Au pouvoir depuis 1989, le président soudanais a quitté le pouvoir. Des milliers de manifestants sont rassemblés depuis six jours devant le siège de l’armée, qui abrite également la résidence officielle du chef de l’État.
Omar el-Béchir est tombé. Le président âgé de 75 ans, au pouvoir depuis 1989, a été destitué par l’armée après plus de trois mois de manifestations contre son pouvoir, a annoncé ce jeudi le ministre de la Défense à la télévision. Omar el-Béchir est actuellement détenu par les militaires et se trouve d’après le ministre «en lieu sûr».
Il a également indiqué que la Constitution était suspendue pour le moment et que des élections seraient organisées après une période de transition de deux ans. Durant cette période, c’est un conseil militaire qui administrera le Soudan. Les frontières et l’espace aérien ont été fermés jusqu’à nouvel ordre. Des centaines de manifestants avaient attaqué jeudi les bureaux des services de renseignement et de sécurité (NISS) dans deux villes de l’est du pays, Port-Soudan et Kassala, rapporte l’agence Reuters. Le NISS a lui fait état de la libération de tous les prisonniers politiques du pays, selon l’agence officielle Suna. Un cessez-le-feu a été décrété sur tout le territoire.
La joie des manifestants a toutefois rapidement laissé place à la déception. Les meneurs de la contestation ont annoncé qu’ils rejetaient le «coup d’État du régime». Le conseil militaire a également décidé d’un couvre-feu, manière de mettre un terme aux manifestations. «Le régime a mené un coup d’Etat militaire en présentant encore les mêmes visages (…) contre lesquels notre peuple s’est élevé», a indiqué dans un communiqué l’Alliance pour la liberté et le changement. «Nous appelons notre peuple à continuer son sit-in devant le quartier général de l’armée (à Khartoum) et à travers le pays», a-t-elle ajouté. Le correspondant du Monde Jean-Philippe Rémy donne des nouvelles du rassemblement devant le QG de l’armée: «stupeur, incrédulité, colère. Un témoignage: un garçon a marché 56 kilomètres depuis le sud de Khartoum et il n’a pas l’intention de s’en aller. Ça ne va pas bien se passer»
Une foule immense avait également investi le centre de la capitale, laissant éclater sa joie en brandissant notamment des drapeaux soudanais. Des rassemblements ont également eu lieu dans les villes de Madani, Gadaref, Port-Soudan, Al-Obeid ou Kassala. L’armée s’eétait déployée dans plusieurs rues de la capitale.
49 morts dans les manifestations
Depuis trois mois maintenant, les Soudanais se révoltent contre le régime du président Béchir. La contestation a démarré après la décision du gouvernement de tripler le prix du pain le 19 décembre. La mobilisation s’est ensuite muée en mouvement de protestation contre le régime lui-même, des milliers de Soudanais réclamant le départ du président. Omar el-Béchir a tenté de réprimer la contestation par la force, puis instauré le 22 février l’état d’urgence à l’échelle nationale. 49 personnes sont mortes dans des violences liées aux manifestations, de sources officielles.
Depuis samedi et l’organisation du sit-in devant le siège de l’armée, les manifestants ont essuyé à plusieurs reprises les assauts du puissant service de renseignement NISS, qui a tenté en vain de les disperser à coups de gaz lacrymogène, selon les organisateurs du rassemblement. Mardi, 11 personnes dont six membres des forces de sécurité ont été tuées lors de manifestations à Khartoum, a rapporté mercredi le porte-parole du gouvernement Hassan Ismail.
Mardi, des capitales occidentales avaient appelé les autorités à répondre aux revendications «d’une façon sérieuse». Le pouvoir doit proposer «un plan de transition politique crédible», ont écrit les ambassades des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Norvège dans un communiqué conjoint à Khartoum. Mercredi, Washington a exhorté le pouvoir à respecter le droit de manifester.
Omar el-Béchir, militaire de formation, s’est auto-proclamé président de la République en 1993, après avoir renversé le pouvoir en place en 1989. Il s’est fait réélire en 1996 et en 2010 puis en 2015. Il est visé par deux mandats d’arrêt internationaux émis par la CPI en 2009 et 2010 pour génocide, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au Darfour, province de l’ouest du Soudan en proie à une guerre civile depuis 2003. Le conflit a fait environ 300 000 morts selon l’ONU.