Quand on parle de l’Afrique en Occident en ce début du vingt et unième siècle, des images familières du siècle dernier jaillissent sur les écrans de télévision. On y voit des meutes de lions dont la survie est menacée, des rhinocéros écornés, des éléphants égarés qui sèment la panique dans les enclos des villageois. Tous ces clichés attisent la curiosité du pauvre contribuable occidental. Et l’Afrique dans tout cela ? Elle n’existe qu’à travers un tourisme qui la maintiendrait à l’état sauvage pour le bon plaisir des riches à la recherche de safaris et de sensations fortes.
Tous ces clichés ont pour but de présenter une Afrique immature qui s’autodétruit par les guerres tribales et incapable de se prendre en charge. La réalité est tout autre. Les chefs d’états en place ne sont que les relais d’un système néocolonialiste mis en place après les indépendances. Ces chefs d’état sont en réalité des gardiens de garnisons du bienfaiteur autoproclamé.
Mais l’Afrique n’est pas que cela. C’est un continent qui jouit d’une vie, de femmes et d’hommes enthousiastes et travailleurs, de végétation, d’un sous-sol qui fait des envieux et d’une agriculture biologique. Elle dispose de richesses et de trésors à faire pâlir les pays riches. Car la richesse ne se limite pas seulement aux biens matériels sauvagement exploités pour polluer la dame nature. L’Afrique, c’est aussi sa population diversifiée et ambitieuse que les esclavagistes n’ont pas pu réduire au silence.
Cette Afrique porte en conséquence tous les maux qui ont conduit l’Occident à la « pacifier », pour lui imposer une civilisation et sa spiritualité. Ce stratagème barbare a aussi été mis en place en Asie. Il a échoué. Pourquoi ? La raison est simple. Les conquérants n’ont pas réussi à étouffer une civilisation avec ses langues et ses dogmes ancestraux.
L’Afrique et l’Amérique latine ont été les seuls terreaux où la propagande occidentale a pris racine pour faire germer des conditions de servitude. Cette période douloureuse est terminée. Les peuples opprimés sont déterminés à vivre et à choisir en toute liberté les moyens pour promouvoir une autre culture, c’est-à-dire un lien entre la civilisation imposée et la culture ancestrale.
Face à un ennemi intime mais d’une extrême brutalité, l’Afrique, dans sa majorité, est plongée aujourd’hui dans des guerres préfabriquées pour semer la zizanie et solliciter l’aide des anciens colons. Le combat actuel nous prouve quelque chose. Nos échecs devraient nous illuminer vers des solutions tranchantes. L’Afrique noire doit s’appuyer sur elle-même. Le combat pour se débarrasser des postiches en place reste la solution salvatrice.
Aucun développement n’est possible dans les conditions actuelles. L’Afrique ne peut continuellement servir de réservoir de matières premières à l’Occident. Voilà les raisons qui confirment pourquoi l’Afrique ne décolle pas et reste un continent de servitude. Les politiques menées aujourd’hui pour faire décoller l’Afrique ne sont qu’un ravalement de façade opportuniste qui masquent l’hypocrisie et le double langage des occidentaux et aujourd’hui de la Chine pour un développement à géométrie variable.
L’impératif de la souveraineté
Les échecs de l’Afrique dans tous les domaines, depuis les indépendances à nos jours, portent la couleur du renoncement de ses dirigeants et des spéculateurs du néocolonialisme à travers les multinationales. Un courant libertaire, identitaire et souverain souffle depuis une décennie. Il prend corps et s’invite publiquement dans l’arène politique malgré la violence et la brutalité des présidents fantoches en exercice. La lutte pour l’émancipation est la seule solution. La nouvelle jeunesse l’a bien compris. Elle le prouve par des activistes libérés, déclassifiés, intègres et ambitieux. Cette jeunesse renonce à la corruption intellectuelle et matérielle pour poursuivre des politiques panafricaines de souveraineté. Elle a opté à désacraliser cette mort qui faisait tant peur.
L’Afrique de demain ne retrouvera sa souveraineté que si elle se prend en charge. Dans ces conditions, elle doit avoir des institutions fortes. Elle doit aussi choisir librement ses dirigeants jusqu’ici cooptés par les colons. Mais que serait une grande Afrique sans ses valeurs ancestrales adaptées au monde moderne ? Il est temps de nous interroger et de remettre au gout du jour le civisme et l’amour entre les différentes communautés.
L’Afrique a aujourd’hui les moyens de passer vers un nouveau cap, celui du décollage vers la modernité en s’appuyant sur ses institutions. Pour y parvenir, elle doit remettre en cause tous ses contrats de coopération et ses alliances militaires. C’est dans ces conditions qu’elle va recouvrer sa souveraineté et appliquer un programme de développement qui prend en compte ses priorités.
L’Afrique doit aussi mutualiser ses forces armées pour briser les élans djihadistes et obscurantistes qui compromettent ses ambitions de développement. Les organisations panafricaines souveraines ont un rôle essentiel à jouer pour la libre circulation des personnes et des biens sur tout le continent. Ces échanges sont indispensables pour valoriser nos produits et pour donner du poids à un continent qui mérite mieux. C’est aussi un devoir de mémoire pour nos martyrs.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant