(texte)
« Son excellence »
« Veuillez Agréer Son Excellence… »
Quand j’étais petit, on ne citait pas le nom du président de la République du Cameroun, Amadou Ahidjo, sans y ajouter El Hadj.
A l’époque, on nous disait que c’était le titre de tous ceux qui avaient été en pèlerinage à la Mecque.
Je m’attendais donc, en sortant du Cameroun, de trouver que dans les pays arabes, la moitié de la population serait appelée El Hadj.
Mais il n’en était rien. El Hadj c’était pour nous les colonisés de deuxième rang et gare à celui qui prononçait le nom du président sans y ajouter Son Excellence El Hadj Amadou Ahidjo.
Ne vous êtes jamais demandé pourquoi les français n’appellent pas Macron « Son excellence Macron » ? Alors qu’en Afrique, personne ne peut appeler son chef d’Etat sans y ajouter Son Excellence ?
Ne vous êtes jamais demandé, pourquoi les intellectuels africains sont les seuls qui écrivent des livres en ajoutant devant leur nom Docteur ou Professeur, alors qu’ailleurs en Europe par exemple, de Einstein à Léonard de Vinci aucun livre ne porte le titre de ces génies ?
Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi en Chine, le seul endroit que vous trouverez la photo du président de la République Xi Jinping, c’est au musée national du Parti Communiste Chinois (PCC) à Shanghai, et nulle part ailleurs, aucune photo, dans les bureaux publics, aucune photo du président dans un commissariat, alors qu’en Afrique, les gens se sentent obligés d’afficher la photo du chef de l’Etat jusque dans les toilettes privées, sinon on risque gros ?
La réponse est à la langue coloniale enseignée aux colonisés qui est porteuse d’acceptation, d’assujettissement, d’asservissement, de dépendance, de servitude, de docilité, d’obéissance, de résignation, de sujétion et d’inféodation.
Non, ce n’est pas vrai que la langue française est devenue la langue des africains, mais la langue des africains sous-développés, pour paraphraser Rachid Oulebsir.
Quand un intellectuel africain qui croit maîtriser la langue française, écrit dans un texte que « tous les chemins mènent à Rome », en réalité, il ne sait même pas ce que cela veut dire. Il n’a qu’une idée assez approximative de sa signification. On croit que cela veut dire qu’on peut arriver au même endroit ou au même but en empruntant différentes voies.
Mais le Français de 18 ans qui utilise cette expression, n’est en train de traduire en image qu’un fait historique qu’on lui a déjà enseigné à l’école primaire alors qu’il n’était qu’au CE1. Et que lui a-t-on enseigné à l’âge de 7 ou 8 ans ?
On lui a enseigné qu’il est français et par définition, il est un catholique. Et les chemins qui mènent le catholique à Rome et qui sont toujours là depuis 2.000 ans avec les noms de routes consulaires romaines et numérotées de 1 à 8 s’appellent : Via Aurelia, Cassia, Appia, Tiburtina, Flaminia, Ostiense, Casaline, Salaria. En italien : « tutte le strade portano a Roma ».
Tous ces 8 chemins qui forment une étoiles, conduisaient le citoyen romain à la capitale de l’empire romain et aujourd’hui, au cœur de la capitale de l’église catholique, Rome.
On lui a enseigné que c’est le Pape Boniface VIII qui en l’an 1300 a institué qu’un catholique pour être sauvé doit se confesser et durant l’année du Jubilé qui finit avec deux fois zéro, emprunter une de ces 8 voies qui conduisent droit à Rome.
En 1600, lors du jubilé, 1 millions de fidèles déferlent à Rome, alors que la ville n’a que 110.000 habitants.
C’est la catastrophe, pour manger et pour dormir. Et cela fait partie de l’histoire des descendants des romains qui sont les Français et les Italiens qui utilisent les mêmes expressions en italien et en français, puisqu’il s’agit de leurs ancêtres.
Pour un intellectuel africain qui a beau bien parler français, cette expression ne dit rien de particulier, puisqu’il ne sait même pas qui est le pape Boniface VIII. Il n’a jamais entendu parler de routes consulaires romaines. Il n’a donc de cette expression « Tous les chemins mènent à Rome », qu’une idée confuse, évasive, sommaire, vague, partielle et indéterminée.
Beaucoup de parents africains sur le continent africains bien faire de ne pas enseigner la langue africaine à leurs enfants.
Et ces derniers croient par erreur que le français ou l’anglais c’est leur langue maternelle. Ce qui est faux naturellement.
Jean-Paul Pougala
Samedi le 2 décembre 2023