(édito)

L’année 2025 marquera les quarante-trois ans de règne sans partage du président Paul Biya au
Cameroun. Il aura alors 93 ans. Un âge où les surhommes aspirent, en toute logique naturelle, à
l’effacement et au repos pour jouir des dernières années en toute quiétude après une vie faite de joie, de
peine, de renoncement et de militantisme.
Dans une démocratie, un règne aussi long permettrait de faire un bilan que l’histoire retient. Une histoire
que les manuels d’histoire reprendront et qui serviront de base à une jeunesse qui aspirent au bien être,
au développement, à l’accomplissement des projets. Cette jeunesse pourrait s’inspirer de celui qui a
présidé le pays au cours de ce règne infini.
Mais nous constatons que le vieux monarque n’est pas disposé à céder honorablement sa place. Il n’a
pas conscience des enjeux majeurs de la mondialisation et de l’éveil permanent face aux défis de
l’Afrique et du Cameroun. Serait-il frappé de cécité ? Dans l’affirmative, le peuple devrait prendre ses
responsabilités et arracher démocratiquement le pouvoir.
Le Cameroun vit à l’heure actuelle au rythme du football. Un conflit anxiogène oppose le ministre du
sport au président de la fédération camerounaise de football. Un combat de chiffonniers ! Cette lutte
intestinale est devenue la risée des réseaux sociaux, de la presse écrite, des médias du monde et des

plateaux de télévision. Un ministre peut-il se substituer au président élu de la fédération de football ? Est-
ce raisonnable ?

Le Cameroun aurait pu briller par d’autres voies. Or c’est le football qui galvanise la population dans un
contexte de pauvreté extrême et de sous-développement. Paul Biya ne brille que par ses voyages et ses
pérégrinations. Le football reste le seul sujet qui marque son passage aux affaires.
Dans une démocratie, le pouvoir politique a le devoir d’inculquer les conditions pour créer de la richesse,
de l’emploi et le bien-être du peuple. Ces objectifs ne sont pas atteints. Pour masquer cette incurie, le
pouvoir favorise la débauche, la violence, la corruption, l’insécurité et l’injustice. Ces maux mettent à mal
les espoirs d’une jeunesse affamée et pourtant résiliente.
Le football peut-il résoudre les maux fortement ancrés dans le subconscient du citoyen qui devient
paresseux, envieux, menteur, sans ambition et sans espoir ? Le football ne reste qu’une échappatoire à
la réalité quotidienne. Cette joie de voir l’équipe nationale gagner un match fait oublier temporairement
les souffrances quotidiennes. Mais le mal demeure. Il est là.
Le pouvoir a cru longtemps, et il demeure sur sa position, que le football est une source d’espoir et qu’il
peut jouer un rôle dans la construction de l’identité nationale et de la cohésion sociale. Il n’a pas tort.
Mais le football n’est qu’un sport. Il ne produit pas la richesse. Il permet l’éclosion de quelques têtes qui
font rêver une jeunesse désabusée et sans repère.
Face au chaos en cours qui retient toutes les attentions, le Cameroun se meurt. L’actualité se focalise
sur les instructions de Paul Biya et la gestion d’une tiraillerie de basse-cour et qui ne devrait pas
mobiliser toutes les énergies. N’est-ce pas le signe d’un pays en délitement ?
Les défis sont pourtant énormes et les voies de réflexions pour sortir de la pauvreté sont nombreuses.
Mais le pouvoir actuel n’en a cure. Le règne de la débrouillardise se poursuit. Les intellectuels et la
société civile s’accommodent à ce chienlit qui brise les espoirs d’une jeunesse qui ne rêve plus qu’à
s’échapper vers un autre monde. Les rêves d’évasion se multiplient.
Malgré tout ce charivari, le pouvoir en place rêve toujours d’un prochain mandat. Est-ce sa faute si le
peuple ne rêve plus ? Où sont passés ces diplômés qui se réclament des grandes écoles et qui se
battent pour s’accrocher à des strapontins usés et mal odorants ? Le temps du réveil sonne. 2025 est
une nouvelle étape où la mobilisation doit être le principal sujet pour changer de politique avec de
nouvelles têtes ambitieuses et libres.
Le Cameroun reste persuadé que le développement viendra par le football qui canalise toutes les
couches sociales et toutes les énergies. Cette arnaque systémique commence à tousser. Elle est
grippée. Certes, le football reste le seul symbole d’espoir et d’union. Mais il reste une distraction. Il est
essentiel de na pas perdre de vue les défis structurels qui nécessitent des solutions durables pour
améliorer les conditions de vie de la population.

Michel Lobè Etamè
Journaliste Indépendant

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