La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a pris de lourdes sanctions contre les auteurs du coup d’Etat au Mali. Dans une démocratie, ces sanctions sont légitimes car un coup d’Etat est toujours anticonstitutionnel au regard du droit et de la morale. Un président démocratiquement élu doit aller au bout de son mandat et le peuple a la capacité de s’en débarrasser aux prochaines échéances électorales.
Aux sanctions de la CEDEAO viennent s’ajouter les sanctions de l’Union Européenne (UE). Cette démarche, du point de vue démocratique, est aussi justifiée. Mais concernant le Mali, elle est illégitime. Ces actions couvrent en vérité une hypocrisie généralisée des censeurs de l’ordre occidental qui formalisent la « morale » dans un monde à la recherche des équilibres partisans et inavoués.
La panoplie des sanctions qui frappent le Mali est à géométrie variable. D’un côté, le Mali est mis au banc des accusés. De l’autre côté, les présidents qui ne respectent pas leurs constitutions sont exemptés de sanctions, voire de simples rappels à l’ordre constitutionnel
La CEDEAO a été au-delà de ses textes fondateurs. Elle prive le Mali de ses ressources financières et ferment ses frontières. Ces décisions sont illégitimes et partisanes. On peut donc s’étonner de voir des organismes souverains prendre des décisions aussi précipitées et qui cachent le zèle de ceux qui s’abritent derrière ces organismes. On peut aussi y voir les mains exogènes qui redoutent la souveraineté d’une Afrique conquérante.
Il est donc juste de recadrer celles et ceux qui ont choisi la voie de la punition de tout un peuple. Le Mali a choisi les voies de la liberté et de la souveraineté. Choisir la liberté est-il un délit ?
Si l’Union Européenne et ses affidés de service avaient bonne conscience, l’Afrique jouirait de tous ses droits. Dans ces conditions, l’Union Européenne aurait condamné et sanctionné la Guinée d’Alpha Condé et la Côte d’Ivoire de Ouattara. Ces deux présidents sont illégitimes. Ils ont piétiné leur constitution pour briguer de nouveaux mandats. C’est aussi le cas du Tchad où un coup d’Etat a mis fin au règne du potentat de service. Mais quelle ne fut la surprise quand Emmanuel Macron a décidé d’introniser le successeur d’Idriss Déby en la personne de son fils ?
L’Union Européenne, en bon père fouettard, a frappé là où les intérêts de la France et de l’Union Européenne ont été remis en cause. Cette solidarité de groupe ne devrait pas surprendre. Les mauvais élèves sont sévèrement punis. Mais, qu’en est-il des violeurs de constitutions qui s’éternisent au pouvoir ?
En sanctionnant le Mali et dans une moindre mesure le Burkina Faso et la Guinée, l’ONU, la CEDEAO, l’Union Africaine et l’Union Européenne font front commun. Ils démontrent aussi au grand jour leur incapacité à apporter des réponses pérennes aux défis sécuritaires, à la démocratie et au respect des constitutions dont l’Afrique est la principale victime.
Les nouveaux dirigeants du Mali ont fait leur choix. Ils sont largement soutenus par un peuple épris de liberté. Pour ces « effrontés », la liberté est un droit absolu et irréversible.
En cautionnant les sanctions de la CEDEAO et de l’Union Européenne, la communauté internationale se discrédite. Elle renforce ce sentiment de révolte qui anime depuis toujours la jeunesse africaine.
Les organismes internationaux sont restés discrets, voire absents, chaque fois que les constitutions ont été violées par les chefs d’Etats en Afrique. Que traduit ce silence ? Une complicité explicite avec les présidents à vie. On peut se poser des questions sur ce comportement intolérable en Occident. Comment réagiraient les citoyens occidentaux face à des monarques qui bafoueraient leurs constitutions ? Il serait donc temps de respecter l’Afrique qui se bat pour revendiquer ses droits légitimes.
La liberté, nous ne pouvons la brader pour des miettes. L’Afrique exige de vraies élections. Le modèle de gouvernance en Occident sert de référence dans le monde même s’il n’est pas parfait. Nous avons le droit de l’appliquer en Afrique pour une paix juste et durable.
En sanctionnant le Mali, les relents colonialistes et négrophobes de l’Union Européenne refont surface. Ils traduisent ouvertement les choix politiques du vieux continent à l’égard de l’Afrique. Pour les européens, l’Afrique est une chose, une chasse gardée et bien gardée par les potentats locaux. Ils préservent ainsi les zones d’influences déterminées par les multinationales et les courants libertaires de la droite identitaire française très active pour appliquer à la lettre le pacte colonial toujours en vigueur.
L’Afrique ne doit rien attendre du prochain sommet Union Européenne-Union Africaine qui se déroulera du 17 au 18 février 2022. Elle doit se projeter vers de nouvelles perspectives pour sa souveraineté et sa liberté.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant