(texte)

1) Les textes de ces 3 intellectuels africains (JOMO KENYATTA, CHINUA ACHEBE et CHEIKH ANTA DIOP) ont 4 choses en commun. Saurez-vous me dire lesquelles ?

2) Les textes expriment tous les trois le résultat d’un formatage à partir d’une technique de manipulation des peuples colonisés et esclavagisés, technique mise au point aux Etat-Unis entre 1815 et 1854. Saurez vous me dire de quelle technique il s’agit ? Que s’est-il passé en 1854 et qu’on va ensuite retrouver mise en pratique aussi en Afrique ?

3) Tous ces 3 auteurs sont payés par les empires coloniaux français et britanniques pour réciter et mettre en avant, un pseudo patriotisme africain. Mais selon vous, pour quelles raisons un prédateur, un colonisateur peut-il payer ses victimes pour développer une pseudo fierté de leurs origines vraies ou fausses ?

Appuyez votre démonstration en vous servant des notions que nous avons déjà apprises dans la salle de classe virtuelle sur facebook, “ieg” de Peuple, Nation, Pays, Souveraineté et Guerre.

4) Dans le vocabulaire colonial français et britannique, Qu’est-ce que c’est qu’un “INFORMATEUR INDIGÈNE” ? Comment s’appellent les 2 institutions françaises et britanniques qui formaient ces “informateurs indigènes” durant la colonisation ?

5) Dans quelles circonstances les patrons européens de l’un de ces 3 intellectuels africains ont établi le cadre de sa collaboration professionnelle, en ces termes :

“Limitez-vous à fournir à l’administration coloniale, le travail que nous vous avons commandé”, pire, “Je ne vous demande pas de raisonner, de me donner des explications, encore moins de jugement. Vous devez vous limiter à écrire ce que vous observez sur le terrain tout simplement.”

Donner les sources et la date exacte, quand et où ces propos ont été tenus.


Devoir préparé par Jean-Paul Pougala

Samedi le 09/01/2021


LA CORRECTION :

Tous ces 3 intellectuels africains ont quelque chose en commun :

Ils sont tous formés et formatés à ne jamais s’en prendre à celui qui les prive de liberté, qu’il soit français ou anglais, selon la théorie du “Native Ethnographer” née au Etats-Unis d’Amérique au début du 19ème siècle.

Il s’agit d’une stratégie très efficace de manipulation de masse mise au point par les américains pour dompter l’hostilité des amérindiens contre ces envahisseurs venus d’Europe.

Pendant des siècles les européens arrivés en Amérique vont perpétrer de vrais génocides contre les populations autochtones. Le concept à l’époque était sans équivoque : « Coloniser, c’est Exterminer ».

Et puis au début du 19ème siècle, ils décident de changer de stratégie et d’accepter de vivre sur le même territoire que les amérindiens, à condition qu’ils renoncent à leurs terres et acceptent leur infériorité raciale.

Tout cela va se passer en plusieurs étapes closes par la dernière, celle du Native Ethnographer.

L’histoire commence en 1815. Les blancs américains proposent aux amérindiens de la tribu des Omahas un traité d’amitié. Après sa signature, les blancs vont se montrer extrêmement généreux, gentils et affables envers ces nouveaux amis. 10 ans plus tard, en 1825, ils vont signer un deuxième traité d’amitié, suivi encore de nouveaux cadeaux. Tout ceci sert à faire disparaître toute méfiance des Omahas vis-à-vis des blancs.

Et ce n’est que 15 après la signature du premier traité d’amitié qu’en 1830, les blancs se trouvant pour la plupart devant les successeurs des anciens chefs qui sont morts en disant à leurs enfants que le blanc est gentil et qu’il est un ami sincère qu’ils vont finalement dire ce qu’ils attendaient véritablement de cette amitié : la cession de leurs terres.

Ainsi, dès 1830 sont signés les premiers actes de cessation de terres dans l’Iowa. Et en 1838, la cession d’autres territoires dans le Missouri.

En 1854, c’est le coup de grâce.

L’agent fédéral, James M. Gatewood demande aux Omahas de choisir sept chefs pour l’accompagner à Washington et négocier la cession de tout ce qui leur reste de terre, au gouvernement américain. Les Omahas sont conduits par le chef : Joseph LaFlesche dit : Iron Eye.

Ils sont obligés de céder l’équivalent de 6 000 000 acres (soir 2 400 000 ha) et en échange, le gouvernement leur remet une enveloppe contenant la somme de 25 000 dollars. Ca veut dire que le gouvernement les a obligés à vendre leurs terres à 5 F CFA l’hectare.

C’est le début du confinement de la tribu dans une sorte de Bantoustan, appelé la « réserve Omaha » et se situe dans l’État du Nebraska, et quelques parcelles dans l’Etat de l’Iowa, sur une superficie de 120.000 hectares.

Mais le drame n’est pas terminé pour cette tribu qui croyait se contenter pour l’éternité de 120.000 hectares.

En effet, 33 ans après, le 8 février 1887 le Congrès des Etats-Unis vote le « Dawes Act », ou le « General Allotment Act », pour créer une reforme foncière au sujet des terres des Amérindiens. Le porteur du projet est le sénateur du Massachusetts Henry L. Dawes, qui donnera son nom à la loi qui consiste à diviser le Territoire Amérindien non plus en lotissements collectifs, mais en lots individuels.

Il s’agissait en fait d’un stratagème pour les déposséder de ce qui leur restait, puisqu’en rendant les lots individuels, les amérindiens partis travailler en ville, avec les nouvelles dépenses de citadins, seraient tentés de vendre leurs parts de parcelles de la réserve aux plus offrants, c’est-à-dire aux blancs. Cette nouvelle division va créer en 1907, l’Etat de l’Oklahoma.

Et c’est après cette dernière humiliation que pour neutraliser les possibles réactions guerrières des victimes qu’on va créer la figure du « Native Ethnographer ». Et pour trouver le premier, ils n’iront pas le chercher très loin. Puisqu’on va prendre le propre fils du chef Joseph LaFlesche contraint de céder toutes les terres de la tribu aux Etats-Unis. Son fils s’appelle : Francis La Flesche.

Il deviendra ainsi le premier « Native Ethnographer » américain.

Francis La Flesche, amérindien Iroquois, est né le 25 décembre 1857 et mort le 5 septembre 1932. Il est diplômé de la George Washington University Law School à Washington, et a travaillé pendant 40 comme membre du Bureau Américain d’Ethnologie.

Tout le travail du «Native Ethnographer », va donc consister à amener quelqu’un qui n’aime pas votre présence à devenir votre esclave et surtout, content de le devenir. Pour y parvenir, il fallait d’abord bien situer le problème :

Contrairement aux esclaves Noirs venus d’Afrique, les Amérindiens étaient sur leurs terres qu’ils venaient de perdre, pas dans une guerre, mais dans des opérations de fourberies de l’Etat américain. Et donc, pas facile de les combattre chez eux.

On est ainsi arrivé à la conclusion qu’ils étaient hostiles aux européens parce qu’ils ne parlaient pas le même langage, ils n’avaient pas les mêmes standards d’évaluation et d’appréciation. Ils n’avaient pas les mêmes humeurs, encore moins les mêmes normes, les mêmes codes, les mêmes modèles, les mêmes préceptes.

Pour résoudre ce problème avec ces « Native » ou « indigènes » en Afrique, il suffisait de leur créer un faux passé glorieux, de magnifier tous leurs rituels, de glorifier leurs ancêtres, d’idéaliser leurs modes de vie, d’encenser leurs coutumes, d’aduler leur passé, rempli des artifices et de mythes savamment inventés pour créer une chose que les peuples non-européens ne connaissent pas : la fierté d’appartenir à une communauté, à une terre, à une race.

Les européens ont développé le nationalisme, parce que le concept de la Nation est lié à la défense d’une terre, d’un territoire à travers une guerre.

Et le territoire est par définition limité, circonscrit avec des frontières qu’il faut donc défendre.

Or les amérindiens étaient des peuples qui vivaient sur de très larges étendues de terres sans limites et donc, sans le besoin de mener la moindre guerre pour la défendre. Et dans cette situation, point besoin de se dire fier ou non de sa terre ou de sa tribu.

On va donc inventer la figure du « Native Ethnographer », c’est-à-dire choisir les enfants des chefs tribu, qu’on va former, formater à la fierté tribale.

Mais il faut qu’ils apprennent à lire et écrire grâce à une confrérie chrétienne qui va au passage leur enseigner à découvrir la figure d’un Sauveur pour leur communauté : Jesus. Et ce sera à eux, non plus de servir d’espion au service des colons comme on le faisait avant, mais de : « passer d’Informateurs à Auteurs ».

Il faut que le nouveau « Native Ethnographer » étudie lui-même son peuple, en fournissant tous les détails sur tout ce qui se fait dans la tribu. Ensuite on va l’aider à magnifier son récit pour en inventer la fierté tribale.

Jean-Paul Pougala

Jeudi le 14/11/2024

(Extrait de la leçon n° 1817 supprimée hier 13/11/2024 par Fake Book)

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