Réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU sur le Cameroun
Monsieur le Secrétaire général de l’ONU,
Suite à l’incarcération de Maurice Kamto, ancien président de la commission juridique des Nations unies et candidat autoproclamé vainqueur de la présidentielle du 07 octobre 2018 au Cameroun, l’Organisation Jeunesse Africaine (OJA) vient auprès de votre auguste assemblée plaider la cause de ce pays.
Aux sources du problème de 1919 à 2019
Lorsque l’Allemagne, puissance coloniale, perd la Première Guerre mondiale en 1918, le Cameroun, l’une de ses colonies, est placé, en 1919, sous mandat de la SDN, puis transféré sous tutelle de l’ONU en 1946. Pour préparer le Cameroun à l’autodétermination et à l’indépendance, la SDN cède la gestion du territoire à la France et à l’Angleterre. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, et précisément en 1952, 1953 et 1954, les nationalistes camerounais, Ruben Um Nyobé en tête, prêts à cette autodétermination, se rendent au siège de l’ONU, à New York, pour réclamer la réunification des deux Cameroun et l’indépendance de la France et de l’Angleterre. À leur retour, l’UPC, leur parti politique, est dissous, les contraignant d’exercer dans la clandestinité où ils sont pourchassés et assassinés, puis remplacés par un despote aux ordres de la France – Ahmadou Ahidjo – qui proclame l’indépendance du Cameroun francophone le 1er janvier 1960, invite, en date du 1er octobre 1961, le Cameroun anglophone dans un État fédéral qu’il abolit onze ans plus tard (1972) lors d’un référendum aujourd’hui encore considéré par le peuple camerounais comme un coup d’État.
Les événements s’étant déroulés de cette manière, le Cameroun n’est jamais parvenu à l’autodétermination dont l’ONU était censée être le garant. Au contraire, deux dictatures féroces lui ont été imposées (1960-1982 / 1982-2019) avec, pour conséquence, deux guerres civiles dont la première (1958-1971) révèle l’existence d’un génocide non encore reconnu, et la seconde, tout aussi dramatique que la première et encore en cours, implique les populations anglophones aux forces du régime de Paul Biya. Lorsqu’on ajoute à ces 59 années de dictature, 41 autres années passées sous l’administration française et anglaise, cela fait exactement 100 ans, un siècle que le Cameroun attend de l’ONU, son tuteur officiel depuis 1919, les moyens de son autodétermination réelle.
L’instauration des élections libres et transparentes
Monsieur le Secrétaire général de l’ONU,
La clé de l’autodétermination de tous les peuples et de toutes les nations de cette terre réside dans une élection présidentielle libre et transparente. Pour ce qui est du Cameroun, il ne s’agit donc plus aujourd’hui de proclamer l’indépendance, mais de la dépouiller de son système dictatorial, avatar du régime colonial, qui l’en a véritablement privé. Or, l’élection présidentielle du 07 octobre 2018 a donné au peuple Camerounais l’occasion de réaliser cette autodétermination. Et le peuple a élu le candidat de son choix, Maurice Kamto. Les preuves de sa victoire ont été fournies lors du contentieux électoral, mais le Conseil Constitutionnel aux ordres du régime a préféré octroyer arbitrairement la victoire à Paul Biya, 86 ans, et au pouvoir depuis 1982. Le rapport de notre organisation (en pièce jointe) sur ces élections décrit comment Maurice Kamto a préparé et gagné cette présidentielle du 07 octobre 2018 et pourquoi il est aujourd’hui considéré, au sein du peuple, comme le président élu à investir.
Que le plan de résistance nationale contre le hold-up électoral élaboré par le MRC, parti politique de Maurice Kamto, incluant des marches de protestation pacifiques ait débouché sur son arrestation et sur celle de plus de deux cents autres personnes lors de la marche pacifique du 26 janvier 2019, est une preuve de plus de ce que ce pays, dont l’ONU a toujours eu la tutelle, n’a jamais accédé à l’autodétermination. La libération de Maurice Kamto ne peut donc se faire simplement du fait de ce statut dont il jouissait au sein de l’Organisation des Nations Unies, car son incarcération, au-delà de sa simple réalité factuelle, est tout un symbole : celui de la prise en otage de la véritable indépendance du Cameroun.
Du re comptage des voix de l’élection présidentielle
Il va donc sans dire que pour permettre au Cameroun d’obtenir l’autodétermination à laquelle il aspire depuis un siècle, l’ONU a le devoir de changer le système dictatorial qui l’en a privé. Ce changement de système constituera, aux yeux du peuple camerounais, l’indépendance véritable accordée. Pour y parvenir, les résultats de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, dont la crise post-électorale en cours est l’émanation, constituent la clé qui lui est offerte. Il s’agit, à proprement parler, de prendre une décision ferme dans la perspective du re-comptage des voix de cette élection afin d’établir la vérité aux yeux de tous. Que l’ONU actionne ce processus de re-comptage n’est pas une faveur, mais simplement l’accomplissement d’un devoir moral en tant qu’institution de tutelle de ce pays.
L’Organisation Jeunesse Africaine est convaincue que ce re-comptage reste l’unique voie du salut pour le Cameroun, car, en plus de l’incarcération de Maurice Kamto et de toute l’équipe dirigeante de son parti dans les geôles du régime, la guerre civile en cours, déclenchée contre les deux régions anglophones du pays, y trouvera, elle aussi, une solution, Paul Biya étant l’origine du problème anglophone et ne pouvant être ni un interlocuteur fiable ni la solution.
Convocation du Conseil de Sécurité de l’ONU sur le Cameroun
Le déclenchement du processus de re-comptage des voix sera possible avec la convocation d’une réunion du Conseil de Sécurité sur le Cameroun, réunion que l’Organisation Jeunesse Africaine appelle de tous ses vœux à travers la présente correspondance. Il s’agira, lors de cette réunion, de débattre de la libération de Maurice Kamto et de tous les membres de son parti incarcérés, de la définition des termes de re-comptage des voix, de la mise sur pied des mécanismes de l’investiture du président élu et de la construction d’un système démocratique moderne et définitif. Telle est la mission que le Conseil de Sécurité a à accomplir au nom de la responsabilité historique de l’ONU sur le Cameroun, l’un des rares pays à n’avoir été qu’une colonie allemande, puis un territoire sous tutelle onusienne.
Monsieur le Secrétaire général de l’ONU,
C’est avec impatience que le Cameroun attend ce moment où la véritable souveraineté lui sera accordée à travers le démantèlement du système dictatorial qui l’en a privé. Il est question pour l’ONU, en tant qu’institution de tutelle, de revenir en arrière dans le but de corriger le mécanisme défaillant de l’octroi de cette souveraineté enclenché avant 1960 et après. Car, au demeurant, le Cameroun ressemble à un enfant dont le père (l’ONU), s’occupant plus de l’avenir des enfants des autres, s’est éloigné, le laissant à la merci des prédateurs internes et externes. Il est temps que ce père retrouve les traces de son fils, le protège et lui fait goûter ce qu’il n’aurait jamais dû lui refuser, à savoir la réalité de la liberté, de la justice et de la démocratie.
Pour l’Organisation Jeunesse Africaine
Dr. Maurice NGUEPÉ
Secrétaire général