Qui avait intérêt à occire le religieux et savant camerounais ? Aujourd’hui décédé, le père Meinrad Pierre Hebga ne prenait pas de gants à ce sujet. Dans une Interview à ‘ AFRIQUE D’ESPERANCE, SPECIAL MVENG 2000 ‘ :
« Nous ignorons les mobiles du crime ignoble dont le Cameroun se souilla en Avril 1995. Le ministre de la justice avait arraché l’enquête à la Police Judiciaire pour la confier à une commission bidon, chargée, en fait, de l’ensabler. On plaça alors le corps du Père Mveng sous scellé pour ‘complément d’enquête’. Cinq après, le médecin payé par la ‘Compagnie de Jésus’ pour faire l’autopsie n’avait toujours pas donné son verdict avant de mourir lui-même ! Venant à la rescousse, un ministre de la Justice, docteur en droit et sans aucune compétence en médecine nous révéla que le Père n’avait pas été assassiné mais qu’il était mort de maladie. Cette comédie ne pouvait qu’accréditer des rumeurs. Observant que le front du défunt était aplati, les gens affirmèrent que les satanistes qui infestent le pays (voir les ouvrages de : Ebalè Angounou, Titus Edzoa) avaient dévoré le cerveau du Père au cours d’un repas rituel. Ces gens, on le sait, sont des cannibales à leurs heures. »
Mais quel intérêt ? Seulement pour déguster la saveur piquante des noyaux et du ciboulot du père Mveng ? Il est vrai que dans le traité du « cannibalisme pour les nuls », s’offrir les parties nobles d’un individu à l’esprit supérieur, c’est s’assurer une immunité ésotérique. D’après VIKIDIA en ligne, « On peut croire, par exemple, que la force d’un homme lui est procurée par son cœur. Alors, en mangeant le cœur d’une personne forte, on espère récupérer ainsi sa force ».
Plusieurs pistes s’offrent pour dénouer les fils de l’écheveau autour du sauvage assassinat du père Mveng.
La piste politique :
Dans le sérail, ce meurtre tout comme ceux des sœurs de Djoum est imputé à un ancien haut responsable versé dans l’ésotérisme.
Nous sommes dans une période où le trublion Omgba Damase agite l’opinion et veut trouver un successeur Beti à Biya. Il essaie d’imposer Ayissi Mvodo ou Denis Ekani. Me Ngongo Ottou avait déjà été éliminé. Omgba Damase persuade Edzoa de se porter candidat contre Biya. C’est un flop politique. Omgba revient à la charge, négocie l’entrée d’Ayissi Mvodo, Delphine Tsanga à l’UNDP… Ayissi meurt. Son pontage cardiaque n’a pas résisté à l’ivresse du pouvoir…
Edzoa est abandonné par ses familiers. Et entame seul sa traversée du désert.
Dans cet environnement de succession… Edzoa, Ayissi Mvondo, Omgba connaîtront le bannissement, loin du Prince.
Le Hic est Mveng qui impose son cercle des intellectuels catholiques comme challenger idéologique aux autres comploteurs.
La piste Jésuite :
Lorsque je rencontre père Lado sur le chemin de Ndjamena où il a passé quelques jours après sa fameuse marche interrompue par la Police, je reviens avec lui sur le drame Mveng et lui pose la question : Père, j’ai vu votre page Facebook, mais vous ne vous êtes pas étendu sur le meurtre du Père Mveng.
« A l’époque, explique t-il, j’étais encore jeune étudiant jésuite en formation… »
Je saisis la balle au bond : justement, l’on s’étonne aussi du presque silence des jésuites et de l’église.
« C’est un silence très éloquent, parce qu’on n’ose pas demander des comptes à notre système judiciaire qui n’a rien fait pour retrouver ses assassins, pour des raisons que seul l’actuel régime connait. C’est presque le même scénario avec feu Mgr Balla lui aussi assassiné il n’y a pas longtemps. »
Mais pour ‘sœur Joséphine’, proche collaboratrice du père Mveng qui a fini par être exfiltrée après le drame dans un couvent en occident : « Les Jésuites non plus ne sont pas clairs dans cet assassinat. Beaucoup parmi les ‘blancs’ n’aimaient pas Mveng le noir surdouéì, ils n’aimaient pas le père Meinrad Hebga non plus qui les tenait en respect du fait de ses capacités spirituelles hors normes. »
La piste juive :
Mveng était un excellent historien qui s’intéressait aux sources anciennes de l’histoire de l’Afrique et, pour lui, l’Egypte ancienne était ‘noire’ (l’école de Cheikh Anta Diop), or Moïse a grandi dans la cour du Pharaon. Le père Mveng explorait une hypothèse sur son africanité. En avril 1995, deux mois après le Colloque du 2 au 6 février 1995 à Yaoundé, Engelbert Mveng est assassiné. Ce colloque associait la somme de diverses recherches, publications universitaires, conférences et réflexions adossées aux travaux du RP Mveng sur la part de l’Afrique dans la bible dès l’origine.
Etait-ce dérangeant ? Serait-ce le mobile du crime?
Un universitaire bien en cour a son idée là-dessus :
« C’est que Moïse était un Prince Égyptien noir élevé comme prêtre à la cour de Pharaon et initié comme Prêtre dans Les Temples égyptiens (Maisons De Vie) ».
De fait, les travaux du Père Mveng sur ‘Moise l’africain’ avaient suscité pas mal de réactions hostiles. Sans être formel, l’accueil n’a pas dû être des plus chaleureux de la part de l’église et de ses institutions comme « l’Opus Dei qui a mal vu ce thème ».
La réaction la plus hostile a été celle du Rabbin Léon Ashkenazi, juif algérien engagé dans la restauration du dialogue judéo-chrétien. Il estimait théologiquement aberrant le judéo-christianisme. Il invitait à se confronter aux critères de vérité de la ‘Torah’.
Plus connu en France sous le nom de Manitou, Léon Ashkenazi était un philosophe et kabbaliste franco-israélien. Il est décédé en 21 octobre 1996.
Il a participé au rapprochement de l’État d’Israël avec le Cameroun et, à travers lui, avec le continent africain. Partisan de la « Torah Grand Israël », il entretenait avec le Président du Cameroun des relations privilégiées, selon des sources.
Parlant de lui, Wikipedia cite une anecdote tirée d’un ouvrage d’Antoine Glaser (AfricaFrance, Éditions Fayard, 2014, p. 127) : « le président camerounais Paul Biya a longtemps été sous l’influence de ‘Manitou’ qui l’aurait persuadé qu’il resterait au pouvoir tant qu’il ne voterait pas contre Israël aux Nations unies. »
Selon le journaliste Jean Pierre Du Pont, « c’est aussi le même rabbin Léon Ashkenazi qui avait initié le Président camerounais à la Kabbale, c’est-à-dire la tradition juive qui donne une interprétation mystique et allégorique à la bible »…
La vérité ou la réalité demeurent toutefois, et malgré tout, voilées ! A jamais ?
Ses disciples auraient pu écrire, à la manière de François Villon, cette épitaphe : Ci git et dort, en cette terre aimée, un Révérend Père érudit et éclairé, qui fut nommé Engelbert Mveng !
Edouard Kingue