Bis repetita ,M. Paul BIYA, le  « Roi fainéant » parfois un brin vaniteux avec notamment « ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut », a encore volé le peuple camerounais et tente donc de s’imposer à lui, pour un autre mandat de 7 ans. Il aura alors, 93 ans à son terme et aura régné pendant 43 ans.

Ce dénouement prévisible est la preuve ultime de l’inopérabilité d’un changement par les voies légales au Cameroun. Le système se révèle donc de plus en plus pervers, brutal, archaïque même, mais redoutablement efficace quant à sa capacité à planifier et organiser la fraude.

Le traditionnel bourrage des urnes et l’achat des consciences sont de plus en plus délaissés, pour des méthodes plus radicales et moins risquées, comme la confection des faux PV et le contrôle de tout le processus électoral…

Face à cette réalité, l’analyse du comportement de l’opposition camerounaise est d’un réel intérêt, car elle permet, au regard de son histoire et de l’actualité, de faire des projections en rapport avec les stratégies adoptées.

JOSHUA OSHI ET LE SDF

 

Le candidat du SDF à l’élection présidentielle, Joshua OSHI, au lendemain de cette élection, a reconnu la victoire  du candidat président, malgré les réserves importantes qu’il a lui-même formulées et les recours en annulation qu’il a introduits. Ceci a été interprété par de nombreux observateurs comme une forme d’allégeance au pouvoir, ou tout au moins une volonté de briser la dynamique MRC du candidat KAMTO, qui incontestablement a modifié la donne sur l’échiquier politique camerounais.

 

Mais, manifestement, ce positionnement ne semble pas être partagé par son parti, le SDF… Ses deux plus puissants ténors francophones que sont Jean Michel NINTCHEU, président provincial du SDF Littoral et Étienne SONKIN, trésorier national du SDF et homme fort de ce parti à l’Ouest (ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si la campagne du SDF pour l’élection présidentielle, fut lancée à Dschang avec le meilleur succès populaire de toute la campagne pour ce parti) s’en sont écartés… Si le premier cité a résolument opté pour une contestation par la rue, de l’élection présidentielle, c’est à dire rejoindre implicitement KAMTO, dans une démarche visant à chasser le dictateur par la rue, ce que j’appelle ici voie insurrectionnelle, le deuxième lui a ouvertement pris position contre son candidat en déclarant «JE CONDAMNE LE HOLD-UP ELECTORAL DE PAUL BIYA ET M’INSCRIS EN FAUX PAR RAPPORT A UNE QUELCONQUE RECONNAISSANCE DE SA VICTOIRE… LE CHAIRMAN DEMEURE LE SEUL PORTE-PAROLE OFFICIEL DU SDF APTE A FAIRE DES DECLARATIONS CAPITALES AU NOM DU PARTI ».

 

Le SDF est donc ici à la croisée des chemins de son histoire politique. Momifié dans une posture hégémonique au sein de l’opposition et inapte à fédérer les forces du changement, à défaut de les incarner résolument, la débâcle électorale qu’il vient de subir est la sanction d’un choix stratégique qui s’est révélé inopérant quant aux perspectives d’alternance, notamment celle consistant à participer bonnement aux élections et à se satisfaire des strapontins que lui concède le parti au pouvoir, qui résolument distribue au gré de ses intérêts personnels, des élus à ses adversaires ou concurrents. C’est ce que j’appelle la logique institutionnelle. A court terme, elle est confortable car permet à quelques personnalités des partis, d’accéder à des fonctions électives: maire, député, conseiller municipal, sénateur… et au parti de bénéficier par voie de conséquence, de financements au titre de l’aide accordée par l’État aux partis politiques. Le Parti se trouve progressivement ainsi prisonnier de la tutelle d’une aristocratie d’élus, qui « tiennent leur CHANGEMENT PERSONNEL » et ne rêvent plus du CHANGEMENT. Leur position de pouvoir et la séduction des ors du pouvoir, les amènent à établir de véritables corridors de la corruption avec le pouvoir RDPC. Tout ceci a contribué à émousser leur ardeur militante, à travestir l’âme du SDF qui est un parti né dans la douleur des 6 morts de BAMENDA et dont le puissant ferment a été la victoire volée de 1992 qui de facto délégitimise  Paul BIYA comme président de la République et induit un certain positionnement.

La logique institutionnelle au regard du système électoral camerounais a ainsi fait disparaître ou quasiment, de nombreuses formations politiques, comme l’UNDP, le MDR, l’UPC Kodock et bientôt le SDF.

CABRAL LIBII et le parti UNIVERS

 

Le candidat Cabral LIBII est assurément la plus grande révélation de cette campagne, de par sa trajectoire, son talent oratoire, qui contraste malheureusement avec son habileté politique. Ceci a pu générer une forme d’ambiguïté, qui brouille son message politique. Ne pas le corriger et faire croire que les critiques relevées procèdent uniquement d’une forme d’imposture, serait une erreur.

Ici, c’est le président du parti Univers, aux couleurs duquel le candidat Cabral LIBII a concouru qui a reconnu la victoire de Paul BIYA, après avoir dénoncé avec emphase les nombreuses fraudes électorales et introduit un recours malheureux en annulation de l’élection. Ce qui veut dire qu’il positionne résolument son parti  dans la logique institutionnelle du Président sortant.

Son candidat, sans ouvertement se désolidariser de sa démarche, semble opter pour une logique qui se veut hybride, du moins dans la communication. Il conteste la victoire de Paul BIYA, revendique sa probable victoire au regard des PV partiels par lui computés, brandit la menace du peuple en colère, donc de la rue, mais se projette dans les échéances électorales futures… Ce qui suppose d’abord, la reconnaissance implicite des institutions en charge de ces élections et donc de celui qui les incarne.

Une analyse plus fine devrait nous amener à penser que le Cabral LIBII  semble opter pour la démarche institutionnelle qui en l’état actuel des institutions et du jeu politique, a ruiné tout espoir de changement. L’inaction de ce candidat quant à la revendication de « sa victoire volée », malgré un contexte qui s’y prêterait  et cette revendication concomitante de la victoire en même temps qu’un autre candidat de l’opposition, participe davantage de tactique politique contre ce candidat concurrent, qu’une réelle volonté de mettre en difficulté le pouvoir. Cette inflation de postures, qui est un exercice qu’affectionne le brillant Cabral LIBII, n’est pas souvent de nature à donner de la clarté à ses choix politiques. Quelqu’un disait: « en politique quand c’est flou, c’est qu’il ya un loup ».

MAURICE KAMTO ET LE MRC

Maurice KAMTO qui apparaît désormais comme la figure politique la plus en vue quant aux espoirs de changement au Cameroun, a rejeté les résultats officiels donnant Paul BIYA vainqueur de cette élection. Après avoir démontré les incohérences arithmétiques des résultats dits officiels, il a présenté les propres chiffres de la coalition qu’il a conduite, sur la base de quoi, il affirme avoir remporté l’élection présidentielle du 07 octobre 2018 au Cameroun.

Remettant donc en cause la légitimité de monsieur BIYA, il invite le peuple camerounais à la résistance et au combat politique et juridique dont il a rendu public les articulations. Il opte ainsi pour la démarche insurrectionnelle, dont le fondement est la non reconnaissance de Paul BIYA comme vainqueur de l’élection présidentielle à qui il oppose frontalement ses propres chiffres qui établissent sa victoire.

Si cette voie est la plus difficile à conduire, tant elle suppose une vraie adhésion du peuple, un réel courage politique et une détermination sans faille face à la brutalité sans limite du pouvoir RDPC de Paul BIYA, qui a plongé ainsi le pays dans une guerre dont l’issue est à ce jour incertaine, elle est sans aucun doute, celle que redoute le pouvoir, la plus efficace à la fois pour chasser une dictature ou au minima, obtenir des réformes du système électoral, voire une transition politique.

LE CAMEROUN TEL QU’IL FONCTIONNE NE FAIT REVER PERSONNE : LE VIVRE ENSEMBLE N’EST PAS UNE ASSOCIATION DES MISERES.

Le régime RDPC ne comprend que le rapport de force. Tous les discours angéliques avec pour musique de fond, la paix sont en réalité des discours pro-RDPC. Aucun observateur sérieux ne peut en l’état actuel des institutions camerounaises et du jeu politique, se réclamer du changement en s’inscrivant dans une logique institutionnelle. D’ailleurs, le peuple qui depuis longtemps l’avait compris, avait pris ses distances avec les urnes, car aucune démarche ne semblait de nature à le sortir de son pessimisme. Si l’on a pu observer un réel intérêt du peuple pour la dernière élection présidentielle, c’est davantage du fait de la qualité des acteurs. Force est de constater que même inscrits massivement sur les listes électorales, la donne ne changerait pas fondamentalement à partir du moment où seuls comptent les PV, même non signés, donc non authentifiés, transmis au Conseil Constitutionnel et au regard de quoi les résultats seront proclamés.

A un moment donné de son histoire, le peuple doit savoir dire STOP! Et il semble l’avoir compris. Ce peuple comme je le dis depuis 20 ans, est mûr pour le changement, mais cherche désespérément un leader à la hauteur de ses espérances.

  1. KAMTO est-il donc ce leader tant attendu? Ce qu’on peut dire au regard de l’actualité politique récente, est qu’il fait montre d’un vrai courage et recueille de la part de ses partisans et d’une bonne partie du peuple camerounais un écho retentissant. Mais il faut tenir…Et c’est là le challenge.

Tenir pour le peuple, c’est prendre chacun à son niveau, des responsabilités dans l’optique de voir partir ce régime dont le marasme managérial a plongé le Cameroun dans la misère et la guerre. Les appels au nom du vivre ensemble, procèdent de la vraie manipulation, car le vivre ensemble n’est pas une association de misère.

Sauf à résolument renoncer au projet Cameroun tel que semble l’avoir fait le gouvernement RDPC de Paul BIYA, on ne peut continuer à attendre bonnement les élections législatives, municipales…dans l’optique d’y glaner quelques sièges que le RDPC voudra concéder et laisser tourner la machine comme avant, sans aménagements substantiels de la loi électorale, sans une vraie redéfinition des règles, choses que ne peut concéder BIYA, car conscient de son impopularité. Ceci signifierait sa fin politique. Donc aller aux élections pour obtenir des changements individuels comme l’a fait l’opposition jusqu’ici, n’est pas à la hauteur des enjeux de ce pays dont une partie du peuple est en proie à la violence, à la guerre, à l’exil et au désespoir.

Choisir la voie institutionnelle est un crime pour le Cameroun. Les anglophones sont nos frères et les perspectives d’un retour à la paix avec le régime actuel sont quasiment nulles. Chaque jour qui passe sans action y coute la vie aux Camerounais embourbés dans une guerre fratricide. Il faut créer un électro-choc par une démarche politique différente. Laisser dépérir les anglophones et mourir indéfiniment nos soldats est une faute.

Dans ce chantier, le positionnement politique et les choix stratégiques des forces du progrès au Cameroun ne sera plus jamais anodin. Le Cameroun, face à ces défis, mérite mieux qu’un vieux despote de 86 ans ayant un bilan désastreux.

Telle semble être à mon sens, l’indispensable opération-lucidité qui permettra de secouer l’apathie générale de ce peuple dont le génie est anesthésié depuis 50 ans et lui redonner espoir.

                                                                                                  Maître Amédée TOUKO

                                                                                         Ancien Conseiller juridique du SDF et

                                                                                         Ancien Secrétaire Provincial SDF Ouest

 

 

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