(texte)

QUAND LES PAYS AFRICAINS PRENNENT LA CHINE POUR UN DISTRIBUTEUR AUTOMATIQUE POUR FINANCER TOUS LES PROJETS MAL FISCELES – L’EXEMPLE DU CAMEROUN.

Fin de la lune de miel entre la Chine et l’Afrique ! Ou voici comment l’Afrique a raté le virage d’utiliser les capitaux chinois pour se libérer de la prédation de l’Occident.

Chaque jour, les services d’information des ambassades de Chine, envoient à Pékin d’énormes informations dont une bonne partie est déclassifiée et qui alimente, les analyses de nombreux chercheurs des universités qui s’intéressent aux relations entre la Chine et l’Afrique.

C’est Déborah Brautigam que nous avons déjà vue plus haut démontant les mensonges de la BBC sur les soi-disant pièges de la dette chinoise, qui nous intéresse dans la suite de cette leçon toujours avec son blog.

Cette fois-ci, ce qui nous intéresse c’est ce qu’elle écrit sur ce qui ne marche pas dans les relations entre la Chine et le Cameroun au sujet de la construction de ce qui devait être le premier tronçon d’autoroute du Cameroun, entre Yaoundé et Douala et qui a connu plus de 12 ans de retard.

RAPPEL

Déborah Brautigam est Directrice de la “China Africa Research Initiative” (CARI) et par le professeur Bernard L. Schwartz de la School of Advanced International Studies (SAIS) tous deux professeurs à l’Université Johns Hopkins à Washington, DC. aux Etats-Unis.

Elle est l’auteur des livres suivants :

1) Will Africa Feed China ? (OUP 2015) ;
2) The Dragon’s Gift : The Real Story of China in Africa (OUP 2011) ;
3) Chinese Aid and African Development (Macmillan 1998)

Elle tient un blog intitulé : www.chinaafricarealstory.com

Déborah Brautigam nous explique, les principales raisons de ce retard et surtout, l’exaspération de la partie chinoise au contrat.

Nous sommes Mardi le 6 juillet 2021.

Déborah Brautigam écrit sur son blog une analyse intitulée :

“La route vers on ne sait où : ce qu’un projet autoroutier au Cameroun peut nous apprendre sur la complexité des prêts chinois en Afrique”

Elle écrit :


N.b: Cet article a été rédigé par Alex Hardin, ancien assistant de recherche du CARI, et Deborah Brautigam, directrice du CARI. Alex Hardin est désormais associé en suivi et évaluation chez Winrock International.

Les récits sur les prêts chinois à l’Afrique sont souvent simplifiés à l’extrême, se concentrant sur l’initiative Belt and Road et accusant la Chine de « diplomatie du piège de la dette ». Pourtant, un regard sous la surface révèle un réseau de plus en plus complexe de financiers et d’entrepreneurs chinois, d’organismes de planification et de financement des gouvernements africains et de nombreuses autres agences d’infrastructures.

Chaque projet révèle une histoire qui, à la fois complique le récit simpliste et contribue à brosser un portrait plus clair du processus par lequel ces projets sont réalisés.

L’une de ces histoires est celle de la première phase d’un projet de construction d’autoroute au Cameroun destiné à relier la capitale politique du pays, Yaoundé, à son centre économique, Douala, en passant par un autre pôle métropolitain majeur, Edéa.

À cette fin, dans la première phase, comme le décrit un aperçu du projet du ministère camerounais de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (MINEPAT), le Cameroun a entrepris de construire une route entre Yaoundé et Bot-Makak, une ville située à environ un tiers du chemin menant à Douala, point d’arrivée final.

Pour financer les travaux de construction, le gouvernement camerounais a signé un prêt avec Eximbank China sous la forme d’un crédit-acheteur à l’exportation préférentiel (PEBC) d’un montant de 482 800 000 USD le 8 mars 2012. La société China First Highway Engineering Co., Ltd. (CFHEC) a été choisie pour construire le projet. À partir de ce moment, les avancements, les progressions du projet n’ont pas été simples.

En décembre 2013, la China Eximbank a effectué son premier versement de 96 560 000 dollars. Mais le début des travaux a été retardé de manière inattendue par les autorités camerounaises, qui sont intervenues à cette date tardive pour modifier les spécifications du projet en augmentant la limite de vitesse de 100 km/heure à 110 km/heure (comme en France) et en augmentant le nombre de voies prévues. Cela a conduit le constructeur chinois à avertir que le coût budgétisé du projet, ne permettrait de construire que 47 des 68 kilomètres prévus au contrat, si les nouvelles dispositions étaient respectées (en augmentant le nombre de voies).

Le 27 mars 2014, le Bureau économique et commercial de l’ambassade de Chine à Yaoundé, a publié sur son site Internet un commentaire (en chinois) sur le projet.

Le commentaire expliquait que l’autoroute avait été initialement conçue pour répondre aux normes chinoises en matière de construction d’autoroutes. La décision des autorités camerounaises permettrait de mettre la route en conformité avec les normes françaises, plus proches des exigences camerounaises.

L’ambassade a également fait remarquer que la Chine espérait voir ses homologues camerounais (c’est-à-dire le ministre des Travaux publics) donner leur avis sur les normes techniques finales du projet dans les meilleurs délais, laissant entendre une frustration croissante face à l’adoption soudaine de spécifications différentes de celles initialement négociées.

Ajoutant à l’exaspération, l’auteur a souligné le souhait que le Cameroun désigne son « interlocuteur unique » pour le projet, ce qu’il jugeait nécessaire « car plusieurs ministères et commissions du gouvernement camerounais sont impliqués dans le projet en même temps ». L’auteur a assuré aux lecteurs que le Cameroun avait promis une date officielle de début avant le 15 avril 2014, malgré des problèmes persistants concernant l’acquisition de terres et les indemnisations, une responsabilité qui incombe à la partie camerounaise.

Cet optimisme s’est avéré non fondé. Les travaux ont finalement commencé au premier trimestre 2015 et devaient être achevés en 2018. Cependant, les progrès ont été constamment entravés par des obstacles. Le principal d’entre eux était le retard dans l’indemnisation des résidents dont les propriétés se trouvaient le long du tracé proposé. Les défauts de paiement du Cameroun et la restructuration des prêts chinois en 2019 ont également affecté le projet.

Après avoir effectué six décaissements d’un montant de 202 675 284 dollars jusqu’au 29 octobre 2019, la banque chinoise avait suspendu les versements. « Yaoundé ne présente aucune garantie de remboursement », a indiqué une source bien placée. China Eximbank a proposé un nouveau mécanisme de garantie de remboursement, de nature peu claire. Yaoundé ne l’avait pas encore signé en octobre 2020. Malgré tous ces contretemps, les travaux sur le tronçon de 60 km de route auraient atteint un « taux d’exécution physique » de 91 % au début de 2021.

Le constructeur chinois doit assumer le coût du retard. Chaque jour de retard risque de lui coûter très cher, car il doit payer son personnel, ses ouvriers et peut-être rembourser ses propres prêts. La question est désormais de savoir qui clignera des yeux le premier : le gouvernement fournira-t-il une garantie acceptable ou le constructeur chinois terminera-t-il le projet, accordant ainsi son propre prêt au Cameroun ?

Dans le contexte plus large des relations sino-africaines, ce projet sert à démontrer que, contrairement à l’image d’une asymétrie de pouvoir unilatérale dominée par une Chine forte, les emprunteurs africains peuvent exercer un certain degré d’autonomie. Dans le cadre des contraintes d’une relation établie entre un prêteur d’État chinois et un entrepreneur chinois, le pays emprunteur a pu reconfigurer les plans de projet pour servir ses propres intérêts, apparemment sans consulter au préalable ses partenaires chinois.

Cela ne veut pas dire que cette décision était nécessairement la plus prudente – et les retards répétés et les paiements non effectués indiquent que les Camerounais locaux risquent d’en subir certaines conséquences négatives. Par exemple, les dernières étapes de finition des routes comprennent l’application d’une dernière couche d’asphalte pour sceller la route et la construction de caniveaux pour évacuer l’eau de la route. Le constructeur chinois terminera-t-il ces étapes sans être payé ? Ou la route commencera-t-elle à être emportée par les eaux pendant la saison des pluies ?

Néanmoins, l’histoire met en évidence le fait que l’examen des projets individuels révèle la complexité et l’imprévisibilité des relations qui se développent entre les pays africains et les acteurs chinois.

Note : Au moment de la publication, le site Internet du gouvernement camerounais où les auteurs ont puisé une grande partie des données nécessaires à cette analyse ( http://dad.minepat.gov.cm/ ) n’était plus accessible en ligne. Nous espérons qu’il redeviendra bientôt accessible.


Source : http://www.chinaafricarealstory.com/

Cette note de l’Ambassade de Chine à Yaoundé met en lumière l’exaspération de la partie chinoise sur les comportements de la partie camerounaise qui veut qu’on lui livre un ouvrage aux normes françaises, oubliant de fait que le fait de passer la vitesse d’une autoroute de 100 km/h à 110 km/h n’est pas anodin, car en Chine comme en France, cette vitesse est décidée en fonction du temps que mettrait un hélicoptère pour évacuer les blessés d’un probable accident vers les hôpitaux les plus proches.

Quand même en France, en Cote d’Azur, par exemple que les dirigeants africains connaissent bien, sur l’autoroute A8 pourtant en ligne droite et de 6 voies, on passe subitement de 130 km/h dans le département du Var à 110, puis à 90 km/h de vitesse maximale à l’approche de Nice, dans le département des Alpes Maritimes, cela dépend non plus seulement de la distance par hélicoptère d’un hôpital, la-bas, proche de Nice, il y en a suffisamment, mais du nombre de place disponible en réanimation de façon permanente, dans chaque hôpital en attente des éventuels accidents de la route.

D’où la surprise de la partie chinoise qui a tenu compte de toutes ces informations, pour mettre la vitesse de l’autoroute Douala-Yaoundé à 100 km/h, de voir que la partie camerounaise change un tel chiffre juste par un communiqué envoyé par Email.

On a envie de se demander : si les autorités camerounaises tenaient tant à avoir des autoroutes aux normes françaises, pourquoi ne pas s’adresser directement à la France pour le financement ?

La vérité est ce qu’a révélé le quotidien français Le Monde, plus haut : aucun pays ne peut se substituer à la Chine, pour financer autant de projets sur le continent africain. Sinon, est-ce qu’avant l’arrivée des Chinois, les Français n’étaient pas déjà là depuis plus d’un siècle ?

On remarque une autre légèreté de la partie camerounaise, notamment sur les garanties pour rembourser un emprunt. Si la banque chinoise Exim bank, a accepté de financer une autoroute de 4 voies, comment les camerounais ont-ils pu penser de la faire passer à 6 voies, sans se préoccuper de qui allait payer ce surcoût non couvert par le bailleur Exim bank ?
(…)
(…)
Lire la leçon intégrale n° 1738 dans la salle de classe climatisée : www.pougala.net

Jean-Paul Pougala

Lundi le 09/09/2024

Related Posts