Le sentiment d’incompréhension entre le peuple camerounais et son hyper chef de guerre, Paul Biya, amène à s’interroger sur son modèle de gouvernance en temps de crise. Une crise qui révèle au monde les grandes figures qui marquent l’histoire. Paul Biya peut-il éternellement se taire et déléguer à ses sbires des directives pour gérer une pandémie qui risque de s’installer durablement ?
Paul Biya a habitué ses administrés à des silences prolongés et à des séjours sans fin hors de ses frontières. Au cours de sa gouvernance sans conseil de ministres ni feuille de route, le flou s’est installé et s’est normalisé. Nous vivons, grâce à cet élu de dieu, dans un pays opaque. C’est ce qui caractérise son règne.
Bien qu’il ait reçu en audience l’ambassadeur de France le 16 avril, le mystère autour de Paul Biya continue à s’épaissir. Le mystère, direz-vous, entoure la moindre de ses actions. Mais il a aussi un devoir envers son peuple. Et dans cette période difficile, il doit s’exprimer pour rassurer une population qui cherche toujours son guide suprême accroché aux abonnés absents. En temps de paix, le citoyen lambda se pose très peu de questions. La routine s’installe. Il est figé dans un système qui ne gère que le quotidien.
Le monde bouge. Paul Biya doit sortir de sa tanière. Les évolutions et les adaptations au monde extérieur ne s’accommodent pas au mutisme d’un homme d’État qui a des comptes à rendre à la nation.
Paul Biya a jusqu’ici réussi ses paris. Le peuple est resté silencieux, convaincu que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Mais le monde s’ouvre. Les images hors de nos frontières, celles de l’Afrique et des contrées lointaines s’affichent sur les écrans de télévision, des tablettes et des téléphones portables.
À Yaoundé, à Douala, à Garoua ou à Buéa, les images sont largement partagées et commentées. Elles nous montrent un monde différent où la rue s’exprime et vit au rythme des évènements et des crises à surmonter. Le coronavirus vient bousculer un cercle léthargique, comateux et anarchique où son support premier a pris l’habitude de se murer dans le silence.
Paul Biya doit s’adresser à son peuple. Il doit le faire, non comme un mouton, mais par nécessité et par devoir car la pandémie en cours marquera non seulement l’histoire du pays, mais aussi l’histoire sans frontière du monde. Son absence sur la scène et son silence ne peuvent être perçus comme une vieille tactique d’arrière-garde, mais comme un aveu de faiblesse qu’on lui reproche très souvent.
Le peuple a besoin d’un leader charismatique, d’un chef de guerre comme l’impose la configuration actuelle face à la pandémie. Face à un silence outrancier, le peuple s’interroge. Il se pose des questions quant à vitalité de son chef suprême. Est-il à la hauteur des évènements ? Le peuple a besoin de la vérité pour avancer vers un futur imprévisible. Cette attitude laisse perplexe la classe politique et le citoyen habitué aux absences mortifère de son leader déifié.
Les débats dans les tanières suscitent de l’émotion, des doutes et des interrogations.
La gestion du covid-19 est à l’image du pays. Ce comportement laisse perplexe un peuple tétanisé enlisé dans un tunnel alimenté par la pauvreté ordinaire. Mais cette gestion marque surtout la trahison généralisée des élites décadentes d’un pays qui a tout pour réussir.
Quand nous regardons autour de nous, la désolation s’affiche à travers les regards des enfants, des femmes et des hommes. Elle est poignante à l’intérieur des cases, des immeubles et des gargotes où la misère s’enlise.
Un président en exercice peut-il rester muet face à la détresse de son peuple ? Et s’il parle enfin, n’est-il pas déjà trop tard ? Sa politique n’est jugée que sur quelques indicateurs : rendre leur dignité aux retraités affamés qui ne touchent pas leur maigre pension, donner aux jeunes des opportunités pour enfin voir le bout du tunnel, combattre la corruption et le tribalisme. En cette période de confinement, que mangera le chômeur alors que les prix des denrées de base s’envolent ?
Le Cameroun a besoin de réinventer une nouvelle classe politique pour relever les défis économiques, sociaux et industriels. Cette classe existe. Elle est aux antipodes de cette opposition qui se prostitue et qui s’offre en spectacle dans le renoncement de leur combat et de leur idéal.
Les sorties fracassantes et médiatiques des opposants serviles et mendiants des prébendes du pouvoir laissent à désirer. Ils se décrédibilisent en jetant leur dévolu sur Maurice Kamto qui est un des leurs. Ces spectacles révèlent des femmes et des hommes affamés, sans ambition et qui se préparent à faire allégeance aux maîtres occidentaux. Mais la jeunesse sur le qui-vive ne saurait tolérer une transition politique avec des hommes de paille qui trahiront l’Afrique et le Cameroun.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste