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Voici comment en 1958, les Ivoiriens, Congolais, Burkinabè ont voté à 99,99% ‘’Oui’’ pour rester des esclaves de la France
Dans “Scarcity. A History from the Origins of Capitalism to the Climate Crisis”, publié à la Harvard University Press le 18 avril 2023, Fredrik Albritton Jonsson et Carl Wennerlind, nous expliquent qu’en matière de démocratie, c’est à l’Afrique de donner les leçons à l’Europe, à l’Occident et non l’inverse.
Les auteurs nous disent que ce qu’on appelle “Démocratie” en Occident, est en fait un simulacre de démocratie, c’est une tromperie, c’est un semblant de démocratie, parce que le capitalisme ne veut pas la démocratie, le capitalisme qui repose sur une idée des désirs infinis ne veut pas le triomphe de la volonté populaire et que tout soit fait dans l’intérêt du peuple, qui lui repose sur une notion des limites de la nature.
Fredrik Albritton Jonsson et Carl Wennerlind écrivent :
« L’économie moderne (capitaliste) repose sur une vision particulière de la rareté qui veut que les êtres humains possèdent de manière innée des désirs infinis et que la société doit donc faciliter une croissance et une consommation sans fin, sans tenir compte des limites de la nature. Pourtant, comme le montrent, cette vision de la rareté est récente et n’était pas inévitable, même à l’ère du capitalisme. Elle reflète plutôt le triomphe coûteux des idéologies de croissance infinie à travers des siècles de pensée économique européenne, au détriment des traditions (africaines, asiatiques) qui cherchaient à penser la vie dans les limites de la nature.”
En conclusion, selon ces deux auteurs,
“La conception aujourd’hui dominante de la rareté veut que, plutôt que de maîtriser leurs désirs, les humains devraient maîtriser la nature pour satisfaire ces désirs”.
D’où la notion fausse de développement durable.
Au lieu de maîtriser et neutraliser la nature, nous ferons mieux de limiter nos désirs. Et, ça, le peuple est prêt à le faire, mais pas les capitalistes, parce que réduire la consommation, réduire nos désirs, limiterait leurs profits. Voilà donc, comment tout va être fait, pour mettre la politique au service des désirs illimités, des dépenses de fonctionnement de l’état, mais aussi les dépenses militaires sans fin.
Et pour y arriver, il faut chanter “Démocratie” dans toutes les sauces, afin de faire porter au peuple, le chapeau, la responsabilité des choix décidés par quelques oligarques, quelques capitalistes tapis dans l’ombre qui tirent les ficelles liées à tous les politiciens, au pouvoir comme à l’opposition.
Joseph E. Stiglitz, né le 9 février 1943 à Gary dans l’état de l’Indiana aux Etats-Unis, est un économiste américain, lauréat du prix Nobel d’économie avec George Akerlof et Michael Spence en 2001, « pour leurs travaux sur les marchés avec asymétrie d’information. ».
Dans son livre publié en 2019, intitulé : « Peuple, pouvoir et profits », Joseph Stiglitz nous explique pourquoi les pays occidentaux qui contrôlent l’essentiel du capital dans le monde, insistent afin que tous les pays du monde adopte leur modèle politique qu’ils appellent pompeusement, la démocratie. Et qu’il conviendrait plutôt d’appeler « démocratie libérale ».
Le prix Nobel d’économie nous dit qu’en démocratie, c’est le capital qui commande, car il jouit d’un rapport de force favorable pour mettre autant de pression qu’il veut pour faire voter au peuple pris en otage, tout ce que veut le capital.
Et en définitive, les télévisions, les journaux, les radios appartiennent à ceux qui commandent, qui les utilisent pour influencer le vote populaire en faisant un matraquage quotidien, pour dire au peuple ce qui est bien pour lui, même l’impensable qui va directement contre ce peuple et sans aucune surprise, ce peuple votera contre ses propres intérêts.
D’où la sanctification par l’occident qui a pris l’avantage financier et industriel sur les autres peuples de l’instrument du vote et du suffrage universel, comme un totem, qui permet de définir quels vassaux, quels sujets, on soutient et quels réfractaires à la soumission, on combat en définitive ?
A la question : « Le fait que 1 % des Américains détiennent plus de 20 % des richesses nationales est-il un danger pour la démocratie ? », le Prix Nobel répond par un Oui sans détour.
Joseph E. Stiglitz écrit :
« Le pouvoir de marché de certaines grosses entreprises américaines entraîne une augmentation des inégalités, ce qui permet aux plus aisés d’exercer une pression politique. Ils sont ainsi capables d’obtenir le vote de lois qui leur sont favorables, qui bénéficient au capitalisme de rentiers plutôt qu’à la création de richesses pour tout le pays ».
La pression politique !
Nous sommes le 26 juillet 2023 à Niamey. Le général Abdourahamane Tiani mène un putsch contre le président du Niger, Mohamed Bazoum.
A peine 6 jours plus tard, jeudi 31 août 2023 se tient une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union Européenne, à Tolède (Espagne).
Il y a un fait qui est passé inaperçu aux populations africaines. Et ce fait est qu’à cette réunion, les 27 ministres des affaires étrangères ont littéralement convoqué le Gambien Omar Touray, président de la Commission de la Cédéao avec Hassoumi Massoudou, le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Bazoum chassé du pouvoir 6 jours plus tôt.
C’est le patron qui convoque son esclave pour avoir des informations sur ce qui se passe dans sa zone d’influence et donner les instructions à suivre ensuite.
Alors que le patron de la diplomatie européenne, Josep Borrell répètait sans cesse :
« Des solutions africaines pour les problèmes africains », qu’il nous explique donc ce que faisaient ces deux personnages à Tolède.
