Le monde selon l’Occident
L’actualité de notre planète a été dominée cet été par le retrait des forces de l’Otan en Afghanistan. Les Etats-Unis, acteur majeur de cette tragédie, ont été accusés, à tort ou à raison, d’abandonner un pays après 20 ans de guerre de pacification. D’autres événements, non moins tristes, ont aussi secoué notre planète terre. Des vagues de chaleur, des pluies torrentielles et des ouragans ont provoqué des dégâts matériels et humains. Des guerres oubliées et lointaines ne représentant aucun intérêt et la famine qui se profile au Soudan du Sud, ont complété une actualité morose.
Dans ce lot de de calamités, nous n’avons pas eu de répit. La pandémie est toujours là. Les vaccins dont l’efficacité n’est pas garantie à cent pour cent ne sont toujours pas accessibles aux pays pauvres. Les économies continuent à baver dans les pays pauvres. Les pays riches affichent sans complexe, des taux prévisionnels de croissance élevée alors que la reprise se fait toujours attendre. Voila le monde, tel qu’il se dessine. Pour les uns, il est beau. Pour les autres, c’est-à-dire les damnés de la terre, rien ne change. Pire encore, les lendemains seront plus difficiles comme d’habitude.
Mais comment analyser la situation qui prévaut en Afghanistan sans évoquer les échecs des forces de l’Otan dont la puissance militaire est redoutée ? Les exemples ne manquent pas. L’Afghanistan n’est pas le premier échec des américains hors de leurs bases. Ils ont connu la même débâcle au Vietnam. Ils auraient pu en tirer des leçons. Hélas !
La chute d l’oncle Sam et de ses alliés était pourtant prévisible. Au nom du droit d’ingérence, l’Occident a toujours voulu imposer son mode de vie aux « peuples barbares ». Et au nom de la « démocratie à la carte », ils veulent toujours imposer des femmes et des hommes soumis dans les pays qu’ils « contrôlent ».
La démocratie à la carte est un leurre. Elle masque des visées inavouées d’expansionnisme. Le droit d’ingérence est une abomination. Il permet, au nom d’intérêts inavoués, d’intervenir là où bon lui semble. La vérité n’échappe cependant pas aux sans voix. L’exploitation sauvage des richesses intéresse les « pacificateurs ». Or le monde, tel que nous le percevons, est d’une extrême complexité. Les femmes et les hommes ne peuvent se répartir en deux catégories : les riches et les pauvres. Cette relation finit, tôt ou tard, par exploser.
Les drames programmés, au nom du droit d’ingérence, connaîtront toujours des fins calamiteuses. Mais pour l’Occident surarmé, prétentieux et arrogant, ces relations sont immuables. Elles masquent les appétits insatiables et voraces. L’échec en Afghanistan va se répéter. Il faudra bien que l’industrie de l’armement tourne. Il faudra aussi assumer les politiques hégémoniques pour assurer sa puissance et imposer au reste du monde sa vision libérale et inique.
Nous ne sommes toujours pas sortis des guerres. Sous les feux de l’actualité, les commentaires vont bon train. La condamnation des américains par une certaine presse relance les débats. Il a fallu attendre vingt ans de guerre pour porter un jugement de valeur sur une guerre sans issue. Tout cela ne saurait nous faire oublier les autres drames provoqués au nom du droit d’ingérence et de la démocratie sur mesure.
D’autres maux minent la santé politique en Afrique où se vend par la force le « vivre ensemble ». Ce slogan vide suffit-il à réduire toutes les injustices sociales ?
Héritage du jacobinisme, la centralisation du pouvoir au détriment du fédéralisme a conduit à d’autres guerres fratricides (Cameroun et Ethiopie).
Plus près de nous, l’Afrique francophone reste un laboratoire des idées. Les présidents règnent à vie au nom de la stabilité économique et sociale. Les successions dynastiques se poursuivent. La françafrique, plus que jamais, règne. Elle impose une monnaie et des présidents inamovibles. Et tout ce processus se fait par des élections truquées que l’Union Européenne et l’ONU cautionnent.
Le drame de l’Afrique francophone ne connait pas de répit. D’autres acteurs viennent s’ajouter à ce mélodrame. La Chine s’impose. Elle n’est intéressée que par l’exploitation massive et rapide des richesses convoitées. Les droits humains ne l’intéressent guère. Voilà pourquoi la « pauvre Afrique » est condamnée à saigner, sous l’œil désabusé de ses enfants qui prient matin et soir pour se libérer.
La liberté ne viendra jamais par la prière. Combien de fois faudra-t-il le dire aux pauvres africains qui campent devant les églises et les mosquées construites par les prédateurs occidentaux et arabes ?
Le monde est ainsi fait. La liberté ne s’obtient que par la lutte. Elle ne se donne pas.
En Afrique, la rentrée scolaire s’active malgré les drames quotidiens, la pauvreté ambiante, la corruption et le népotisme. Les enseignants apprendront encore aux petits enfants que l’école est la seule issue pour sortir de la pauvreté. Ils apprendront aussi que les grands maîtres de la pensée universelle viennent de l’Occident et que la lecture et les livres ont été inventés par eux. Au programme, rassurez-vous, les têtes pensantes africaines n’ont pas de place ni en librairie, ni dans les rares bibliothèques.
Et si nous nous accaparions de notre enseignement pour déconstruire les cerveaux ? Notre jeunesse s’identifierait alors aux grands maîtres africains dont la pensée universaliste défie l’autre monde. Ils sont pourtant nombreux, ces femmes et ces hommes illustres que l’Afrique continue à ignorer pour ne pas déplaire à ses maîtres.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant