La pandémie du coronavirus s’annonce comme un choc sanitaire, économique et social
sans précédent dans l’Histoire de l’Humanité. Nous sommes aux portes d’un avenir lourd de graves incertitudes. Le temps est aux actions décisives et ambitieuses pour
mitiger les conséquences du covid19 et aider les plus impactés.
Tout d’abord nous devons agir vite, l’Etat en premier lieu avec méthode et
détermination, ensuite chaque citoyen avec civisme et responsabilité. Les effets du
choc sanitaire sur des pays européens qui ont tardé à prendre la mesure de la gravité
des risques sont patents : Italie, Espagne, France…et peut-être bientôt les USA
(Californie). L’impéritie se paie au comptant, par la mise en quarantaine de pays entiers.
Aucun pays africain ne saurait supporter un tel traitement. Il faut donc agir avec la plus
grande fermeté encore qu’il est temps. Le virus est chez nous, ne lui permettons pas de
s’y incruster en tergiversant sur l’ampleur des mesures à prendre comme certains des
pays cités plus haut. La nature de l’ennemi ne semble pas nous laisser beaucoup
d’options. A la grande différence des pays européens ou asiatiques, notre système
sanitaire est en ruines et nous disposons d’une proportion limitée de compétences
comparativement à la taille de notre population, les conditions d’hygiène sont
déplorables du fait d’un manque d’infrastructures essentielles (eau courante, latrines…).
Si la chose fût possible nous devrions agir plus vite et plus fort que les autres pays.
Ensuite l’Etat doit mobiliser toutes les ressources sanitaires et financières à la hauteur
des risques. En appeler à la générosité des citoyens est certainement une bonne chose
mais ne permettra pas de mobiliser en urgence des ressources conséquentes, d’autant
que le Sénégalais est exsangue et que les perspectives économiques sinistres l’incitent
à la parcimonie. Une quête citoyenne ne permettra pas d’acquérir en urgence les
équipements sanitaires qui font si cruellement défaut et d’installer les centres de
traitement des éventuels malades, le nombre viendrait il à augmenter drastiquement.
Les équipements et produits sanitaires sont de plus en difficiles à se procurer sur les
marchés internationaux, plusieurs pays ont interdit leur vente hors de leur territoire et la
solidarité entre pays ne sera pas forcément au rendez-vous (cas de l’Italie avec
l’Europe).
L’heure est venue de poser des actes à la hauteur du péril qui nous guette. Le
Président Macky Sall a su mobiliser des ressources financières sans précédent
comparativement à ses prédécesseurs pour des investissements non rentables et non
prioritaires.
Aux grands maux les grands remèdes ! Macky Sall devrait montrer qu’il connaît cet
adage en se mettant au travail pour remédier à notre système sanitaire sous le coma,
plutôt que de transformer son ministre de la santé en l’homme à la sébile. En huit ans, il
a dissipé en fonds secrets plus de 60 milliards ; plus de 360 milliards, selon ses propres
dires, pour l’achat de véhicules. Quand la plus grave crise de notre histoire récente
menace, il se targue fièrement de débloquer 1,4 milliard (une misère !) et s’engage sur
une enveloppe de 64milliards.
Les économies budgétaires liées à la baisse du prix du pétrole (qui est passé en
dessous de la barre de US$ 30 pour le baril du Brent depuis le 9 mars) pourraient
financer tout ou une partie des mesures nécessaires. Une autre source de financement
est la réorientation de l’investissement public vers les urgences actuelles et les vraies
priorités.
En outre, au-delà de la construction et de l’équipement de lieux de traitement des
éventuels malades, il faut contenir un autre choc qui a déjà fait des victimes. L’industrie
du transport aérien et du tourisme enregistre des pertes significatives ; des fermetures
d’hôtel sont déjà enregistrés à Saint-Louis et pourraient s’étendre dans toutes les zones
touristiques. Au Sénégal, pour un emploi formel dans ces secteurs, ce sont plusieurs
actifs informels qui gravitent autour : porteurs de bagages, agents de change, taximen,
artisans et vendeurs d’objets d’art, guides touristiques. A mesure que les aéroports et
les hôtels se vident, ce sont autant de sinistrés qui vivent au jour le jour qui se
retrouvent dans un inconnu insondable.
A ces zones touristiques potentiellement affectées s’ajouteront de larges pans du pays
qui survivent grâce aux transferts d’argent des émigrés. Beaucoup de ces derniers sont
confinés dans le chômage (temporaire) en Amérique, en Europe, en Asie, et en Afrique
du Nord. Durant la crise financière de 2008-2009, ces transferts avaient baissé de 9%
soit une chute de US$ 126 millions (près de 60 milliards de F CFA de l’époque). La
pandémie du coronavirus pourrait avoir un impact plus important en ce qu’elle pose des
contraintes fortes sur la mobilité des travailleurs, et pourrait donc fortement impacter les
émigrés qui ont des emplois journaliers, à temps partiel et d’autres types de travail
précaire dans l’informel.
Qu’est-ce que Macky Sall prévoit pour atténuer le choc économique sur ces couches
fragiles qui ne seront pas dans les réunions que le gouvernement compte tenir avec le
Patronat et les entreprises dans le secteur formel ? Plusieurs pays à travers le monde
ont déjà pris des mesures fortes et immédiates pour aider leurs citoyens et leurs
entreprises à mitiger l’impact de la crise qui se déroule sous nos yeux (l’annonce de la
création d’un fonds comme l’a fait le gouvernement n’est pas une action immédiate qui
va aider rapidement les impactés).
Du côté des citoyens et des ménages, les mesures incluent l’augmentation ou
l’introduction de transferts monétaires aux ménages (qui en ont vraiment besoin et non
pas sur la base de calcul politique), la prise en charge presque totale des frais
médicaux liés au covid19, des subventions sur les frais médicaux plus généralisés, des
moratoires sur le paiement d’autres services de base (électricité, eau etc.), des
subventions sur les congés maladies payés etc. Plusieurs pays ont également élargi
leurs programmes nutritionnels, notamment pour compenser la fermeture des écoles
qui mettaient en œuvre des programmes de nutrition.
Du côté des entreprises, l’expérience internationale montre un ciblage des mesures
dans les secteurs directement affectés par la crise. Les mesures introduites incluent le
report du paiement des impôts et taxes des entreprises en situation difficile dans les
secteurs affectés, le remboursement accéléré des créances de l’Etat à toutes les
entreprises et surtout aux PME et le respect des délais de paiement, la mise en place
de ligne de financement d’urgence pour les PME dans les secteurs affectés et diverses
autres mesures pour pérenniser les entreprises et l’emploi. Des pays comme l’Inde ont
mis en place des appuis financiers spécifiques pour les auto-entrepreneurs notamment
dans l’informel. Dans le cas de notre pays, même si beaucoup d’auto-entrepreneurs
autour des secteurs affectés sont dans l’informel, ils sont néanmoins identifiables à
travers divers outils et mécanismes que l’Etat pourrait rapidement utiliser (carte de
métier ou de commerce, identification avec l’appui des associations ou syndicats
professionnels etc.).
La pandémie covid19 soulève des défis majeurs pour notre pays mais nous avons la
chance de pouvoir tirer des leçons des expériences de plusieurs pays qui font face à
cette crise avec détermination. Il appartient à l’Etat et au Président Macky Sall d’agir
pour mobiliser tous les moyens financiers nécessaires (qu’il a su par ailleurs trouver sur
d’autres sujets moins graves et prioritaires) pour répondre à cette crise et aider les plus
impactés.
Thierno Alassane Sall
La République des Valeurs