Lorsque je suis sorti du ventre de ma mère, le 08 janvier 1976, intacte, à la stupéfaction générale, le premier homme que j’avais déconcerté et énervé, c’était mon père. Le bonhomme était surpris que je sois en vie et bien portant, de surcroît. C’est parce qu’au cours des premières semaines de la grossesse, il avait essayé de faire avorter ma mère. Il avait fait ingurgiter, à la pauvre créature de Dieu, sa dévote épouse, des décoctions des Blancs, qui devaient me déloger (me chasser du ventre sa femme, comme si c’était son ventre !!!). Cette pauvre femme but, sans conviction, des comprimés tueurs ; elle se fit même injecter, en vain : le malaise ne partait pas ! Elle ressentait toujours, en elle, cette septième grossesse persistante, la dernière, qui fut également la plus prometteuse… D’où le surnom que la fratrie me donna, à la naissance : « Monti » (en Eton, ça veut dire, le Messie, le Noble).
Du confort des entrailles de cette ménagère, cette cultivatrice soumise à un mari au tempérament indiscernable (le gars était aussi bon de nature qu’exécrable de caractère, doux de cœur et intraitable devant les injustices), où j’avais déjà fait mes quartiers, je disais, à ce géniteur désemparé, décidé de me tuer avant d’être même né : « tu perds ton temps, petit-frère : j’étais, avant que d’être conçu ! Je ne quitte pas mon château, avant le temps réglementaire et les formalités réglementaires de neuf mois ! »
C’est la même assurance prophétique que j’avais opposée, à Ayissi Lucien, Aurélien Sosso, au petit Patrick Abane Engolo, à Jacques Fame Ndongo, en 2016, lorsqu’ils décidèrent de me chasser de l’Université de Yaoundé I, avec la complicité de Jean-Emmanuel Pondi, qui fit un mauvais rapport contre moi, à dessein. Ils se pourvurent même en cassation, à la Cour suprême, après que j’eus gagné le match aller, au Tribunal administratif de Yaoundé. Finalement, je les avais terrassés.
Il y en a qui s’imaginent que j’ai des soutiens au sein du gouvernement : « Assurément, ce gars a des soutien haut dans l’administration, sinon il ne parlerait pas ainsi ». Détrompez-vous, je n’ai personne ! Il faut se sentir immortel, pour travailler en faveur de la liberté et la justice. Et puis, qui vous dit que, eux-mêmes, ils n’ont pas le goût, lorsqu’ils me lisent ? Dans tous les cas, j’évite d’avoir quelque attache que ce soit avec les membres de ce régime, parce qu’ils sont sans conviction, « sans confiance ». Ils ont attrapé le virus de la dépersonnalisation : ce sont, désormais, de piètres évangélistes d’une terreur sans visage.
Lorsque j’ai informé les lecteurs de mon intention de répondre au « Salaud », nombreux parmi eux ont été pris de dégoût, une répulsion légitime, à juste titre, puisqu’ils s’imaginent, à tort, que je vais insulter quelqu’un. Ils pensent que je suis irrévérencieux ; que je ne respecte pas les aînés ; que la sagesse du village commande de relever le « vieux » qu’on a défait ou humilié, même si l’on a raison.
Je vous rassure : je traite des qualités d’un aîné : il est un fumiste, un farfelu, très susceptible, un rancunier, un méchant.
Il y en a même qui ont parlé de parricide. Il n’en est rien. Je suis académiquement incréé. Marcien Towa, ce Dragon de Komodo, membre de la famille des varanidés, la plus grande espèce de lézard qui peuple l’Australie, et qui mesure entre deux et trois mètres, pour un poids total de 70 kilogrammes, n’avait pas réussi à faire naître ce lézard cannibale que je suis de son vivant (puisque je mange les gens de ma famille sociologique). Ma génitrice me créa in abstracto (en esprit). Ce penseur, par la force de la parthénogenèse (la capacité d’une femelle de (re)produire une descendance en l’absence du mâle, grâce à ses deux gonosomes WZ), lassé de voir éclore l’œuf insondable que je demeurais, se résolut à quitter la scène, sans crier gare. Ayant échappé à la couveuse des conventions de la génération universitaire classique, j’ai échappé au contrôle des imposteurs.
Mais n’allons pas vite en besogne, recommençons où l’on devait commencer, car il y a des épisodes que le lecteur a manqués. D’abord, pourquoi je parle de « salaud » ?
