La Cour pénale internationale vient d’acquitter l’ancien président ivoirien Gbagbo. Un dossier mal ficelé, symptomatique de cette juridiction totalement inefficace.
C’est le procès qui a fait déborder le vase de la Cour pénale internationale (CPI). Le 15 janvier, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo était acquitté par la CPI de crimes contre l’humanité après sept ans de détention aux Pays-Bas. Tout comme son ancien ministre Charles Blé Goudé, ex-leader ultra du mouvement des Jeunes Patriotes, poursuivi pour les mêmes raisons.
Les juges de cette juridiction pénale universelle permanente installée à La Haye et issue du statut de Rome qui lui donne depuis juillet 2002 compétence en matière de crimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, n’ont pas cherché à enrober les choses. Ils ont considéré que le dossier d’accusation porté par le bureau de la procureur générale Fatou Bensouda était tellement vide qu’il n’était même pas nécessaire d’entendre la défense pour prononcer l’acquittement. « En réalité, le bureau de la procureur générale n’a pas fait d’enquête, il a fabriqué son dossier avec des coupures de presse », accuse le journaliste François Mattei, qui a signé en décembre un livre avec Laurent Gbagbo*.
Pour tenter de sauver la face, la Gambienne Fatou Bensouda a fait appel de la remise en liberté des deux acquittés, qui ont donc été maintenus emprisonnés dans la banlieue de La Haye. C’est ce vendredi que la chambre d’appel de la CPI tranchera au terme d’une audience publique.
Un bilan bien mince en vingt ans d’existence
« Parce que Laurent Gbagbo était le premier ancien chef d’Etat poursuivi. […] Cette affaire est un condensé de tous les reproches qui peuvent être adressés à la Cour : instrumentalisation politique acceptée par l’ancien procureur général Luis Moreno Ocampo ; manipulation menée par un autre pays, en l’occurrence la France ; […] faiblesse voire incompétence du bureau du procureur en charge de l’enquête et l’accusation ; délais invraisemblables », pointe le journaliste de Mediapart François Bonnet.
En près de vingt ans d’existence et 1,5 Md€ engloutis, le bilan de la CPI est plus que mince : 10 personnes détenues, 21 affaires ouvertes dont la majorité concerne des Africains et 27 mandats d’arrêt délivrés, dont seulement 8 mis en œuvre.
Poursuivi depuis 2009 par la CPI pour crimes de guerre, le président soudanais Omar el-Béchir ne s’est pas privé pour autant d’effectuer une dizaine de voyages hors de son pays. Il faut dire que tous les pays n’adhèrent pas à la CPI. Parmi les grands absents, on compte les Etats-Unis, la Russie, Israël, l’Inde, la Chine… Des conflits d’intérêts impliquant Luis Moreno Ocampo, l’emblématique premier procureur général, ont également entaché, dès l’origine, la CPI.
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« Combien de chefs d’Etat africains la CPI va-t-elle encore accuser ? » gronde « 54 », un magazine panafricain. A bout de souffle, la CPI doit d’urgence se réformer de fond en comble, sous peine de disparaître.
* « Libre : Pour la vérité et la justice », par Laurent Gbagbo et François Mattei, Editions Max Milo.
Philippe Martinat (le Parisien)