Pleure femme, oui pleure,

Dis dans tes sanglots la lourdeur de ton cœur, raconte au monde et chante autant d’amour, pour la vie que tu as

donnée tant de fois,

Pleure et souviens toi de l’étreinte, la toute dernière à ton fils disparu, à ta fille qui s’en va, à ton enfant meurtri.
Pleure pour tant de manque, pleure pour l’amour espéré, la tendresse rêvée qui laissera sur ton corps la marque de
l’absence et le frison du toucher, jamais venu. Pleure ma belle pour la reconnaissance escomptée et jamais arrivée,

de ton rôle premier dans la chaîne de la vie humaine.

Ta complainte langoureuse raconte tes espoirs déçus, tes aspirations trahies. Elle dit tout l’amour rêvé, espéré, donné

et souvent trahi.

Et le souffle de ton cœur que j’entends, et ta poitrine qui se crispe pour laisser s’exprimer les sanglots de ton cœur,
les râles puissants et secrets qui montent de ton ventre, là où a siégé l’Être, avant de devenir l’homme.
Chacun de tes sanglots dit la rencontre malheureuse avec le voleur du bonheur promis aux fruits de tes entrailles.

Combien ton cœur a-t-il battu pour tes fils,

Combien de nuits à gémir face à la tristesse de tes filles, si jeunes mais déjà promises à la monstruosité d’une
existence où on les chosifie, où on les méprise, souffre-douleurs d’hommes leurs semblables ; filles salies, filles

souillées, filles finalement meurtries,

A l’ombre de la beauté, de leur corps mutilé, et le regard d’une moitié de l’humanité, nombreuse, aspirant à l’égale

dignité.

Pleure donc femme mais chante, et exorcise le signe qui poursuit l’humanité depuis Eve,

Comme si les courbes belles te ton corps, la nature mystérieuse de ton être, l’attraction naturelle pour toi, et ton

visage, et l’envie qui monte pour s’emparer soudain de toi, et le feu de la passion,

Réveillaient soudain l’archaïque pulsion de la peur face à la beauté première, toute entière dédiée à l’amour.

Pleure ma Mère,
Pleurez mes sœurs,
Pleurez femmes,

Afin que vos larmes chaudes et amères, purifient cette terre que vous avez fertilisée, et ce monde auquel vous avez

donné tant d’hommes,

Pleurez et chantez donc afin qu’ils vous chérissent,

Pleurez pour que vos larmes qui sont les larmes de la vie, inondent les panthéons si froids de nos consciences

masculines, ces lieux sacrés pourtant vides mais où trônent nos trophées,

Là où doit entrer sous le soleil clair de l’honneur,
Le respect que l’humanité doit à chaque femme.

Pleurez afin que chaque homme qui vous bafoue se souvienne, derrière votre douleur, qu’il a bafoué sa Mère et sa

sœur,
Et l’humanité

Pleurez donc afin que tous chantent la vie que seule vous donnez.
Laissons s’écouler ces rives de larmes pour les assécher à jamais.

Si je te chante femme,

Si je m’accroche au fil invisible et si puissant de la maternité, au lien inébranlable de la féminité,

C’est parce que nous sommes Un,
Hommes et Femmes,
Livrant, au profit d’une humanité meilleure,
La seule œuvre qui vaille :
Le combat de la fraternité

Stéphane B. ENGUÉLÉGUÉLÉ

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