Éditorial

Plaidoyer pour la tolérance au Cameroun

Par Michel Lobé Etamé

Le discours politique est un art oratoire qui se maitrise et qui engage ceux qui s’en servent pour passer un message ou pour solliciter un mandat électoral. Il permet aussi, en démocratie, de dénoncer les abus, les vices ou les turpitudes du pouvoir. Pour toutes ces raisons, nous avons écouté avec beaucoup d’attention et d’intérêt, lors de la dernière élection présidentielle, les femmes et les hommes qui se sont exprimés. Mais nous avons aussi suivi les réseaux sociaux, sources d’informations crédibles et de mensonges.

Les élections présidentielles ont mis à nue un discours agressif où la haine de l’autre est remontée en surface. Ce discours a dégénéré en tribalisme. Sur les plateaux de télévision, nous avons vu les participants vociférer et promettre des sentences aux autres. Or la liberté de ton est une richesse que nous envions à l’Occident. Pourquoi faut-il qu’elle tourne au pugilat alors que nous aspirons tous à l’amour et à la fraternité ? Les élections ne sont-elles pas un outil de la démocratie que personne ne doit confisquer ?

Au lendemain des élections et après les résultats, les candidats de l’opposition font toujours face à une agression croissante de la part des autorités. Les réseaux sociaux participent activement à cette haine gratuite dans l’anonymat.

La démocratie se mesure surtout par la liberté du citoyen à s’engager politiquement et à exprimer sa pensée. Au Cameroun, le lendemain des élections semble virer au cauchemar pour toutes celles et ceux qui contestent la réélection de Paul Biya.

Le devoir de tolérance

Il ne fait pas bon d’être opposant au Cameroun où le régime en place ne tolère aucune manifestation. La haine et la colère ne font pas bon ménage. L’opposition est confinée au silence. Est-ce un bon message pour un pays qui voudrait réunir tous ses enfants pour bâtir une nation solidaire ? 

Les arrestations des opposants se multiplient et sont suivies de procès dantesques. L’ordre et la discipline règnent. Pour combien de temps encore ? Face aux arrestations des opposants politiques dont le seul tort est de s’exprimer en réunion, la population ne risque-t-elle pas de tomber de la peur à la psychose ?

Il est logique que les « perdants » expriment leurs frustrations et leur colère. Dans un contexte où toutes les manifestations et les réunions sont interdites, l’opposition politique est bâillonnée. Elle est prise en otage par l’autorité publique qui abuse de son pouvoir. Or la réconciliation des uns et des autres ne se fera pas si les autorités mènent une campagne de répression systématique. La tolérance est un vœu qui ne peut être taxé de faiblesse. C’est un devoir fondamental pour l’unité du pays et le vivre ensemble. Mais il semble que le pouvoir de Yaoundé soit insensible à ce devoir de tolérance.

Mettre fin à la haine

Les enseignements que nous pouvons tirer des dernières élections présidentielles nous laissent sceptiques. Le fossé s’est encore élargi entre le pouvoir dominant et la majorité bâillonnée. La haine de l’autre et le tribalisme sont les grands vainqueurs d’une élection qui se voulait ouverte et pacifique. La vague d’arrestations des opposants continue.  Aucune manifestation n’est tolérée et les tribunaux vont devoir s’adapter. Or le Cameroun a besoin de paix pour se construire avec tous ses enfants.

La haine, les insultes et le tribalisme, d’où qu’ils viennent, ne doivent pas saper les efforts de construction d’une nation solidaire. Le pouvoir en place devrait mettre fin à sa campagne de répression, à son discours d’agressivité, à la menace permanente des tribunaux et de la violence policière. Le but intime du pouvoir ne doit pas être l’accaparation du pouvoir par tous les moyens, mais la réussite économique et sociale.

La haine et le tribalisme sont des poisons dont se servent nos ennemis pour nous diviser et pour mieux nous exploiter. Ces maux, très ancrés chez l’individu, poussent à fainéantise, à l’indifférence et à l’intolérance. Ils contribuent à l’alcoolisme qui déciment les cerveaux pour des générations entières. Ces maux n’épargnent personne. Voilà pourquoi il faut les combattre et non combattre les oppositions constructives.   

La haine et le tribalisme sont entretenus pour diviser. Le Cameroun actuel a besoin de tous ses enfants pour construire une nation prospère. Ce vœu ne se réalisera que si notre devoir de tolérance prend le dessus sur les insultes gratuites et croissante qui constituent un véritable poison pour une communauté de personnes condamnées à vivre ensemble. 

Par Michel Lobé Etamé
Journaliste

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