C’est sa déclaration finale qui va nous dire les instructions qu’ils ont données aux deux compères africains, présents à la rencontre :
« Les coups d’État militaire ne sont pas une solution. Au Niger, le président Bazoum était le seul président élu démocratiquement dans tout le Sahel. »
Le seul démocratiquement élu !
Qu’est-ce que Joseph Borell entend par « Démocratiquement élu » ?
Pour le savoir faisons un saut en arrière de 66 ans, en 1958, pour examiner le plus grand exercice de la démocratie en Afrique par la France.
A travers, un référendum, le Général de Gaulle demande au peuple Africain de façon démocratique s’il veut continuer à souffrir le martyr de la colonisation ou bien être libre. Et le résultat de cette consultation démocratique nous dit pourquoi, les Occidentaux font de la démocratie une religion à imposer au monde entier.
Que s’est-il réellement passé ?
Union française
C’est le nom donné par la Constitution française de 1946 à l’ensemble des pays formés, d’une part, par la République française (France dite métropolitaine, départements et territoires d’outre-mer ainsi que l’Algérie), d’autre part par les colonies, appelées : “les territoires et États associés”.
Entre rester colonie française et devenir indépendant, le choix est simple pour beaucoup de pays : la Tunisie et le Maroc refusent de rester colonies françaises et obtiennent leur indépendance en 1956.
Le Viêt Nam et le Cambodge luttent et arrachent leur indépendance (1954 et 1955), quand débutent les guerres d’indépendance en Afrique (Algérie, Madagascar et Cameroun).
La France constate ainsi l’échec de l’Union française, mais n’y renonce pas.
La Constitution de 1958 crée une nouvelle structure, qui prendra le nom de la “Communauté” définie dans la Constitution de la Ve République (octobre 1958) comme : Association entre la République française et la plupart de ses anciennes colonies d’Afrique Noire et l’Algérie.
Et pour faire vivre la démocratie dans toute sa splendeur, le général de Gaulle décide de soumettre les peuples colonisés à un référendum, pour avoir leur opinion. La date choisie sera le 28 septembre 1958.
Le 28 septembre 1958, c’est le jour du vote dans toutes les colonies françaises.
Il faut répondre par Oui ou Non, à la question : Approuvez-vous la Constitution qui vous est proposée par le Gouvernement de la République ? Soit dit autrement ainsi : acceptez-vous de rester une colonie française ?
C’est un plébiscite. Le Oui l’emporte partout, presque partout, sauf en Guinée de Sékou Touré. Et voici les taux du Oui de quelques pays, tels que publiés par le gouvernement français :
Côte d’Ivoire : 99,99%
Moyen Congo (Brazzaville) : 99,38%
Haute Volta (Burkina Faso) : 99,18%
Tchad : 98,29%
Dahomey (Benin) : 97,84%
Sénégal : 97,55%
Soudan français (Mali) : 97,54%
Algérie : 96,59%
Niger : 78,43%
Madagascar : 77,64%
Et un seul non :
Guinée Conakry : 04,75% de Oui, contre 95,22 de Non.
Le peuple français à qui on a posé la même question de savoir s’ils veulent oui ou non des colonies, a répondu Oui à 79,25 %, c’est-à-dire un pourcentage plus bas que celui de nombreux pays colonisés à qui on a posé la même question à choisir entre la soumission et la liberté, comme la Côte d’Ivoire avec ses 99,99% de Oui démocratique, à la Soumission à la France.
(…)
Dans le numéro de Novembre 1958 du mensuel français, Le Monde Diplomatique, le Ministre d’Etat et président du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), Félix HOUPHOUET BOIGNY de Côte d’Ivoire et artisan du meilleur score de 99,99% de toutes les colonies, en Côte d’Ivoire, dans son allocution sonore enregistrée par l’INA (Institut national français de l’audiovisuel) ci-joint, le 1er/12/1958, déclare :
“Je me réjouis de l’option faite par la quasi-totalité de l’Afrique noire française.
Ce que je m’étais permis de pronostiquer avant le 28 septembre (1958) en retour de mon voyage en Afrique s’est réalisé à une exception près.
L’Afrique appréciant le libéralisme éclairé du Général de Gaulle qui a su montrer le vrai visage de générosité d’humanisme de la France, a manifesté hautement qu’elle voulait réaliser avec la France une communauté de peuples libres et égaux. (…)
L’unité africaine (de Kwame Nkrumah) dont on parle à tout propos et hors de tout propos, nous pourrons mieux la réaliser dans l’union, au sein de la Communauté (avec la France), dans la solidarité, au sein de la Communauté (française). (…)
Ce que nous souhaitons, c’est que très rapidement, autour du Général de Gaulle, président de la République et de la Communauté, se retrouvent tous les membres du Conseil exécutif. Ma foi est totale pour cette Communauté dont nous devons la naissance au Général de Gaulle. (…)
Ceux qui, comme moi, ont été les témoins de ses débordantes activités depuis ces derniers mois, sont convaincus que sous sa présidence, et avec cette grande compréhension qu’il a de nos problèmes (africains), il saura très rapidement vaincre certaines appréhensions, certaines hésitations, certaines impatiences, pour rendre durable cette grande communauté. “(…)
Sur la même bande sonore des archives de l’INA, Sourou Migan APITHY, premier ministre du Dahomey, vient à son tour à Paris, annoncer au général DE GAULLE l’adhésion du Dahomey à la communauté franco-africaine, avec le très bon score de 97,84% de ‘’Oui’’ à la soumission et il dit venir lui-même à Paris, pour “rendre hommage à la France pour son œuvre civilisatrice.”
(…)
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Jean-Paul Pougala
jeudi le 22/02/2024