La paix sociale est la condition première pour sortir le Cameroun du bourbier où il s’est empêtré en menant une guerre sans issue contre une partie de sa région. Cette guerre que le gouvernement aurait pu éviter est devenue incontrôlable et virale. Elle détruit l’image d’un pays qui sort à peine d’une guerre d’indépendance et dont les stigmates sont encore visibles. Tel est perçu aujourd’hui, en Afrique et dans le monde, le pays gouverné par des gérontocrates déconnectés, irascibles et frappés de troubles cognitifs.
Sous la pression internationale et face à la ligne dure choisie par le pouvoir central de briser une résistance sécessionniste, le Cameroun s’est enfin décidé à mener des négociations avec « ses ennemis » de l’intérieur pour mettre fin à une guerre ruineuse. Avait-il le choix ?
Comme à l’accoutumée, le pouvoir de Yaoundé continue à nier ces négociations sécrètes qui sont en cours pour masquer ses échecs sur le terrain. Ce gouvernement a tort car il n’échappe à personne que les excités du parti/État RDPC qui ont choisi la violence ont échoué.
L’occasion est belle pour ce régime de tendre la main à tous ses enfants pour se réhabiliter et sortir par la grande porte. L’histoire retiendrait alors cette issue qui glorifie les grands hommes par la voie du dialogue, du pardon et de la rédemption. Paul Biya peut-il continuer à dicter sa loi ?
Le pays du huit clos
Le gouvernement aurait-il honte de négocier ? Cette voie est noble et offre aux deux camps une sortie de crise honorable. Malgré les démentis du pouvoir, ces négociations ont bien lieu. Mais il est vrai que le pouvoir cherche à préserver son image en prenant de la hauteur. Yaoundé nous a habitués au huis clos qui est une véritable tragédie car ce choix comportemental l’enferme dans le regard des autres et lui fait perdre sa vitalité.
Lors de sa dernière sortie médiatique, le ministre de la communication, René Sadi, a démenti toutes négociations avec les séparatistes. Encore un secret de polichinelle qui écorne un peu plus l’image d’un régime déboussolé. La guerre médiatique que mène le régime est d’avance perdue. Les réseaux sociaux sont actifs et nous livrent une information d’actualité. Ainsi, un des leaders séparatistes, Julius Ayuk Tabe, reconnait dans les réseaux sociaux que les pourparlers de cessez-le-feu avec le gouvernement avaient lieu.
Dialoguer
Dialoguer n’est pas un aveu de faiblesse. Les érudits de Yaoundé perdraient-ils le sens communs ? Tout laisse à croire que le pouvoir RDPC est grippé. Le processus de décentralisation entériné à l’issue du monologue national est lui aussi crispé. La faute au coronavirus ? Le pays est confronté à plusieurs défis : sécuritaire, sanitaire, social, économique, etc. Il faut y ajouter une pauvreté qui s’est installée et qui touche la plus grande partie de la population où la classe moyenne est inexistante. Tout cela sème la confusion pour l’après-coronavirus. L’économie camerounaise se relèvera-t-elle avec une dette qui explose ?
Dialoguer avec les séparatistes est un acte à encourager. Dans cette démarche, l’horizon s’ouvrirait pour une paix sans condition et la libération de tous les prisonniers politiques. C’est aussi l’occasion pour ce régime de tendre la main à l’opposition. En effet, le Cameroun est malade de sa gouvernance qui a échoué. Le pouvoir politique devrait se remettre en cause en invitant tous ses enfants à dialoguer. Un dialogue inclusif différent du monologue national simulé par Paul Biya et qui ne voit toujours pas la décentralisation s’appliquer.
Le Cameroun traverse une période d’incertitude qui remet en cause son modèle autocratique. Le coronavirus ne fait qu’amplifier les échecs économiques et sociaux qui nous conduiront vers des revendications inavouées. Le trouble public est prévisible en Afrique où la jeunesse se réveille et conteste l’ordre colonial établi. Le temps de l’alternance politique est bien là. Les troubles au Mali sont-ils les prémices de l’éveil des intellectuels volontairement muselés ?
L’Afrique a un besoin immédiat de se prendre en charge, de se libérer de l’influence nauséabonde néocolonialiste qui maintient en charge des sbires dont la vocation première est d’étouffer une jeunesse de plus en plus éclairée et revendicatrice.
Le Cameroun ne peut échapper à la transition démocratique qui commence à s’opérer et qui est inéluctable pour une véritable alternance politique.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste