Publié le 14 mai 2021 par bouamamas
La montée de l’extrême-droite aux élections municipale de 1900 avait suscité à Georges Clémenceau la déclaration suivante : « En ce moment, c’est la dictature du sabre et du goupillon qui est à l’ordre du jour[i] ». Il soulignait ainsi les deux assises de l’offensive des droites nationalistes de la séquence historique : l’idéologie cléricale appelant à lutter contre la décadence et la dépravation et le pouvoir militaire s’exprimant pour un retour autoritaire à l’ordre. L’entre-deux-guerres et ses ligues sont également caractérisés par le double discours de la décadence et du péril civilisationnel comme diagnostic et d’appel à un retour viril à l’ordre comme solution. Ces deux séquences historiques sont par ailleurs inscrites dans un contexte de crise sociale et économique, de colères sociales massives et de crise de légitimité du pouvoir. Une série de tribunes et déclarations collectives récentes de militaires et de policiers d’une part et les contours de notre contexte contemporains [avec des ingrédients de même nature que ceux des deux séquences évoquées ci-dessus] d’autre part, réinterrogent l’articulation actuelle de ces deux assises du pouvoir [la contrainte violente et l’idéologie].
Du discours de la décadence à celui du délitement
En quelques semaines nous avons vu la succession d’une tribune de militaires de réserve, une autre de militaires dits d’active et une lettre ouverte au président de la République du syndicat Police-France, sans compter, bien entendu, les multiples déclarations de droites et du Rassemblement National affirmant « comprendre le malaise » qui s’exprime. Dans l’ensemble de ces textes et déclarations le cœur de l’analyse est identique et est exprimé comme suit dans la tribune signée par « une vingtaine de généraux, une centaine de hauts gradés et plus d’un milliers d’autres militaire » de réserve selon l’hebdomadaire Valeurs actuelles qui lui offre ses colonnes :
Or, notre honneur aujourd’hui tient dans la dénonciation du délitement qui frappe notre patrie : – Délitement qui, à travers un certain antiracisme, s’affiche dans un seul but : créer sur notre sol un mal-être, voire une haine entre les communautés. […] – Délitement qui, avec l’islamisme et les hordes de banlieue, entraîne le détachement de multiples parcelles de la nation pour les transformer en territoires soumis à des dogmes contraires à notre constitution. […] – Délitement, car la haine prend le pas sur la fraternité lors de manifestations où le pouvoir utilise les forces de l’ordre comme agents supplétifs et boucs émissaires face à des Français en gilets jaunes exprimant leurs désespoirs. […] Les périls montent, la violence s’accroît de jour en jour[ii].
La répétition du terme délitement désigne le mal et pose un diagnostic appelant logiquement un remède précis. Ce mot renvoie à un champs lexical résumé comme suit par différents dictionnaires : désagréger, fragmenter, dissoudre, se décomposer, exploser, imploser, etc. En outre le terme renvoie également à l’idée d’un processus inscrit dans la durée marqué par une aggravation progressive pouvant aboutir à un point de non-retour. La « patrie » serait ainsi devant un péril imminent conduisant à terme à sa disparition. Comme nous l’avons souligné en introduction ce n’est pas la première fois dans l’histoire du capitalisme en général et du capitalisme français en particulier qu’apparaissent ces images rhétoriques d’un déclin mortel nécessitant une réaction d’exception urgente. Toutes les séquences de fascisme réel que nous avons connues sur la planète se sont légitimées à partir de ces images nommées déclin et décadence hier et délitement aujourd’hui. Si les causes avancées peuvent être différentes [Les juifs, les francs-maçons, les communistes et le parlementarisme hier, les musulmans, les « séparatistes » et les islamo-gauchistes aujourd’hui] le diagnostic reste identique. Toutes ces séquences ont également été caractérisées par l’idée d’une mission exceptionnelle pour enrayer le déclin à confier aux institutions détentrices du « monopole de la violence physique légitime[iii] » selon l’expression du sociologue Max Weber c’est-à-dire à l’armée et la police. La lettre ouverte du syndicat Police-France précise les contours de cette mission exceptionnelle : « Dans le cadre de l’état d’urgence, il faut procéder au bouclage des 600 territoires perdus de la République, y compris avec le renfort de l’Armée, en contrôlant et en limitant les entrées et sorties de ces zones par des checkpoints sur le modèle israélien de séparation mis en place avec les territoires palestiniens[iv]. » Certes il faut toujours se méfier des parallèles historiques et les différences de contexte doivent toujours être prises en compte mais l’écho avec le discours des ligues fascistes dès leur première apparition à la fin du dix-neuvième siècle est indéniable. Voici comment l’historien Serge Berstein résume le discours de celles-ci, le diagnostic qu’elles posent et le remède qu’elles préconisent :
La défaite française résulte de la longue décadence que la démocratie a provoquée dans le pays. Aussi remet-il [Déroulède le principal dirigeant de la ligue des patriotes] en cause la philosophie des droits naturels, l’égalitarisme, les conceptions universalistes, le libéralisme. Le mal étant identifié, le remède s’impose de lui-même. Pour que la revanche soit possible et que les provinces perdues soient reconquises, il faut créer une France nouvelle, une société disciplinée, régie par un pouvoir autoritaire, organisée sur le modèle militaire avec le respect de la hiérarchie et le culte du sacrifice. Et cette mutation exige l’abandon du système parlementaire vu comme synonyme de bavardages, de faiblesse et d’impuissance[v].
La même logique de raisonnement se retrouve avec les ligues de l’entre-deux-guerres dans le contexte de la crise de 29, dans le discours pétainiste sur la Révolution Nationale, dans le discours nazi sur la dégénérescence de la race allemande, dans le discours mussolinien sur la « décadence des hiérarchies » qui signifierait « la décadence des Etats » , etc. Sans conclure à la similitude totale des situations, les points communs avec notre contexte contemporain ne doivent pas être négligés alerte l’historien Michel Winock : « Plus que jamais le changement brutal que connaît le XXe siècle stimule le discours de la décadence, l’appel au sauveur et le refuge dans une pensée au sens propre réactionnaire[vi] »
Les nouvelles configurations de l’hégémonie culturelle comme consensus idéologique
Un autre point commun entre les trois séquences historiques évoquées ci-dessus [la fin du dix-neuvième et ses ligues « patriotiques », l’entre-deux-guerres et ses ligues nationalistes et aujourd’hui et sa fachosphère] est justement ce « changement brutal » qu’évoque Michel Winock. La première se caractérise par le paiement de l’impôt de guerre suite à l’accord de Francfort réglant la fin de la guerre franco-prussienne de 1870 d’une part et par ce que certains économistes ont appelés la « longue dépression » du fait qu’elle s’étale de 1873 à 1896 d’autre part. La seconde est inséparable de la crise de 29. La troisième enfin est indissociable de la nouvelle régulation du capitalisme du fait de ladite « mondialisation ». Dans les trois cas des effets comparables sont repérables : paupérisation rapide et massive des classes populaires, déclassement des dites « couches moyennes », explosion du chômage et montée en radicalisation des luttes sociales et des pratiques de « violences légitimes » visant à les contenir par la répression.
Ces trois contextes différents mais porteurs de quelques invariants structurants ont suscités à la fois des organisations politiques appelant à la prise du pouvoir fasciste, des mesures législatives gouvernementales des restrictions des droits et libertés d’une part et de pénalisation de la contestation d’autre part [ce que les antifascistes des années trente appelaient le processus de fascisation], l’appel à un « sauveur » s’appuyant sur les « forces de l’ordre » [armée et police] pour sauver le pays du déclin et des prises de parole policières et militaires allant dans ce sens et enfin une nouvelle configuration du discours idéologique dominant partagée à la fois par le pouvoir en place et par les groupes fascisant qui le contestent. Ce dernier aspect est, selon nous essentiel. Dans ces trois séquences historiques le désaccord sur les solutions entre groupes fascisants et pouvoir en place s’accompagne d’un accord sur le diagnostic de la situation. L’accord n’est certes pas total et le discours idéologique tenu varie sur la gravité de la crise, sur l’ampleur et l’imminence du danger, sur les solutions à apporter, sur la figure du danger désignée, etc. Cependant l’idée d’une « menace extérieure » portée par des groupes sociaux précis [les juifs et les bolcheviks hier, les musulmans ou les « islamistes » et les islamogauchistes aujourd’hui] introduisant un virus mortel pour la nation fait l’objet d’un consensus entre groupes fascistes et pouvoir en place dans ces trois séquences historiques.
Autrement dit le consensus idéologique repérable est celui portant sur les causes de la crise subie par les classes populaires c’est-à-dire sur le fait de les situer à l’extérieur du système social capitaliste et des choix économiques mis en œuvre par le pouvoir en place. Cette opération d’externalisation de l’explication des crises peut se dérouler, selon nous, selon deux modalités essentielles. La première est la construction d’un « ennemi extérieur » comme l’a été pendant des décennies l’URSS sous la forme du discours sur le « péril rouge ». La seconde est l’ethnicisation des questions sociales posant un groupe social « ethniquement » défini [ou religieusement, ou culturellement, etc.] comme la cause première du péril. Les deux modalités peuvent, bien entendu s’articuler aisément comme dans la version du péril judéo-bolchévik que nous avons connus dans l’entre-deux-guerres ou dans celle de l’alliance islamogauchiste que dénoncent les tribunes militaires et policières évoquées et avant elles le discours officiel du gouvernement.
Un tel discours idéologique ne peut avoir des chances d’être efficace qu’en suscitant une logique de panique, de peur, d’angoisse, etc. C’est la raison pour laquelle il se développe fortement par l’invention d’une différence « ethnique » beaucoup plus que par l’instrumentalisation d’une différence « objective ». Au moment où les « Juifs » hier et les musulmans aujourd’hui sont désignés comme cause de tous les maux de la société française en France comme ailleurs, ils sont déjà et depuis longtemps devenus français. Les discours sur l’impossible « assimilation » hier ou sur la « crise de l’intégration » [ou encore sur l’incompatibilité de l’Islam et des « valeurs de la République »] aujourd’hui, correspondent à une invention de la « différence » à des fins d’imposer un clivage entre deux composantes de la population française populaire en lieu et place du clivage de classes. L’ennemi extérieur est certes toujours présent mais sa dangerosité est accrue par l’existence d’un « ennemi intérieur » et par les alliances possibles entre eux. L’obligation de porter une étoile jaune portant la mention « juif » a pour objectif justement de rendre visible une « différence » qui ne l’était plus depuis longtemps. Le basculement du discours anti-immigré vers un discours antimusulman n’est pas sans lien avec cette logique de désignation d’un ennemi de l’intérieur d’autant plus dangereux qu’il est « intégré », d’autant plus périlleux qu’il est « invisible » ou qu’il se cache, d’autant plus pernicieux qu’il est présent dans nos syndicats, nos universités, nos associations, nos écoles, etc.
La seconde condition d’efficacité d’une telle logique de panique est de mettre en scène des scénarios catastrophes en visibilisant des résultats catastrophiques supposés du « laxisme » face aux dangers qui menacent. La seconde tribune militaire émanant cette fois de militaires d’actives alerte ainsi sur les dangers à venir :
Oui, nos aînés ont raison sur le fond de leur texte, dans sa totalité. Nous voyons la violence dans nos villes et villages. Nous voyons le communautarisme s’installer dans l’espace public, dans le débat public. Nous voyons la haine de la France et de son histoire devenir la norme. Ce n’est peut-être pas à des militaires de dire cela, arguerez-vous. Bien au contraire : parce que nous sommes apolitiques dans nos appréciations de situation, c’est un constat professionnel que nous livrons. Car cette déchéance, nous l’avons vue dans bien des pays en crise. Elle précède l’effondrement. Elle annonce le chaos et la violence, et contrairement à ce que vous affirmez ici où là, ce chaos et cette violence ne viendront pas d’un “pronunciamento militaire” mais d’une insurrection civile[vii].
Hier comme aujourd’hui le discours sur la menace invisible se complète par un discours territorial dans lequel certaines zones géographiques sont construites comme symbole du danger qui menace l’ensemble de la nation. Les « hordes de banlieue » de la tribune dites des généraux ou les « 600 territoires perdus » à « boucler par des checkpoints sur le modèle israélien de séparation » ne sont rien d’autres que la version contemporaine de la territorialisation du danger. Une telle logique appelle inévitablement à des pratiques d’exception comme le propose ce syndicat de police.
La nouvelle configuration idéologique de l’hégémonie culturelle dominante à base de « guerre » contre le terrorisme, le communautarisme, le séparatisme d’une part et de territorialisation du danger sous la forme du discours sur les « territoires perdus de la République » d’autre part constitue bien un consensus idéologique entre le pouvoir en place et ses contestataires d’extrême-droite. La logique électorale conduit la droite à la reprise de ce consensus. Plus grave l’emprunt par de larges pans de la gauche d’ « éléments de discours », comme disent les libéraux, issus de cette nouvelle configuration de l’idéologie dominante, contribue objectivement à l’enracinement de celle-ci. Dans le combat pour l’hégémonie culturelle aucun emprunt à l’adversaire n’est possible sans le renforcer. L’illusion d’une reprise de certains thèmes dominants en les « adoucissant » conduit inévitablement à renforcer cette nouvelle configuration.
L’appel au sécuritaire comme accompagnement politico-médiatique
Bien entendu les « 600 territoires perdus » ne sont pas exempts de facteurs de dégradation. L’idéologie n’est que rarement entièrement hors sol. Elle s’appuie fréquemment sur des constats sociaux indéniables mais pour en proposer des attributions causales faisant écran à la perception des véritables causes sociales, économiques et politiques. Les fameux « 600 territoires perdus » se caractérisent tous par des taux de pauvreté hallucinants. Ils ne sont que la partie la plus visible de l’iceberg du déclassement social subit ces dernières décennies par l’ensemble des classes et quartiers populaires.
La réaction à ces changements brutaux et massifs ne sont pas univoques. La colère sociale prend des canaux divers d’expressions. Certains de ceux-ci orientent vers le collectif, la solidarité et la résistance. D’autres vers l’individualisme, la guerre de tous contre tous et l’adaptation au pire pour survivre. Les quartiers populaires en général et les « 600 territoires » en particulier ne sont ni les jungles humaines où la violence est constante que décrivent les médias sensationnalistes, ni des havres de paix et de solidarité que renvois en réaction certains militants. Ils sont les deux à la fois avec des variations selon les endroits, les moments, les structures collectives encore disponibles, etc. Ce qui est constant en revanche c’est la triple violence qu’ils subissent : la violence sociale de la précarité économique d’autant plus destructrice qu’elle n’est pas exercée par un acteur visible d’une part, la violence de la surveillance policière spécifique d’autre part et en particulier des contrôles au faciès humiliants et la violence du discours médiatiques les décrivant comme espaces de « sauvagerie ». C’est pourquoi nous parlions dans un article antérieur de « violences atmosphériques ».
C’est dans ce contexte global qu’il convient de restituer la dégradation des rapports avec la police depuis plusieurs décennies. Une socialisation précoce [quasi-enfantine] et négative à l’institution policière s’est installée du fait du type de présence des agents de cette institution [contrôle à répétition, interventions guerrières, type d’armements, etc.] dans de nombreux quartiers. Les interactions avec la police sont perçues comme porteuses de dangers, d’humiliations potentielles et de rapports de force. La présentation médiatique et politique d’agents des forces de l’ordre victimes de violences grandissantes déconnectée de ce contexte global est réductrice. Elle amplifie ces « agressions », masque les causes profondes et produit une demande grandissante de sécuritaire sur laquelle surfe l’extrême-droite et sur laquelle s’appuient les tribunes militaires pour appeler à un régime d’exception pour une partie précise de la population.
La colère sociale d’« en bas » que les « Gilets Jaunes » ont symbolisé et visibilisé est une conséquence de l’insécurité sociale. La pandémie et sa gestion ont encore accrue cette dernière faisant craindre aux classes dominantes de nouvelles expressions plus radicales de la contestation de l’ordre établi. La gestion libérale du financement du coût économique de la pandémie conduit de surcroît à de nouvelles mesures austéritaires qui ne peuvent qu’amplifier encore cette contestation. Transformer la colère contre l’insécurité sociale en révolte contre « l’insécurité » est la logique de nombreux discours politiques et médiatiques récents successifs : polémiques sur les islamogauchistes fleurissant sur le terreau du laxisme, discours sur les rixes entre bandes de jeunes qui seraient en explosion quantitatives, instrumentalisation de l’émotion suscitée par la mort d’agents de force de l’ordre en affirmant pour elles aussi une hausse vertigineuse, injonction à l’unanimisme excluant tout débat sur les causes à chaque attentat ou agression contre un agent des forces de l’ordre, etc.
Les réactions de certains médias vont dans la même direction de susciter une demande de sécuritaire globalement et d’appel à un homme providentiel pour certains. L’hebdomadaire Valeurs actuelles transforme une des tribunes des militaires en pétition publique et annonce le 10 mai qu’« ils sont déjà 784 000 à soutenir cet appel[viii] ». L’hebdomadaire Marianne feint de prendre de la distance en affirmant que la tribune des ex-généraux contient des « relents putschistes » mais pour mieux affirmer ensuite qu’elle « met le doigt là où ça fait mal[ix] ». LCI commande un sondage à la société Harris qui conclut que 58 % des personnes interrogées soutiennent cette tribune, que 86 % de ceux-ci considèrent que les lois de la République ne s’appliquent plus sur l’ensemble du territoire, que 84 % pensent que la violence augmente, que 74 % analysent l’antiracisme comme une des causes de la « dégradation » de la situation, que 73 % partagent l’affirmation de l’existence d’un « délitement » de la société et que 49 % se déclarent favorable à une intervention de l’armée « sans qu’on ne lui en donne l’ordre » pour garantir la sécurité. Bien sur les chroniqueurs médiatiques et pseudo experts sont s’en donné à cœur joie pour dénoncer, approuver ou nuancer les tribunes en question mais sur la base d’un constat partagé quasi-unanime sur le fameux pseudo « délitement » de notre société.
Nous ne partageons pas l’affirmation de l’existence d’un danger fasciste à court-terme. La classe dominante n’en a ni le besoin politique, ni le besoin idéologique, ni les moyens politiques immédiatement disponibles. Sur le plan des besoins politiques, elle dispose encore de ressources électorales lui permettant d’espérer sauvegarder une façade légale et démocratique tout en poursuivant ses politiques néolibérales et en faisant de nouveau payer la facture du COVID aux classes populaires. Sur celui des besoins idéologiques, elle a réussi à imposer son hégémonie sur un large pan du champ politique [Jusqu’au sein d’une partie du Parti Communiste, de la France Insoumise et de l’extrême-gauche] sur les questions de la « laïcité », des « valeurs de la République », de la lutte contre le pseudo « séparatisme », etc. En témoignent les faibles mobilisations et/ou les silences assourdissants à propos de la loi sur le séparatisme. En témoigne également le contraste entre les appels à se mobiliser contre la loi sur la « sécurité globale » et ceux contre la loi sur le séparatisme alors qu’elles sont fondamentalement des « lois jumelles ». Sur le plan des moyens politiques enfin l’assise sociale et organisationnelle d’un pouvoir fasciste n’est pas encore suffisamment large.
En revanche les tribunes militaires et policières indiquent qu’une partie de la classe dominante est inquiète des radicalisations possibles des luttes sociales. C’est cette partie que visait déjà l’extrême-droite avec son collectif « Audace Jeunes actifs Patriotes » depuis 2014 s’adressant aux dirigeants des PME [Petites et Moyennes Entreprises]et des TPE [Très Petites Entreprises] et son cercle « Audace » également créé en 2014 pour des entreprises plus importantes. C’est également cette partie qui a investie dans la promotion de nouveaux titres comme « Valeurs actuelles ». L’actionnaire principal de ce titre est ainsi Iskandar Safa qui était la 92ème fortune de France en 2020[x]. Encore largement minoritaire cette fraction du patronat utilise sa presse comme ballon d’essai, comme mesure de l’opinion et de ses réactions aux différents thèmes de la bataille idéologique, comme outil d’analyse de son champ des possibles politique.
Dans un tel contexte les tribunes militaires et policières apparaissent comme un des résultats de la bataille pour l’hégémonie culturelle menée depuis plusieurs décennies sur les thèmes de l’immigration, du pseudo-communautarisme, du soi-disant danger « séparatiste », des prétendues « menaces sur la laïcité », etc. L’illusion de combattre idéologiquement les conséquences [les fameuses tribunes, l’implantation de l’extrême-droite dans les institutions militaire et policière, etc.] sans s’attaquer aux causes [la nouvelle idéologie culturelle à base de « civilisation menacée »] est le principal élément de la dynamique de droitisation de la société française.