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Pénurie de carburant au Cameroun, faillites annoncées de Camtel, Alucam, Sonara, Eneo, Camerco, etc. Où les dirigeants camerounais se sont-ils trompés ?

(texte)

Voici ce que le Cameroun aurait dû faire :

SUIVRE L’EXEMPLE DU BRESIL DANS SA COOPERATION AVEC LA CHINE qui seulement dans le secteur de la production et transport d’électricité, a ainsi investi plus de 66 milliards de dollars au Brésil, grâce à l’intelligence des politiciens brésiliens pour flatter la Chine.

Alors que les dirigeants africains ne se posent jamais la plus élémentaire des questions à savoir ce que gagne la Chine à coopérer avec nous, aujourd’hui, les villages brésiliens ont l’électricité gratuite grâce à la complète maîtrise des politiciens brésiliens de tout bord de la coopération gagnant-gagnant, très fructueuse avec la Chine.

Là où les camerounais se croient malins de toujours jongler avec la France, comme le pied de nez que le gouvernement camerounais a fait à la Chine en offrant le barrage hydro-électrique de Nathigal à EDF (France), pour alimenter Alucam, seule entreprise énergivore du pays, capable de rendre rentable une centrale électrique, alors que les accords avec la Chine étaient le contraire.

Conséquences prévisibles même pour un enfant de la maternelle qui n’a jamais pris des cours de guerre économique : Rio Tinto (chinois) sort du capital de Alucam, le condamnant à la faillite future certaine.

Et pire, les nouvelles centrales hydroélectriques offertes par la Chine au Cameroun, ne se basant sur aucune entreprise énergivore pour leur rentabilité, sont toutes condamnées à la faillite future certaine.

Le plus surprenant, est la question : comment font les dirigeants du Cameroun pour ne pas comprendre des choses aussi élémentaires en guerre économique pour se rendre compte qu’ils vont tout droit dans le mur ?

Lisez ci-dessous une leçon que j’ai publiée il y a presque un an sur comment les dirigeants brésiliens ont procédé devant la spoliation de leur pays par une entreprise portugaise d’électricité, en demandant à l’époque aux dirigeants du Cameroun de s’en inspirer dans leur coopération avec la Chine.

Jean-Paul Pougala

Jeudi le 21/12/2023

Conclusion de la Leçon d’éducation politique et d’intelligence économique et stratégique n° 1018 de Jean-Paul Pougala du 31/01/2023 intitulée :

“Les erreurs dans la coopération entre la Chine et l’Afrique”

Partie – 2/3 : Ce qu’on aurait dû faire : Suivre l’exemple du Portugal et du Brésil avec la Chine à lire dans son intégralité sur www.pougala.net

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QUAND L’AMERIQUE DU SUD COPIE L’EUROPE DANS SA COOPERATION AVEC LA CHINE : L’EXEMPLE DU BRESIL AVEC LE PORTUGAL

Pour entrer au Brésil, la Chine va d’abord à Lisbonne acheter les maisons-mères des entreprises brésiliennes au Portugal. Mais ce geste n’est pas que commercial, il est aussi très stratégique et pédagogique pour expliquer aux pays sud-américains comment procèdent les européens avec la Chine, même si ensuite leurs discours anti-chinois dans leurs anciennes colonies sont monnaie courante.

Et c’est ici que prend forme la coopération entre la Chine et le Brésil, qui semble à l’identique de celle du Portugal.

Selon l’American Enterprise Institute à travers son programme d’identification des investissements directs chinois dénommé “China Global Investment Tracker”, le flux des investissements chinois destiné au Brésil est d’environ 66,5 milliards de dollars entre 2006 et 2020.

Sur ces 14 années, le Brésil est la première destination (38,8% des flux) choisie par les investisseurs chinois en Amérique du Sud, devant le Pérou, l’Argentine et le Venezuela.

Selon la même source, 70 % des opérations réalisées par les entreprises chinoises au Brésil étaient des fusions et des acquisitions d’entreprises brésiliennes ou d’entreprises étrangères au Brésil, essentiellement par les groupes publics directement liés au gouvernement central chinois.

3 secteurs intéressent les investisseurs chinois au Brésil :

LA PRODUCTION ET LE TRANSPORT D’ELECTRICITE

Dans le secteur de production et de transport d’électricité, l’apport de la Chine au Brésil entre 2007 et 2020 est de 26,87 milliards de dollars. Tout démarre en 2005 avec le rachat par CITIC d’une centrale thermique à charbon au Brésil. A la fin 2020, l’American Enterprise Institute constate que : « près d’une quinzaine d’acteurs chinois avaient investi dans la filière de l’électricité. Le segment privilégié par ces investisseurs est la production d’électricité (plus de 80% des apports) ».

Parmi ces quinze acteurs chinois dans le secteur d’électricité au Brésil, deux retiennent notre attention : la State Grid (la plus importante firme du secteur de l’électricité dans le monde, qui atteint un chiffre d’affaires de 340 milliards de dollars par an) et China Three Gorges.

A elles seules les deux firmes ont investi plus de 20,13 milliards de dollars au Brésil. Dans le secteur de la production d’électricité, le groupe China Three Gorges occupe déjà la seconde position à l’échelle du pays. Près de 48% de la production d’hydroélectricité sur l’Etat de São Paulo sont faites par les opérateurs chinois.

State Grid a apporté au Brésil une nouvelle technologie dite UHV en construisant dans ce grand pays qu’est le Brésil, les longues lignes de transmission qui relient sur plus de 2000 km l’usine hydroélectrique de Belomonte (dans l’Etat du Pará, au Nord du pays) et Rio de Janeiro.

QUELLES LECONS POUR L’AFRIQUE ?

Lorsqu’on travaille avec une entreprise qui n’a pas de compte à rendre à des actionnaires qui attendent des dividendes, comme les entreprises publiques chinoises, le plus important n’est plus la propriété de l’œuvre, mais le processus vertueux de la dynamique économique que la Chine peut générer en apportant non seulement le capital et le savoir faire, mais surtout l’implication d’autres entreprises publiques dans le processus qui se met en place.

Au Cameroun, les autorités ont suivi les conseils de Washington qui demandent de se méfier des chinois et ont installé au port de Kribi une entreprise française qui n’est propriétaire d’aucun bateau, Bolloré. Le choix le plus judicieux à faire aurait été par exemple de mettre un géant chinois comme Cosco qui a déjà démontré ce qu’il est capable de faire avec la propriété du port de Pirée en Grèce, qui était un port de 3ème degré qu’on ne citait même pas.

En 2022, le port de Pirée, grâce à Cosco est devenu le premier port de Méditerranée, devant Bercelone, et très loin devant Marseille, et tous les ports italiens comme Gênes, Trieste, Naples ou Gioia Tauro.

Comme Cosco y est arrivé ?

Le Pirée, le port le plus important de Grèce est aussi devenu en 2019, le premier port de Méditerranée, en termes de trafic de conteneurs. Un développement fulgurant grâce aux investissements et à la gestion, depuis 2016, par le chinois Cosco, devenu actionnaire majoritaire de l’Autorité du Port du Pirée. Cosco ne s’est pas contenté que du trafic des conteneurs. Dans un pays où le tourisme représente environ un cinquième de l’économie, Le port de Pirée joue un autre rôle crucial : il est devenu en même temps le plus important port de passagers de Méditerranée orientale, avec quelques 10 millions de voyageurs y ont ainsi embarqué ou débarqué en 2019, avant la crise du Covid-19.

Les autres ports européens de la Méditerranée comme Marseille, Gêne ou Barcelone où les autorités politiques avaient crié au scandale pour le passage à la Chine du port de Pirée, sont aujourd’hui à la traine, en crise, avec des licenciements et des faillites à prévoir.

Cosco, déjà le concessionnaire de deux infrastructures, depuis 2008, est devenu propriétaire en 2016 du port de Pirée et ce, jusqu’en 2052, en raflant 67 % du capital, et le reste détenu par l’état Grecque.

La nouveauté avec Cosco et le port de Pirée est que les bateaux qui partent de Chine, n’ont plus besoin de s’arrêter dans tous les ports pour décharger les marchandises avant d’arriver en Europe durant 30 jours. En ne chargeant depuis la Chine que les conteneurs destinés à l’Europe, à décharger au port de Pirée, Cosco réussit ainsi l’exploit de réduire le temps de transport de 30 jours de moitié, à 12 jours seulement.

Ce qui devient un argument imparable pour tous les clients pressés de recevoir leurs marchandises dans un délai raccourci désormais de moitié.

Résultat des courses, la croissance du port de Pirée est spectaculaire : le port manutentionnait 3,3 millions de conteneurs en 2015, 3,67 millions en 2016, 4,1 millions en 2017 et 4,9 MEVP en 2018 (+ 18 %).

Le port de Pirée capitalise aussi sur le trafic routier, avec selon le Lloyd, 120 000 voitures traitées.

Le premier port de Méditerranée depuis 2019, présidé et dirigé par deux ex-dirigeants de Cosco Shipping, est aussi devenu le premier port de Méditerranée dans la réparation navale à Kastelli.

Les spécialistes ont constaté que la croissance du port de Pirée est en ligne avec la croissance de son propriétaire, Cosco Shipping Ports devenu, en 2018, le 3e manutentionnaire mondial de conteneurs avec 46,1 MEVP traités dans l’ensemble de ses terminaux mondiaux, à quelque 0,6 million de conteneur d’Hutchison Ports (46,7 MEVP), le n°2, lequel est distancé par le numéro 1 mondial, PSA International (60,3 MEVP).

En octobre 2019, le Comité grec de planification et développement des ports approuve le plan d’investissement proposé par le gestionnaire pour un montant global de 611,8 Millions d’euros. Et puis début mai 2020, le ministre du Transport maritime et des îles, Ioannis Plakiotakis, est favorable au désir de Cosco d’ouvrir un 4ème terminal au port de Pirée.

Il déclare : « Les investissements chinois au Pirée sont stratégiques et peuvent aider l’économie locale et la société ». « C’est une opération gagnant-gagnant… Nous devons aller de l’avant comme cela a été prévu. Nous effectuons un retour à la normale [après les années de crise traversées par la Grèce,] et les investissements progressent doucement. »

Comme quoi, depuis 10 ans, les gouvernements changent en Grèce, mais tous les ministres ne cèdent pas à la haine anti-chinoise de Washington.

Quand le 4ème terminal en cours de construction par Cosco sera terminé, cela portera la capacité du port à 9,5 millions de conteneurs.

Le port le plus dynamique de Méditerranée ne se trouverait alors plus loin des plus grands ports d’Europe du Nord, tels Anvers (11 MEVP) et Rotterdam, mais plus que Hambourg (8,7 MEVP) déjà passé là aussi à Cosco et plus proche du plus grand port américain qui est Los Angeles (9,5 MEVP).

Pour comparaison, tous les autres ports de Méditerranée sont en souffrance depuis 10 ans. Le port de Marseille Fos a battu son record historique de 1,5 million de conteneurs traités en 2021Le port de Gêne en Italie stagne à 2,5 millions de conteneurs en 2021.

A l’époque, avant l’arrivée de Cosco en Grèce, tous ces ports de Méditerranée, comme Barcelone, Marseille et Gênes étaient plus grands que le port de Pirée.

C’était une erreur stratégique des autorités camerounaises de ne pas copier ce qui s’est passé en Grèce pour confier le port de Kribi à l’un des plus grands manutentionnaires du monde comme Cosco le 3ème, pour faire du port en eau profonde de Kribi un port de niveau mondial, et utiliser Kribi pour réduire là aussi de moitié la durée du transport des conteneurs de Chine à Kribi direct.

Pour construire le port de Kribi, le Cameroun a emprunté 500 millions de dollars à la Chine, qu’il faut rembourser. Dans le cas du Pirée, on parle de la somme de 600 millions de dollars dépensée par Cosco, juste pour les travaux d’élargissement de ce port. Le gouvernement grecque n’a rien à rembourser de cette somme puisque c’est le concessionnaire du port, Cosco, qui décide autonomement de faire les travaux qu’il retient nécessaire pour atteindre ses objectifs.

C’est la même chose pour les travaux d’élargissement pour le 4ème terminal. Le gouvernement grecque s’est limité d’autoriser les travaux et n’a même pas demandé combien cela coutera.

Question : ayant préféré le partenariat d’une entreprise privée française, Bolloré, pour gérer le port en eau profonde de Kribi en lieu et place d’une entreprise publique chinoise comme Cosco, quel rang africain et mondial pensez-vous que le port de Kribi aura dans 5 ans, dans 10 ans, dans 20 ans ?

CONCLUSION

Nous avons débuté cette leçon avec une escroquerie institutionnalisée qui consistait à faire payer l’électricité des industries occidentales au Brésil par les populations du pays.

Le Brésil a demandé à ses interlocuteurs chinois exactement le même traitement qu’ils ont en Chine pour leurs pauvres : la gratuité de l’électricité.

En 2006, la State Grid Corporation of China désormais présente au Brésil a réussi à garantir sa rentabilité à travers les entreprises énergivores de Chine, pour arriver à offrir l’électricité gratuitement à 545 000 nouveaux foyers situés en zone rurale, dans le cadre du projet gouvernemental « Courant Electrique pour tous » (« Power for All »). Sur la période 2007-2008, la SGCC a investi 3 milliards de dollars pour le même projet pour raccorder 4,5 millions de Chinois pauvres supplémentaires dans 18 provinces de Chine.

State Grid contrôle plus de 10 000 km de lignes électriques au Brésil. Il y a matière à trouver un espace pour la gratuité de l’électricité lorsque ces lignes traversent les villages brésiliens. Et c’est un point de bataille des autorités de la nouvelle administration du président Lula.

Les gouvernements africains commettent une erreur de suivre les suggestions de Washington d’aller emprunter l’argent en Chine pour réaliser eux-mêmes certaines infrastructures, alors qu’ils devraient au préalable prendre le temps d’étudier ce qui se passe en Chine, comme le projet « Power for All » (Electricité pour tous), en négociant avec les nouveaux partenaires chinois plutôt des projets complexes devant au final garantir une meilleure qualité de vie palpable immédiatement par les citoyens les plus pauvres, comme le fait d’avoir l’électricité gratuite dans les zones rurales en Afrique.

Un tel objectif changerait le drame de l’exode rural actuel vers des villes non préparées à accueillir un si grand nombre de nouveaux résidents. Car, avoir l’électricité dans les zones rurales permet d’avoir un minimum de modernité qui va se traduire immédiatement par la transformation des zones pauvres en centres de développement de micro-industries.

C’est l’une des voies suivies par le gouvernement chinois pour sortir 700 millions de personnes de la pauvreté en 20 ans. Pourquoi cela ne serait-il pas possible d’importer une telle recette en Afrique en s’appuyant sur les auteurs d’un tel exploit ?

Nous verrons dans la troisième partie les erreurs du modèle américain suivi par le milliardaire nigérian Dangote à travers l’échec de son usine de tomate créer soi-disant pour lutter contre l’importation de tomate chinoise et pourquoi sa raffinerie de pétrole, la plus grande d’Afrique et qui se veut la plus grande du monde n’a aucune chance de travers les 10 ans d’âge.

Et ce que le Nigeria et le Cameroun auraient dû mettre sur la table de négociation avec la Chine dans le secteur des hydrocarbures.

Nous verrons pourquoi a mal fait d’écouter les américains au lieu de tenir compte d’une loi décrétée en Chine en 2021 sur les entreprises pétrolières chinoises.

Nous verrons les erreurs stratégiques des gouvernements camerounais et nigérians de subventionner le carburant à la pompe, dans une optique de la coopération avec la Chine.

Nous retournerons au Brésil pour voir comment entre 2006 et 2019, les exportations brésiliennes de pétrole brut vers la Chine ont été multipliées par dix.

Et surtout, ce que les pays africains doivent comprendre de la raison qui a fait que la part de la République populaire de Chine dans les exportations brésiliennes d’or noir est passée dans cet intervalle de 13 ans, de 12% à 71%.

Je vous dirai ce que le Brésil a profité en se passant des compagnies de pétrole américaines et européennes pour tisser plutôt des alliances avec les groupes publiques chinois comme Sinopec, CNPC et CNOOC, grâce à une particularité qu’on ne trouve pas en Afrique : Toutes les trois firmes ont beaucoup investi au Brésil, entre 2007 et 2020, un total de 22,18 milliards de dollars dans l’extraction de pétrole et de gaz mais comme des partenaires de la compagnie brésilienne Petrobras.

Un genre de partenariat que les pays africains devraient expérimenter en sortant de la soumission inutile aux compagnies occidentales qui ont montré leurs limites en 60 ans.

Jean-Paul Pougala

Mardi le 31 janvier 2023
(re-publié le 21/12/2023)

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