Une plainte déposée en France, plusieurs auditions réalisées, l’affaire confiée à une Procureure de la République
Suite aux révélations du brigadier de police Jean Cyprien Sèna Loko relatives à l’assassinat planifié de l’opposant Léonce Houngbadji, ce dernier a déposé une plainte en France le 8 juillet 2020 à 16h 26. Sur instruction de la Procureure de la République en charge du dossier, le jeudi 30 juillet 2020 à 14h, le président du Parti pour la Libération du Peuple (PLP) a été entendu une deuxième fois par les enquêteurs. Le brigadier de police Jean Cyprien Sèna Loko a été également auditionné pendant plusieurs heures par les enquêteurs.
L’affaire est prise très au sérieux par les autorités françaises au plus haut niveau qui ont été vite alertées. De l’appareil judiciaire à la police en passant par les services de renseignements et les autorités politiques au plus haut niveau, tous sont au courant de ce dossier d’assassinat planifié. Les enquêtes se poursuivent, et l’opposant Léonce Houngbadji est surveillé comme le lait sur le feu par les structures compétentes.
Le 29 septembre 2020, le conseil d’administration de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) a décidé de retirer le Bénin de la liste des « pays d’origine sûrs » pour une durée de douze mois. Et pour cause, le Bénin ne veille plus au respect des principes de la liberté, de la démocratie, de l’état de droit, ainsi que des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Retour sur les révélations du brigadier de police Loko
Le vendredi 8 mai 2020 à 15h08, heure de Paris, l’opposant Léonce Houngbadji a reçu une information sur sa messagerie WhatsApp l’informant du plan de son assassinat commandité par le Général Nazaire Hounnonkpè, ancien directeur général de la police républicaine. Le brigadier de police Jean Cyprien Sèna Loko est l’auteur dudit message. « …Le 05 juin 2018, je me suis rendu à Cotonou avec ma voiture. Le Général Hounnonkpè m’avait laissé un numéro MOOV commençant par 64 que je devais appeler une fois à Cotonou. J’ai appelé le numéro le 6 juin aux environs de 18h – 18h30 puis quelqu’un a décroché. J’ai demandé à parler au Général. Il a pris le téléphone et m’a dit de venir au complexe Titanic à la descente du pont (l’ancien pont). Je suis allé à l’endroit puis j’ai garé ma voiture. A ma descente, une voiture Toyota Corolla couleur grise dont je ne me souviens plus du numéro de la plaque d’immatriculation m’a klaxonné. Je suis allé vers la voiture en passant par le côté chauffeur. J’ai alors vu que c’est le Général Hounnonkpè. Il était en chemise tissu manche longue. Il m’a demandé de monter à bord. Après m’avoir demandé comment le voyage s’est passé, il m’a dit qu’il m’a fait appel pour une mission et que si je l’exécutais, la demande introduite dans son secrétariat par son protocole Hermance Atchogoun avec qui j’ai fait le stage du BQ1 en Transmission, aura une suite favorable, il va reconnaître mon diplôme et m’avancer en grade, et que j’aurai un montant de 10.000.000 FCFA (15.000 euros) dans sa main. Il mettra un pistolet automatique de fabrication artisanale avec munition à ma disposition. Je lui ai demandé le but de la mission. Il m’a dit qu’il s’agit de Léonce HOUNGBADJI sur qui je vais tirer. Ensuite, il m’a dit qu’il sait que je connais bien Léonce pour avoir servi avec lui au ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique et des Cultes (MISPC) quand je conduisais le colonel Elomon, qui était le Directeur de la Transmission et de la Télésurveillance. Je lui ai dit oui que je connais Monsieur HOUNGBADJI. Mais je ne peux pas commettre ce forfait. Il me rassure en me disant de ne pas m’inquiéter, les conditions propices à la réussite de l’opération me seront créées pour me faciliter la tâche. J’ai décliné l’offre. Il m’a dit de descendre de sa voiture et qu’il me donne 3 jours pour réfléchir. Mais de savoir que si je le dis à quelqu’un, ma vie sera en danger ainsi que ma carrière…. », a-t-il révélé.
Le lundi 6 juillet 2020, de 18h à 19h, heure de Paris, le brigadier de police Jean Cyprien Sena Loko confirma sur Africa Radio : « Le général Nazaire Hounnonkpè m’a demandé de tirer sur Léonce Houngbadji et qu’il me créerait des conditions favorables pour tirer sur ce dernier ».
La troublante révélation est venue du Directeur d’Amnesty International Bénin, Fidèle Marcos Kikan, au cours de l’émission « Le Grand Débat » animée par le journaliste émérite Francis Laloupo : « Nous avons été informés de ce dossier, avons sollicités des autorités, malheureusement nous n’avons pas encore été reçus. Mais nous poursuivons nos investigations selon notre méthode interne avec tous nos organes internationaux sur cette question particulière. Mais nous ne sommes pas surpris. Il y a d’autres dossiers de ce genre que nous traitons. Les cas se ressemblent. Nous sommes débordés sur ces cas. Il y a énormément des cas similaires. La liste commence par s’allonger… »
Participant à la même émission, le député Valentin Djènontin, ancien ministre de la Justice du Bénin, en exil en France depuis deux ans, lâcha : « Le général Nazaire Hounnonkpè ne peut pas agir de façon solitaire. C’est une évidence. C’est clair que dans ce cas, il est en mission pour le régime qui pense que Léonce Houngbadji est devenu un élément gênant pour lui. J’ai eu froid dans le dos et le cœur très serré quand j’écoutais le brigadier Loko. J’étais vraiment abattu… »
Vague d’indignation
Ce dossier d’assassinat programmé suscita une vague d’indignation. Le Parti Communiste du Bénin (PCB) dénonce et condamne toute tentative d’assassinat d’opposant politique, notamment celle de Léonce Houngbadji et exige du pouvoir de Patrice Talon, qu’il fasse avec diligence, la lumière sur ces graves dénonciations afin de situer le peuple sur les tenants et aboutissants de cette tentative d’assassinat.
L’opposition béninoise dans la diaspora réunie au sein de la Résistance Béninoise dans la diaspora monta également au créneau pour rendre le pouvoir responsable de tout ce qui pourrait arriver aux opposants, aussi bien ceux de l’intérieur en liberté ou en prison que ceux contraints à l’exil.
Le 28 juin 2020 à 17h56 mn, l’ancien chef de l’Etat Thomas Boni Yayi a appelé Léonce Houngbadji pour lui exprimer son soutien moral : « Félicitations pour votre patriotisme et votre attachement à la démocratie dans notre pays. La Providence est le maître du temps. Dieu qui met fin à la malice des méchants fera son miracle. Car il est sensible à nos gémissements et SOS face au Satan. Courage à vous pour votre détermination sous la protection du Tout Puissant des Cieux. Le combat continue. Mes pieuses pensées à votre famille. Je vous aime. »
Le 11 juillet 2020 aux environs de 17h30, l’ancien président de la République Nicéphore Dieudonné Soglo a également échangé au téléphone avec le président du PLP pour lui témoigner sa solidarité : « Nous sommes informés. Vous êtes un vrai combattant. Je vous suis depuis le début. Je suis très fier de vous. Vous avez la fougue. Je vous embrasse très fort, et ne lâchez pas. Nous ferons le job… »
Cette troublante affaire digne d’un roman d’assassinat politique ne fait que confirmer le climat d’insécurité complète dans lequel l’opposant Léonce Houngbadji se trouvait au Bénin, avant son exil forcé en France le 20 octobre 2018.
[05:20, 12/10/2020] Léonce Bénin: En exclusivité. JEAN-CHRIST BEMLLEY