œuvres africaines.
Ce document recommande selon l’AFP “un accord bilatéral entre l’État français et chaque État africain concerné [qui] prévoit, par exception au code général de la propriété des personnes publiques et au code du patrimoine, la restitution de biens culturels, et notamment d’objets des collections de musées, sortis de leur territoire d’origine pendant la période coloniale”.
La décision de suivre ou de tempérer les propositions du rapport appartiendra ensuite à Emmanuel Macron. Quel que soit son choix final, ce rapport promet de raviver le débat franco-français sur la colonisation et les biens mal acquis. Voici les principaux points du rapport, selon les informations qui ont fuité dans la presse :
- Une réforme du code du patrimoine
C’est la proposition la plus radicale du rapport : modifier la loi qui régit les collections nationales. Selon le code actuellement en vigueur, les œuvres d’art appartenant à l’État français sont essentiellement incessibles. Par exemple, la restitution de manuscrits royaux coréens en 2011 avait été présentée comme un prêt renouvelable de cinq ans afin de contourner le principe d’inaliénabilité. La modification du code du patrimoine permettrait des restitutions en bonne et due forme.
- Un dispositif centré sur l’art africain
La situation des œuvres africaines est unique au monde car, selon les experts, 85 % à 90 % du patrimoine africain serait aujourd’hui hors de son continent d’origine. Les deux tiers des œuvres africaines du musée du quai Branly ont été acquises pendant la période coloniale (1885-1960). Un aspect qui pose problème pour les auteurs du rapport, qui justifient la modification du code du patrimoine par un “vice de consentement” des autorités africaines pendant cette période de domination française.
- Une restitution d’État à État
Le nouvel article inséré dans le code du patrimoine mentionne spécifiquement que les œuvres seraient restituées dans le cadre d’un accord bilatéral de coopération culturelle entre l’État français et un État africain. Cela signifie a priori que seules les œuvres des collections nationales françaises sont concernées par cette réforme, et non celles appartenant aux marchands ou aux collectionneurs privés. Les États africains seraient à l’initiative des demandes de restitution d’œuvres mentionnées sur un inventaire fourni par les autorités françaises.
Avec AFP
Texte par Mehdi CHEBIL