Mes chers jeunes compatriotes,
Je m’adresse à vous aujourd’hui à l’occasion de la célébration de la Fête Nationale de la jeunesse du fond de ma cellule de fortune située au Groupement Spécial d’Opérations de Yaoundé où je suis détenu de manière illégale et totalement arbitraire, ainsi que plusieurs citoyens qui m’accompagnent dans notre lutte pour un Cameroun meilleur, depuis 14 jours.
Comme vous le savez, le combat pour la liberté n’a jamais été un long fleuve tranquille. L’histoire de notre continent, et plus particulièrement celle de notre pays, est fournie de figures dont l’engagement pour des causes justes s’est souvent fait au péril de leur propre vie.
Notre incarcération au GSO, au Secrétariat d’Etat à la Défense, au Groupement Mobile d’Intervention, à la direction de la police judiciaire, et la mise en détention provisoire de certains de nos camarades à la prison centrale de KONDENGUI, en violation flagrante de toutes les règles de procédure, ne devraient donc pas susciter en vous crainte et angoisse, mais renforcer votre conviction qu’il faut indispensablement que les forces du changement, issues de l’ensemble de la nation, se lèvent contre le pouvoir avilissant déterminé à entrainer notre pays vers l’insignifiance, l’incertitude et le délitement total.
En effet, cette situation est loin d’être étrange au regard du contexte de notre pays où on assiste depuis de nombreuses années à la privation, voire la privatisation, systématique des libertés publiques au bénéfice du maintien d’un régime politique dont le bilan politique, socioéconomique et sécuritaire est catastrophique.
Sur le plan politique, la réforme consensuelle du système électoral, qui est un impératif pour l’équilibre de la compétition démocratique, a été proposé dans le but de régler des incongruités telles que le maintien de la majorité électorale à 20 ans alors que l’on est responsable, au plan pénal, à 18 ans. C’est proprement dénier à une catégorie majoritaire de la population de notre pays sa capacité à opérer un choix politique éclairé. Tout se passe comme si, pour le pouvoir illégitime de Yaoundé, le maintien du statu quo marqué par une Commission électorale et un Conseil Constitutionnel conçus pour demeurer des instruments de conservation du pouvoir est plus important que l’équilibre du jeu politique, seul gage d’une paix durable.
De même, l’absence d’une réaction forte à la suite du retrait au Cameroun de l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations, assimilé fort malheureusement à un simple « glissement de date » par celui qui prit l’engagement de sa tenue le « jour dit », constitue la preuve que le régime de monsieur Biya est victime d’un essoufflement préjudiciable au bon fonctionnement des institutions.
Sur le plan économique, l’échec du Document Stratégique pour la Croissance et l’Emploi, présenté en son temps comme la boussole vers l’émergence de notre pays, est une preuve supplémentaire de l’incapacité du régime RDPC à apporter des solutions aux problèmes que rencontrent les Camerounais. L’introduction d’un Plan d’Urgence Triennal 2015-2018, d’un Plan Triennal Spécial-Jeunes, du Plan d’Urgence Humanitaire est le signe d’une inaptitude à la planification stratégique, voire d’une gouvernance économique par bricolage permanent.
Sur le plan sécuritaire, la négligence et le mépris légendaires du régime de monsieur Biya vis-à-vis des régions septentrionales, dont les populations sont considérées comme de simples faire-valoir, a favorisé l’émergence de crises notamment la dissémination de la menace terroriste Boko Haram.
S’il est nécessaire de saluer l’action héroïque de nos forces de défense dans la lutte contre cette menace, l’honnêteté intellectuelle voudrait qu’on souligne l’utilisation inconséquente des moyens financiers et matériels mis à disposition à cet effet. Ce qui, non seulement, met en péril la coopération militaire entre le Cameroun et des partenaires stratégiques tel que les Etats-Unis, mais aussi sape la crédibilité de notre pays en tant qu’acteur clé de la lutte contre l’insécurité dans la région sahélo-saharienne.
Par ailleurs, le phénomène de prises d’otages dans l’Adamaoua, longtemps souligné par de nombreuses alertes, a finalement pris une ampleur inquiétante, créant ainsi un autre front d’insécurité.
Que dire de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest que l’option militaire choisie par le pouvoir de Yaoundé, au détriment de l’organisation du dialogue inclusif régulièrement proposé par les forces du changement et le MRC, ne parvient toujours pas à résoudre? Elle se pose comme un échec retentissant au regard de la radicalisation des acteurs et de la diversification des fronts. Les nombreuses conséquences de la crise sur l’emploi des populations, en particulier les jeunes, et sur la stabilité des activités économiques, scolaires et universitaires des deux régions démontrent, à côté du nombre croissant de victimes, que la résolution par les armes d’un problème éminemment politique conduit inévitablement à une impasse.
Chers jeunes compatriotes,
Ce tableau peu reluisant de la situation de notre pays, traduit la course quotidienne vers l’incertitude où le régime RDPC nous conduit. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de mettre en œuvre la continuité du Plan National de Résistance dont les marches du 26 janvier dernier constituaient une étape cruciale. Ledit plan repose sur trois principaux axes à savoir :
a) L’expression de notre indignation face au refus d’adoption du dialogue inclusif comme option préalable de résolution de crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest;
b) L’indignation face à la gestion irresponsable du scandale de la CAN manquée de 2019;
c) L’indignation suite au hold-up électoral de la dernière élection présidentielle.
La réaction brutale, inexplicable et injustifiée du pouvoir à des manifestations pacifiques menées dans le strict respect de la constitution et des conventions internationales dont notre pays est partie, renseigne sur le dangereux virage pris par ceux qui dissimulent leur haine de la démocratie et des libertés publiques sous les oripeaux du maintien de l’ordre public.
Il vous importe, mes jeunes compatriotes, de rester vigilants face à cette volonté d’empêcher la pleine expression d’une pensée contradictoire dans l’espace public camerounais. Le pouvoir illégitime utilise pour cela divers outils dont l’un des plus redoutables est l’agitation des passions basées sur la stigmatisation identitaire.
Retenez-le, le tribalisme est l’arme qu’utilisent ceux qui n’ont pas d’arguments pour défendre le bilan de 36 ans de corruption et de détournements de fonds généralisés. C’est l’arme de ceux qui veulent que vous vous détourniez des nombreux scandales financiers liés à l’organisation de la CAN, à l’échec des projets structurants tant vantés, à la misère généralisée au sein de notre population, au moment où eux bénéficient de nombreux privilèges dont les soins de qualité à l’étranger aux frais du contribuable.
A ce propos, le MRC déplore et condamne avec la dernière énergie le discours irresponsable d’un membre du gouvernement qui a pris sur lui de stigmatiser avec une violence inouïe un groupe ethnique, faisant un parallèle avec une page triste de l’humanité que fut le génocide du peuple juif.
Très curieusement, par une espèce d’indignation sélective, un autre membre du gouvernement a cru devoir se désolidariser des propos à l’encontre du peuple juif, en s’abstenant de blâmer ceux tenus contre une communauté nationale.
Chers jeunes, n’oubliez jamais que la compétition pour le développement ne saurait se faire entre camerounais, mais bien face aux autres nations déterminées à préserver leurs intérêts au détriment des nôtres. C’est pourquoi le MRC s’est fermement engagé depuis sa création dans la lutte contre le tribalisme et toute autre forme de discrimination.
Autant je suis pour la libre expression des idées politiques, au besoin à travers des manifestations publiques, autant je m’insurge contre tout acte de vandalisme des édifices, des biens et des emblèmes nationaux où qu’ils se trouvent. C’est l’occasion pour moi de condamner, à nouveau, la violation de nos représentations diplomatiques à l’étranger.
J’en appelle à tous les jeunes camerounais de rester mobilisés pour la défense de leurs droits et libertés fondamentaux, et les exhorte à profiter de cette journée du 11 février 2019 non pour des réjouissances dont le but est de les distraire, mais pour mener une réflexion profonde et méditative sur l’avenir de notre cher et beau pays.
Vive la Jeunesse camerounaise, vive le Cameroun.
Maurice KAMTO,
Président élu et légitime du Cameroun
Yaoundé le 10 février 2019.