I- Le concept de salaud
En philosophie, lorsque l’on parle de salaud, on fait référence à une catégorie morale, une qualité anthropologique. C’est Jean-Paul Sartre qui a systématisé cette notion. Le salaud est un individu imbu de lui-même et des distinctions qu’il a reçues ; et qui, par sa vanité, s’érige en « chef » ayant la prétention de décider du sort de ceux qui ne seraient pas « élus » de naissance. Autrement dit, l’homme mûr qui s’achemine avec courage vers son déclin et qui soigne sa mise parce qu’il ne veut pas se laisser aller. Francis Jeanson, un spécialiste de Sartre, précise que les salauds sont « ceux qui se sont arrangés pour mettre le bien et le droit de leur côté, ceux dont l’existence est d’emblée fondée et justifiée – finissent-ils par former les autres à se sentir de trop dans ce monde, à n’y avoir aucun droit, à s’y trouver seulement tolérés, dans la mesure où ils y sont utilisables ». Et Sartre explique que le salaud, c’est celui « qui fuit la contingence pour la sécurité d’un sentiment de nécessité, bref […] qui préfère, à la liberté, quelque forme de déterminisme que ce soit, y compris celui de la force . » En d’autres termes, le salaud ressent la nausée comme un devoir, celui d’engager à une réprobation abstraite, c’est-à-dire du bout des lèvres ou du stylo.
En fait, lorsqu’un philosophe dit de vous que vous êtes un salaud, il veut vous expliquer que, non seulement vous ne pensez pas avec la droite raison (le bon sens qui ne tergiverse pas), mais aussi que vos actions et votre comportement sont dominés par la mauvaise foi.
II- Les accusations du Salaud à mon égard
Ce matin, ce genre de personnages, non redoutables, a griffonné quelques légèretés sur du papier. Il croyait lancer contre moi un assaut décisif, mais l’arme critique s’est grippée. Ne maîtrisant pas l’art de la polémique, habitué aux intrigues de dessous de ceinture, l’infortuné, accablé de remords refoulés, s’est permis de s’ériger en donneur de leçons d’éthique comportementale, alors qu’il n’est même pas capable de retenir ses pulsions grégaires, qui sautent aux yeux de tous ceux qui l’ont côtoyé.
Aujourd’hui, je ne vais pas prêcher beaucoup. Au cours de cette brève cérémonie d’exorcisation critique, et en ligne, je vais tâcher de délivrer le salaud. J’avoue que, quand je l’ai lu, j’ai cru entendre Famé Ndongo. Je ressentais le même vide de convictions, le même désert de vertu et de compétences, la même désarticulation entre le dire, le faire et l’entreprendre. Famé Ndongo, au moins, a l’excuse d’être spécialiste de rien. Car, connaître la grammaire, passer pour l’ingénieur du style, c’est la même chose : c’est revendiquer d’être de trop dans la société des hommes normaux.
Toi, tu n’as pas cette excuse. Tu es coupable de haute trahison. Car, uu bafoues le prestige et l’exception attachés aux fonctions historiques consacrées du philosophe.
Dans ton texte, tu joues le rôle de contradicteur. Tu dis, contre moi, quatre choses principales :
1- Le grand philosophe, l’accoucheur des idées, le géniteur des plus hautes valeurs, théorise le tribalisme : « Comment peut-il convoquer les Bamiléké qui se sont farouchement opposés à son recrutement en m’accusant de népotisme ? » Voilà une singulière preuve de ton tribalisme viscéral. Donc, si Émile Kenmogne s’allie à Ébénézer Njoh-Mouellé pour me barrer la route du recrutement, je dois m’en prendre à tous les Bamiléké ? Les Bamiléké viennent chercher quoi dans vos intrigues de parvenus ? Quelle étroitesse d’esprit !
2- Le bonhomme m’accuse ensuite d’ingratitude et croit convaincre les lecteurs que pour mon recrutement à l’université de Yaoundé I, il « pris le risque administratif et académique » de me faire recruter, comme si une seule personne décidait du recrutement dans une université normale (en principe, ça se fait en conseil de département).
3- Le philosophe de l’étourdissement assure, par ailleurs, m’avoir surpris « émargeant dans le budget idéologique du populisme » et que, à cause de cela, précisément, je « donne la preuve que (ma) place n’est pas à l’université », qui demeure élitiste, c’est-à-dire le domaine des tireurs d’élite tribalistes. En fait, il attire l’attention des services secrets sur mes fréquentations, comme si tout le monde était facilement corruptible, comme lui…
4- Il revient, surtout, sur les « questions administrativement et académiquement bien documentées, plaintes d’étudiantes », pour parler de l’accusation de « harcèlement sexuel ». (Je réserve les détails croustillants du montage qu’il avait orchestré avec Élise Ngo Hagbe, la fille de l’École normale que tu avais manipulée, contre moi, dans ma prochaine sortie, après ta réaction…).
Quant à la vérité, dont tu dis qu’elle « va survivre à toutes les mascarades », il n’en est pas convaincu lui-même ? Car, dans une grande confusion, il parle du « syndrome d’Astérix », du « complexe d’Œdipe », en sous-entendant, que je veux te tuer, toi, mon supposé père, pour hériter de ta femme, la philosophie, dont tu crois détenir les droits exclusifs, pour t’être autoproclamé le « philosophe le plus gradé de ta génération, enfin d’« accéder à la jouissance des créances aphrodisiaques » dont mère pensée philosophique est porteuse.
Un temps, tu me confiais que Njoh-Mouellé, ton maître, est un salaud. J’ai découvert que cet idéologue avenant, aussi réactionnaire que policé, est un Saint, à comparer à toi, qui allies mauvaise foi, haine et malchance.
III- Les questions au Salaud, doctrinaire du déraisonnement
La question principale que nous sommes en droit de te poser, après cette rhétorique enflammée, est la suivante : comptes-tu justifier, scientifiquement, la bêtise que tu commis en 2016 ? Espères-tu faire oublier tes errements sadiques en débitant toute les littératures de la frivolité ?
Maintenant, toi, le Salaud, tu rêves de me castrer philosophiquement, puisque tu as été émasculé administrativement pour avoir échoué à m’éventrer totalement, à me « chasser de l’université », ainsi qu’il s’était juré de faire en 2016.
Mais soyons honnête : oui, c’est vrai, le méchant m’ouvrit sa bibliothèque privée, et je m’y abreuvai sans retenue, faisant fi de l’origine suspecte de livres qui tombaient sous ma main… n’est-ce pas Francis Bebey avait dit que, d’où qu’il vienne, des Enfers ou du Paradis, un enfant est un enfant ?
Par certains côtés, tu retrouves la raison, par exemple lorsque tu expliques que l’université a été intégrée dans les sectes et dans des clubs de sodomie : « Certaines universités pourtant surpeuplées de savants sont malheureusement dirigées par des personnes de visibilité scientifique très restreinte », écrit-il. Ah bon hein !!! Donc, quand Aurélien Sosso t’avais fait nommer Doyen, Chef de département de philosophie, Président de l’école doctorale (du jamais vu dans l’histoire récente de notre université), et que toi-même tu t’es mis Directeur de la plupart des thèses de doctorat de philosophie, Président de tous les jurys de soutenances de Thèses de doctorat, dans tous les départements, c’était toujours à cause du fait des « personnes de visibilité scientifique très restreinte » ? C’est Sosso qui faisait ça hein ?
Mais, tiens : quand on t’avait nommé, tu avais offert « le derrière », à Sosso, ou bien c’était à crédit ?
Quand vous faisiez les plans pour me neutraliser, Sosso ne te forçait pas à être Rosicrucien ? Quand tu dînais avec le Diable, tu ne savais pas que sa compagnie était un sortilège meurtrier ? Quelle imposture ! Quelle absence de jugement !
Petit-frère en discernement,
Ta philosophie même que tu revendiques-là, tout haut, te sert-elle finalement à quoi, sinon à traquer ta propre lucidité ?
Maintenant tu dis que Sosso me monte, que tel ministre est derrière moi, tu crois que si c’était le cas les services spécialisés ne le sauraient pas ?
Sache donc que vous tous, toi, Famé Ndongo, Aurélien Sosso, vous occupez le même podium de détestation dans mon cœur. Le dernier a l’avantage de ne plus m’énerver quand je veux penser librement. Il sait que, tant qu’il sera Recteur à l’Université de Yaoundé I, nous ne serons jamais « proches », que « ça » peut déclencher et recommencer à tout moment…
Mon Petit,
Tu croyais que tu étais l’auteur de ta vie, le démiurge (le créateur) de tes promotions, le fabriquant de tes succès imaginaires ?
Ce qui est certain, c’est que tu manques de la maturité de discernement qui fait le philosophe accompli. Tu ne réalisais pas, dans tes échappés dans le vice, dans ton aveuglément à me tuer professionnellement, que je perdais des membres de ma famille dans tes turpitudes, puisque j’étais incapable d’acheter leurs médicaments. Ce que tu ne devinais pas, c’est que je devenais, de fait, un mauvais père et un mari problématique, puisque je n’assumais plus mes devoirs de géniteur et d’époux. Comprends-tu que ton obstination saugrenue et des espiègleries villageoises ont conduit l’État (le MINESUP) dans la boue ?
Quel malheur vivant !
Fridolin NKE
Expert en discernement