Le dernier coup d’état militaire au Tchad et la succession dynastique qui s’en est suivie a été entériné par la France et l’Union Africaine moribonde et servile, au nom d’un consensus qui piétine la démocratie. Cet acte anticonstitutionnel a ouvert une boite de pandore qui ne se refermera pas de sitôt et qui va faire des émules.
Nous devrions cependant être plus indulgent avec l’Union africaine. En effet, cette jeune fille est courtisée par les grandes puissances et gérée par des dictateurs pris en otage par leurs maîtres occidentaux. Elle va recouvrer sa souveraineté avec le temps. L’Afrique souveraine est en chantier.
Le silence de la communauté européenne, ajouté à celui des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine confirme l’indifférence, voire la complicité des grandes puissances qui n’ont des yeux que pour les richesses minières de l’Afrique
Pourquoi faut-il donc s’émouvoir quand un jeune officier malien remet en cause « la transition démocratique » imposée par les fringants présidents de l’Afrique de l’Ouest dont la légitimité est douteuse ? Le Mali n’avait pas besoin d’un nouveau coup d’Etat. Les enjeux sont énormes au niveau de la sécurité, de la santé et de la survie tout court. C’est un pays au bord de l’asphyxie et de l’explosion sociale qui subit, malgré lui, les intrusions, depuis l’indépendance, des convoitises non avouées des puissances exogènes.
Une chose est certaine : la complicité de la France et de l’Union africaine a donné un bol d’oxygène aux jeunes loups maliens qui en sont à leur deuxième coup d’Etat. L’indulgence et la complaisance de la communauté internationale à l’égard du Tchad ont encouragé les jeunes officiers maliens.
La France, en soutenant la transition dynastique au Tchad, porte la responsabilité du chaos en cours. La lutte contre le djihadisme ne connaîtra pas de répit face à des pouvoirs chancelants et illégitimes. Emmanuel Macron a menacé de sanctions sévères les officiers maliens auteurs du coup d’Etat. Qu’est-ce qui justifie cette attitude arbitraire alors qu’au Tchad, il a apporté son « expertise » à un groupuscule d’assassins ? Pourquoi condamner les jeunes officiers maliens et cautionner ceux du Tchad ?
Le rôle ambigu de la France ne devrait pas surprendre les plus avertis. Dans les deux cas, Paris a été surpris. Son rôle de gendarme vieillissant a pris de nouvelles rides. La France n’est plus qualifiée pour choisir à son gout, les présidents en Afrique francophone où l’esprit de liberté et de résilience a le vent en poupe.
Un mauvais signal pour la démocratie
Les coups d’Etat successifs de deux pays harcelés par les djihadistes est un mauvais signal pour la démocratie en Afrique. Les militaires se sentent pousser des ailes. A cette allure, quel pays sera la prochaine victime ?
Les récentes élections en Afrique francophone ont vu des présidents piétiner leurs constitutions pour confisquer le pouvoir. Parmi eux, des « chantres de la démocratie » cités en exemples dans les capitales occidentales : Alpha Condé, Alassane Ouattara, Paul Biya, Denis Sassou Nguesso, etc. Aucun son de cloche n’est venu remettre en cause l’élection des présidents à vie qui règnent et qui passeront la main à une dynastie d’avance choisie. Triste spectacle, me direz-vous. Mais ces hommes sont considérés comme une caution de stabilisation de l’équilibre pour piller sans vergogne les richesses naturelles de l’Afrique en créant une pauvreté qui vident le continent de ses enfants.
Pour résorber le problème du chômage endémique en cours, l’émigration des forces vives représentées par la jeunesse est devenue la seule solution inavouée des régimes africains.
La pandémie en cours, bien moins grave que prévue, vient s’ajouter à la longue liste des freins au développement qui minent l’Afrique. D’où la question récurrente : L’Afrique est-elle maudite ? Non ! L’Afrique est victime de ses propres enfants irresponsables qui pillent sans vergogne ses richesses avec la complicité implicite et explicite de l’Occident et d’un nouveau venu, la Chine.
Ce triste constat alarmant va-t-il durer ? Je ne le crois pas. La jeunesse résiliente est éveillée. Elle est décidée à bousculer les codes en vigueur. Car, ne l’oublions pas, l’Afrique est un continent aux plaies à vif par l’esclavage, la colonisation et le néocolonialisme.
Une réaction malheureuse
Emmanuel Macron a sèchement condamné le coup de force des jeunes officiers au Mali. Dans une déclaration, il a signalé que l’Union européenne imposerait des sanctions aux personnes qui, au Mali, sont à l’origine de l’arrestation du président et du premier ministre par intérim.
Pourquoi les réactions aux événements survenus au Mali sont-elles plus véhémentes que lors de la succession dynastique au Tchad ? Tout simplement parce que la Mali est aujourd’hui hors contrôle. Et cette situation ne plait pas aux maîtres séculaires.
Autre surprise de taille : le silence d’Alassane Ouattara. Il n’est pas, cette fois-ci, aux premières loges. Les temps changent. Les hommes aussi.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant