Nous vivons dans un monde où la parole est libérée. Nous ne pouvons que nous en réjouir. C’est ce qui différencie les grandes démocraties des autocraties. Mais la liberté de parole n’étant pas encadrée, la loi reste évasive sur le discours abject de ceux qui sont toujours convaincus que la peau blanche est un gage de supériorité et de domination. Le magazine « Valeur Actuelle » nous en donne la preuve en publiant une caricature de la députée Danièle Obono de La France insoumise en esclave enchaînée.
Cette caricature n’est que la face cachée d’un négationnisme nostalgique. Pourquoi le discours libéré d’une certaine France est-il abject ? Si je me tiens à la définition de ce terme, l’abjection signifie littéralement l’état de rejet qui a été exploré dans le post-structuralisme comme celui qui perturbe intrinsèquement l’identité et les concepts culturels conventionnels. De ce point de vue, nous pouvons déduire que le magazine Valeur Actuelle, qui n’est pas à son premier forfait, ne reconnait pas la qualité de citoyen aux noirs.
Cette catégorie de « citoyen » ne peut se consoler qu’avec le lot de condescendance qui anime les bien-pensants qui condamnent à mots feutrés une caricature d’esclave enchainée qui siège à l’Assemblée Nationale française. Cette caricature est humiliante et indigne car le racisme est un délit. Nous devons refuser sa banalisation.
Dans la France qui se prévaut d’être la patrie des droits de l’homme blanc, nous n’en sommes pas à un premier essai. De triste mémoire, nous ne pouvons oublier que Christiane Taubira, alors Ministre de la Justice de la République, a été présentée en guenon par une dame du parti très populaire du Rassemblement National.
Une insulte aussi nocive aurait interpellé l’État et son plus haut gradé. Nous n’avons eu droit qu’à des fragments timides de compassions.
L’horreur, pour la différencier à l’erreur d’appréciation, n’a engendré aucun mouvement populaire. Le racisme aveugle et puant dans notre société est durablement installé. L’émotion populaire est grande dans l’hexagone quand les images barbares des policiers blancs abattent comme des lapins les noirs dans le pays de l’oncle Tom.
En guise d’actions, les organes de presse et la radio tournent en boucles ces images insupportables. Il est donc plus facile de condamner l’Amérique. Mais ne faut-il pas d’abord balayer devant notre porte ?
L’indignation sélective qui a accompagné la caricature humiliante de Danièle Obono ne saurait cacher la place du discours infecte et racialisé qui devient banal dans certains médias français où des chroniqueurs spécialisés se livrent et se lâchent sans retenue, à diaboliser les minorités. Humilier un parlementaire, c’est humilier la République et les millions d’électeurs qui ont conduit Danièle Obono à les représenter à l’Assemblée Nationale dans une France multicolore.
Le magazine « Valeur Actuelle » fait ici une apologie du racisme. Cet organe de presse devra assumer sa responsabilité devant la loi car il s’inscrit, et ce n’est pas nouveau, au rang indigne des fossoyeurs de la dignité humaine. Les pouvoirs publics ne sauraient ignorer ou se soustraire à leurs obligations. Ce journal a des comptes à rendre pour ne pas vulgariser dans les médias un discours haineux, méprisant et intolérable.
La condescendance comme d’habitude
Le monde politique, comme à l’accoutumée, déplore cet acte ignoble. Mais quelles actions sont mises en place pour prévenir ces « dérapages » ? La classe politique n’est-elle pas une complice implicite des fossoyeurs des droits des minorités ? Il ne nous reste plus que le flot de condescendances qui illustre si bien la part réservée aux damnés de la terre.
Sur BFMTV, Tugdual Denis, directeur adjoint de la rédaction de Valeurs actuelles a fait amande honorable. Il est désolé d’avoir blessé Danièle Obono. Ses excuses sont déconcertantes et insultantes. Sur le plateau de télévision, il réalise qu’il a pu choquer par la violence des images de son journal. Pitoyable !
Monsieur Tugdual Denis est-il honnête ? J’en doute. A-t-il seulement supervisé l’article incriminé avant sa publication ? Si ce n’est pas le cas, il n’est pas à la bonne place.
Le parquet de Paris vient d’ouvrir une enquête après la vague de condamnations suscitées par la caricature de Danièle Obono en esclave dans le magazine « Valeurs actuelles ». Nous n’attendons aucune suite à cette démarche qui, somme toute, n’aboutira jamais. Nous devons continuer notre combat pour une communauté marginalisée et méprisée.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste