Le sommet France-Afrique de Montpellier a été accueilli en Afrique et par la diaspora comme un exutoire qui permettrait enfin un dialogue franc dans la relation ambiguë entre la France et ses anciennes colonies. Pour la première fois, l’assistance était différente. Elle réunissait les membres de la diaspora, les intellectuels et la société civile africaine. Un véritable show hollywoodien où les acteurs triés s’exprimaient sans filtre.
Cette rencontre me rappelle celle de la Baule. La seule différence majeure est que les invités étaient les chefs d’états africains qui venaient prendre leurs consignes habituelles pour la gestion des biens et des personnes à leurs charges.
A la Baule, François Mitterrand avait tenu un discours qui marquait une « rupture » dans la relation tant décriée entre la France et ses anciennes colonies en ces termes : « La France n’a pas à dicter je ne sais quelle loi constitutionnelle qui s’imposerait de facto à l’ensemble de peuples qui ont leur propre conscience et leur propre histoire et qui doivent savoir comment se diriger vers le principe universel qu’est la démocratie… ».
Mitterrand avait alors évoqué la chute du mur de Berlin. Il invitait les pays africains à adopter des réformes démocratiques et à suivre ce mouvement. Le président français établissait un lien direct entre démocratie et développement. Il avait aussi promis aux chefs d’états africains une contribution de la France qui sera liée aux efforts accomplis vers plus de liberté.
Nous savons depuis que ces engagements n’ont jamais été tenus. Dans ce contexte, faut-il accorder un crédit particulier à Emmanuel Macron qui promet un fonds d’innovation pour la démocratie de 30 millions d’euros répartis sur trois ans ?
Le travail d’Achille Mbembé est remarquable. Il ne s’est pas renié et il a proposé un projet de 13 propositions. Ce n’est qu’une étape. Ce projet devrait être complété au cours d’autres sommets afro-africains en toute liberté. Pour atteindre ces objectifs, l’Afrique devrait elle-même financer ses projets pour s’émanciper de la tutelle française. Tout projet financé par la France nous rend redevable. Ce n’est pas le but recherché car l’Afrique doit être maîtresse de son calendrier et de son destin.
La jeunesse africaine, dans sa crédulité, ne peut s’accrocher aux promesses d’Emmanuel Macron qui a le privilège de l’âge d’une génération qui veut bousculer les codes en vigueur. Mais je doute de la sincérité d’un homme qui est resté silencieux quand les présidents de Guinée et de la Côte d’Ivoire ont violé leurs constitutions pour un unième mandat présidentiel. Je doute de la rupture des politiques en cours du quinquennat d’Emmanuel macron.
Les exemples ne manquent pas de douter d’un homme dont les agissements sont contraires à ses promesses de rupture des politiques qui continuent à maintenir l’Afrique dans la pauvreté et la dépendance. Mais l’ombre de la françafrique rode toujours. Cette nébuleuse doit être dénoncée comme une organisation terroriste à laquelle s’ajoutent aujourd’hui les multinationales.
Le voyage d’Emmanuel Macron au Tchad où il a installé le fils de Déby assassiné nous confirme que la France n’est jamais sortie de sa posture. L’enthousiasme soulevé pour la conférence de Montpellier n’est qu’un nouvel épisode pour calmer l’Afrique francophone au moment où la politique de la France subit des revers au Mali et en République Centrafricaine.
Depuis les indépendances étriquées de leurs anciennes colonies, tous les présidents français, sans exception, se sont assis sur leurs promesses dans une dimension individuelle ou collective de liberté. Le sommet de Montpellier est sans doute un marqueur sur le quinquennat d’Emmanuel Macron. Mais il ne mettra pas fin à la relation incestueuse entre la France et ses anciennes colonies. Cette démarche consiste juste à calmer les esprits qui se chauffent dans un continent où la jeunesse se réveille et revendique sa liberté à décider de son avenir.
Certes, le sommet de Montpellier est d’un autre genre. Il a permis aux jeunes de s’exprimer sans filtre. Cette dynamique devrait se poursuivre et permettre à la jeunesse résiliente de se connaitre, de se rencontrer plus souvent et de penser à une autre Afrique débarrassée du complexe colonial encore bien ancré dans les cervelles des dictateurs africains en exercice et des prétendus intellectuels de salon.
Cette jeunesse a saisi l’occasion de s’exprimer hors de ses frontières où la dictature est plus que jamais appliquée. Elle a enthousiasmé tous les participants par leur audace, leur vivacité et leur engagement. Elle détient aussi les clés pour bâtir un meilleur avenir que les aînés ont bradé pour des plaisirs de pacotilles, l’irresponsabilité et les égoïsmes. Nous pouvons cependant regretter l’absence de certains activistes de notoriété et d’une partie de la société civile qui n’ont pas été invités ainsi que plusieurs médias de la diaspora. C’est un tort car eux aussi souhaitaient exprimer leurs différences sur les sujets brûlants tels que la mauvaise gouvernance, le franc CFA, les bases militaires en Afrique et bien entendu, de nouveaux dirigeants libres et des élections démocratiques.
L’Afrique ne trouvera son salut qu’en comptant sur elle-même. Car, faut-il le rappeler, la liberté ne se décrète pas, elle s’arrache. N’est-il donc pas temps ?
Le sommet de Montpellier n’apportera pas de changement majeur dans la relation asymétrique de la France avec ses « anciennes colonies ». Mais un pas vient d’être franchi : celui de la vérité si longtemps étouffée.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant