Éditorial

Par Michel Lobé Etamé

Le double scrutin des législatives et des municipales aurait, dans une démocratie, apporté un souffle nouveau pour une nouvelle dynamique économique, sociale et sociétale dans un pays qui aspire à la liberté et au développement. Mais nous voilà à nouveau confronté à une assemblée monocorde dominée par le RDPC et ses sbires.  

Une fois encore, le jeu démocratique, tel qu’on l’espère, a subi une lourde défaite. Le taux d’abstention qui s’élève à 87% de la population est un signe qui ne trompe pas. Dans les autocraties les plus sordides, le pouvoir aurait compris qu’il est temps de tirer sa révérence pour créer les conditions d’une alternance pacifique et porteuse d’espoir. Au Cameroun, il n’en est rien. On prend les mêmes et on recommence.

Cette fuite en avant est un mauvais signal pour l’avenir du pays. Les fossoyeurs des biens publics sont convaincus que rien n’est possible sans eux car ils se sentent protégés par leur guide suprême. Ils deviennent aveugles et insensibles à la dérive autoritaire, à la souffrance du peuple, à la léthargie ambiante qui s’est installée. Les membres de la gouvernance n’ont point de vision à long terme pour leur propre progéniture. Ils déconstruisent un pays qui dispose de tous les atouts pour émerger. Les tortionnaires en exercice depuis une quarantaine d’années font de la résistance.

La défiance envers les femmes et les hommes politiques

De tous les temps, le peuple a toujours exprimé sa défiance envers ses gouvernants. Ce sentiment légitime et naturel a régulièrement conduit à des soulèvements imprévisibles et parfois spontanés. La « victoire écrasante » du dernier double scrutin du RDPC est dans ce contexte l’arbre qui cache la forêt. Cette victoire usurpée démontre, une fois encore, que le peuple est à bout d’une gestion calamiteuse qui enrichit les fonctionnaires à la place des femmes et des hommes d’affaire qui se réveillent tous les jours à l’aube.  

Le régime actuel est bien conscient de cette défiance qui a pour origine la corruption, le tribalisme, les injustices, le népotisme, le mensonge permanent, la chasse des opposants politiques, la prison et la confiscation du pouvoir. Mais, tant que Yaoundé vit, le Cameroun vit-il ? En d’autres termes, le somptueux palais d’Etoudi est-il à l’image de tout le pays ?

La défiance des camerounais envers ses dirigeants est à son comble. Plus rien ne peut convaincre ces derniers qui ne s’en remettent plus qu’à un Dieu hypothécaire. Les défis économiques, politiques, sociaux et médiatiques ne sauraient trouver de solutions avec les équipes actuelles. Conscients de cette fin de règne, le pouvoir, toujours très vif, a déclenché une chasse aux sorcières. Les opposants politiques, les vrais, subissent au quotidien toutes les foudres pour les discréditer et jeter sur eux l’opprobre. Ces attaques sont minutieusement orchestrées pour éliminer toutes les voix discordantes.

Pour lutter contre la défiance envers les femmes et les hommes politiques, le pouvoir en place a mis en marche sa machine destructrice médiatique. Tous les jours, les médias calomnient les opposants. Cette machine de guerre les rend responsables de tous les maux du Cameroun. Les partis d’opposition sont montrés du doigt pour une vindicte populaire. Tous les moyens sont bons pour discréditer ces derniers. Les retournements de vestes sont légions. Le RMC est principalement visé et son chef, Maurice Kamto est traité de tous les noms d’oiseaux pour le plus grand bonheur de ceux qui ont quitté son navire.

La discréditation des opposants politiques va connaitre ses limites car le parti au pouvoir, le RDPC, est entré dans une phase de mortification. Yaoundé croule sous une atmosphère de fin de règne qui va emporter ses dinosaures qui ne marqueront pas l’histoire d’un pays où la jeunesse est étranglée.

Réconcilier les camerounais

Le pouvoir actuel, usé par quarante années d’immobilisme, est soumis à une foule de défis majeurs. L’information est prolixe. Elle permet, à travers différents canaux, de propager des mensonges et des contre-vérités. Les mensonges du pouvoir connaissent dès lors leur faillite et leur limite.

Les camerounais ont besoin d’une paix viable pour relever tous les défis. Pour y parvenir, la prochaine équipe dirigeante peut s’appuyer sur un leitmotiv : la réconciliation nationale. Diaboliser puis criminaliser l’opposition est une politique lourde de conséquence au moment où la réconciliation nationale permettrait de doter le pays de toutes ses forces vives.

Réconcilier un peuple est une tâche difficile après des années de galère, de spoliation des droits, de barbarie et d’emprisonnements arbitraires. Sortir de notre nuit profonde est possible.  Il suffit juste de créer des conditions de justice, de libérer tous les prisonniers politiques, d’organiser des marches encadrées et de diffuser la bonne information sur les dégâts du tribalisme, du népotisme, du vol des deniers publics et des bienfaits de la méritocratie. Tout cela est possible dans un climat apaisé avec une nouvelle équipe responsable et patriote car les vrais ennemis du Cameroun ne sont pas les oppositions politiques, mais les fossoyeurs des deniers publics qui font de la prison de Kondengui la plus grande concentration de millionnaires au kilomètre carré. Tout est possible en tendant la main aux sécessionnistes pour une paix des braves.     

Par Michel Lobé Étamé

Journaliste

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