Le monde a connu trois révolutions qui ont permis à l’Occident de poursuivre son expansion vers de nouvelles contrées : Les lumières par la France, la révolution industrielle en Grande-Bretagne au dix-neuvième siècle et les Etats-Unis au vingtième siècle dont le modèle développement a bousculé toute la planète.
Mais toutes ces évolutions ne sauraient nous faire oublier le lourd passif de ces pays qui ont profité de l’esclavage, de la traite humaine et du pillage systématique des richesses des pays pauvres pour arriver à leurs fins. L’Afrique a été la principale victime de cette « civilisation » à la hussarde.
Fort de sa puissance de feu, industrielle et économique, l’Occident n’a pas vu venir les pays émergents qui bousculent l’ordre international. Ainsi, l’Inde, la Chine et la Russie ont repensé, sans bruit, un nouvel ordre mondial. Ces pays ont repensé un nouvel imaginaire politique et civilisationnel.
C’est dans ce contexte que le président français, Emmanuel Macron, véritable VRP de l’Occident effectue, au pas de charge, « une tournée en Afrique » dans des Etats qui ne sont pas des modèles de démocratie. Les raisons sont d’avance connues : il faut donner une nouvelle orientation à l’hégémonie occidentale qui s’essouffle et freiner l’expansion de la Russie et de la Chine en Afrique.
Emmanuel Macron, Président de la République française a choisi trois pays (Le Cameroun, le Bénin et la Guinée Bissau). Ce qui n’a rien d’anodin quand on sait l’attachement de la France à ses anciennes colonies où elle puise, à vil prix et sous le couvert des accords coloniaux, toutes ses ressources pour dynamiser son industrie et ses finances à travers la monnaie coloniale, le franc CFA.
Cette visite marque aussi la fin de l’hégémonie occidentale dans le monde et plus particulièrement en Afrique où elle est devenue, depuis une décennie, insupportable pour la jeunesse.
Nous entrons dans ce nouvel ordre civilisationnel où l’Afrique est courtisée. Depuis le début de la décennie, les pays africains ont noué de nouveaux partenariats avec des pays jusqu’ici méprisés ou ignorés par les grandes puissances militaires et économiques. Ces nouveaux partenariats devraient aussi nous interroger. Multiplier des partenariats pour une relation gagnant-gagnant, oui. Si ce n’est pas le cas, l’Afrique sera toujours la grande perdante. Est-ce sincèrement le but que nous recherchons ?
Dans sa prétendue nouvelle relation avec l’Afrique, le sommet de Montpellier n’a pas laissé une trace qui marquera l’histoire. Le cadre n’avait rien d’idyllique. Nous avons eu droit à des personnages bien choisis malgré quelques observations pertinentes.
Au Cameroun où la France traine un lourd passif d’une guerre toujours auscultée malgré des centaines de morts, Emmanuel Macron va rencontrer Paul Biya. Un président au pouvoir depuis une quarantaine d’années. Un homme usé de 89 ans. En Occident, on l’appellerait un grabataire. Mais ce vocabulaire n’est pas toléré sous les tropiques. Que vont-ils se dire ? Sera-t-il question de sa succession ?
Emmanuel Macron se prête lui aussi au jeu de ses prédécesseurs. Il a intronisé au Tchad le fils Déby. En serait-il de même au Cameroun ? L’avenir nous le dira car la France et l’Occident ne vont jamais tolérer le développement de l’Afrique qui est pour eux un réservoir de matières premières bon marché. Nous ne devons donc rien attendre du voyage d’Emmanuel Macron en Afrique. Connaissez-vous des pays qui se sont développés grâce à ses « partenaires » ? Il vient renforcer les entreprises françaises qui perdent du terrain en Afrique, une cause qui affaiblit la balance du commerce extérieur de la France volubile.
Le discours d’Emmanuel Macron à Yaoundé est immuable. Il s’inspire de celui de ses prédécesseurs où la condescendance habituelle ne surprend plus. Il vient dénoncer « l’hypocrisie des africains » qui ont refusé de s’aligner derrière l’Occident, lors du vote aux Nations Unies, pour condamner l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Ce discours est une fois de plus infantilisant.
L’Afrique doit exister par elle-même. Elle doit choisir librement son destin car sa jeunesse est bien préparée pour le nouvel ordre civilisationnel.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant