Nous sommes tous égaux face à la nature. Nous naissons, nous vivons avec des fortunes différentes. Et nous mourrons. Rien ne saurait alterner cette loi naturelle. Notre passage sur terre nous oblige cependant à des devoirs. Nous sommes tous les enfants d’un pays et citoyens du monde. Cette appartenance non choisie est l’occasion pour l’être humain de réaliser ses rêves. Et c’est à ce niveau que les différences s’observent.
Il y a parmi nous des leaders, des porteurs d’eau et des acteurs passifs. Tout ce monde est appelé à participer à la vie active d’un pays qui place à sa tête un « chef ». Ce dernier est élu démocratiquement. Mais dans les dictatures, le pouvoir est confisqué. Le chef puissant décide seul et la meute suit. Ceux qui osent contester croupissent dans les prisons ou meurent.
Mais la vie ne saurait se limiter à ce constat. Le devoir et l’honneur doivent triompher de nos faiblesses. L’Afrique se trouve dans une configuration où le pouvoir est confisqué. Les constitutions sont bafouées et le délitement des pays s’observe même à l’œil nu. Le Cameroun en est le parfait laboratoire. La pauvreté galope et un sentiment d’abandon gagne la population. Mais, est-ce une raison de croiser les bras ? Un pays a besoin de tous ses enfants pour affronter les défis toujours plus nombreux.
Le pouvoir politique actuel, en place depuis 39 ans, n’a pas su relever les défis. Il ne suscite plus aucun espoir. Une page de l’histoire du Cameroun va se tourner.
Bras de fer
La succession de Paul Biya est ouverte. Sur le papier, tout parait normal dans un pays où les prétendants déclarés ne manquent pas. Mais la redoutable machine du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) n’est pas décidée à donner sa chance à de nouvelles forces. C’est de bonne guerre et une fuite en avant, surtout dans les dictatures.
Cette lutte de survie ne saurait masquer les errements du RDPC qui n’a pas su ou qui a été incapable, durant un règne long et chaotique, tirer les leçons de ses échecs répétitifs. Son bras de fer contre toutes les formes d’oppositions n’a fait que renforcer, auprès de la population, un sentiment de rejet et d’impuissance.
Aujourd’hui, son leader incontesté, Paul Biya, arrive en fin de parcours. L’âge, la maladie et l’usure du pouvoir ont raison de lui. Peut-il encore présenter un dauphin ? Nous en doutons. Le vieux Lion n’a plus rien à offrir, ni à proposer. Son parti politique n’a pas été capable de se remettre en cause. La corruption endémique est toujours présente. A ce mal dénoncé et jamais combattu viennent s’ajouter d’autres maux qui ont terni le règne long et lancinant de son chef : le tribalisme, le népotisme, les injustices, les guerres en cours, etc. Il faut y ajouter une situation économique chaotique qui plonge la jeunesse au chômage et sans espoir.
Le RDPC a eu le temps de se racheter. Il ne l’a pas fait. Des luttes internes ont muselé quelques voix qui souhaitaient que le linge sale se lave en famille. Elles ont été déboutées. Violemment ! Que restera-t-il de ce parti qui n’a pas su se réinventer ?
Les oppositions et la société civile
La gravité et la solennité de la situation économique et sociale du Cameroun est alarmante. Elle est inquiétante si l’on tient compte de l’absence de son chef de tous les médias et des espaces publics. L’homme est-il devenu un Dieu qui se camoufle ? Ce choix n’ajoute pas à son mystère. Il laisse la place à toutes les spéculations. L’inertie collective du pouvoir politique conduit le pays à l’immobilisme. En cette période de pandémie mondiale, cette attitude est tout simplement irresponsable et suicidaire.
En effet, le vrai problème de l’équipe dirigeante est une lutte interne de positionnement qui l’éloigne des préoccupations du peuple. Chacun se voit succéder à Paul Biya. Ce dernier les observe et entretient ces divisions qui prolongent son long règne. Il en résulte un climat délétère et jouissif pour Paul Biya. Nous assistons à une lutte sans issue dans un panier de crabes. Ce bal est improductif pour le pays. Il bloque toutes les initiatives et favorise tous abus.
Face aux défis mondiaux qui frappent très douloureusement les pays pauvres, les partis d’oppositions et la société civile au Cameroun doivent être des forces de propositions. Ils ont vocation à occuper le terrain et de préparer une alternance pour sortir du profond sommeil, de la peur et de l’absence de perspectives. Ils ont aussi pour mission de vulgariser leurs programmes de gouvernement pour une nouvelle dynamique. La peur de la répression ne saurait briser tous les élans. Pour y parvenir, les moyens de communications sont nombreux en dehors des réseaux sociaux. Il faut les occuper en permanence. C’est à travers ces engagements que va se dégager une femme ou un homme charismatique pour diriger le Cameroun de demain. Dans un système où aucun changement politique ne viendra par les urnes, l’après Biya doit renforcer celles et ceux qui auront la capacité de bâtir un Cameroun nouveau porteur d’espérance.
Les oppositions camerounaises doivent surmonter leurs divisions. Elles ont les mêmes objectifs : sortir le Cameroun de la grande nuit où il s’est volontairement englué. Le combat à mener est permanent pour rassurer une population qui doute et qui ne croit plus qu’en un Dieu qui ne sera jamais au rendez-vous. Les oppositions doivent vulgariser les thèmes forts de la politique :
- La lutte contre la corruption ;
- Les défis sanitaires ;
- L’enseignement ;
- L’insécurité ;
- Les créations de richesses ;
- Le développement économique et social ;
- Le tribalisme, etc.
Les partis d’opposition doivent occuper le devant de la scène. Ils ne peuvent rester dans l’expectative. Qu’attendent-ils pour devenir des forces incontournables, des forces de propositions ? L’après Biya se prépare dès aujourd’hui. A défaut de se réunir, ils doivent être présents dans les offensives politiques par des propositions permanentes. Ils doivent occuper le terrain et s’engager à réaliser des projets de production dans les villages éloignés. Ils seront jugés pour leurs actions.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant