Un sommet extraordinaire de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) se tiendra en marge des travaux de la 77ème session ordinaire de l’Assemblée Générale des Nations-Unies du 13 au 27 septembre 2022 à New York. La France sera présente à ce sommet. L’ordre du jour portera sur la situation des militaires ivoiriens emprisonnés au Mali. C’est une première, me direz-vous ! Mais comme l’histoire nous réserve parfois des surprises, nous assisterons à l’externalisation de nos débats internes hors de nos frontières.
Nous voilà à nouveau confrontés à une situation cocasse. Pourquoi faut-il externaliser ou sous-traiter les problèmes de l’Afrique ? La situation politique en Afrique de l’Ouest a connu de nombreux rebondissements matérialisés par la lutte contre le terrorisme, les coups d’Etats militaires et constitutionnels. Le Mali, le Burkina Faso et la Guinée ont vu les militaires prendre le pouvoir aux civils dont l’incompétence n’a d’égal. La Côte d’Ivoire de son côté a subi un coup d’Etat constitutionnel qui a vu l’ancien président, Alassane Ouattara, rempiler.
Mais sur l’autel des sacrifices, les médias ne nous gavent que des coups d’Etats militaires. Le cas du Mali est le plus médiatisé. Et pour cause : ce pays a osé rompre son contrat de coopération militaire avec la France. Pour la communauté internationale, c’est un sacrilège. Pour l’Afrique, c’est un acte de courage, de souveraineté et de liberté.
Cet acte de souveraineté n’a pas été soutenu par les pays de la CEDEAO dont le Mali est membre. Il a été décidé, au cours d’un sommet, de prendre des sanctions contre le Mali. La CEDEAO avait-elle la légitimité de le faire ? Selon la constitution de cet organisme, ces sanctions sont illégitimes.
Dès lors, nous pouvons nous interroger. La CEDEAO agit-elle en toute liberté où est-elle sous l’influence des forces exogènes ? Pourquoi le Mali serait-il le seul pays à faire l’objet de sanctions alors que le Burkina Faso, la Guinée et la Côte d’Ivoire sont dirigés par des pouvoirs illégitimes ?
Les sanctions prises par la CEDEAO contre la junte militaire au Mali sont soutenues par l’Union Européenne et les Etats-Unis. Ce n’est une surprise pour personne en Afrique où la junte jouit d’une popularité inconditionnelle. L’Afrique doit gérer elle-même ses problèmes. Mais l’Occident ne l’entend pas de cette oreille. Le Mali a franchi la ligne rouge en s’alliant à la Russie, ennemie héréditaire de l’Occident. Un véritable crime de lèse-majesté.
Le Mali est en conséquence condamné à un rituel sacrificiel. Le pays, à travers sa junte rebelle et insoumise doit payer cet affront.
Le sommet extraordinaire de la CEDEAO s’inscrit dans cette « logique ». Il faut sacrifier le Mali. L’histoire se répète toujours. Vous souvenez-vous des bourgeois de Calais ? C’est un épisode de la guerre de cent ans, lors du siège de Calais de 1346 à 1347, au cours de la chevauchée d’Edouard III d’Angleterre. Le roi d’Angleterre met le siège devant la ville de Calais dont la garnison, commandée par le chevalier Jean de Vienne résiste héroïquement à l’armée du roi d’Angleterre. Après onze mois de siège, la cité affamée négocie sa reddition.
La CEDEAO réserve au Mali, avec la bienveillance de la « Communauté Occidentale », un sort identique à celui des bourgeois de Calais.
Mais la jeunesse africaine veille. Elle n’est plus disposée à lâcher un de ses vaillants enfants rebelles qui remet en cause un ordre international basé sur la servitude et la soumission. Comme Thomas Sankara, le Mali survivra pour défendre sa souveraineté qui est une arme essentielle d’une Afrique libre et debout.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant