Rien ne saurait ébranler mes convictions confrontées aux dures épreuves de la vie. Mais le monde change. Il évolue et peu importe mon jugement amer. Je dois pourtant reconnaître que le continent de mes ancêtres, l’Afrique, subit plus que jamais les affres d’un monde qui ne lui reconnait toujours pas son droit à exister et à décider de son avenir. Est-ce une fatalité ? Je ne le crois pas. Afro-optimiste convaincu, insolent et indigné, je crois que l’Afrique conserve toutes ses chances à émerger, à briser ses chaines visibles et invisibles et à offrir un destin différent à tous ses enfants.
Des signes visibles viennent conforter mes convictions. Les égoïsmes des « vieilles civilisations » sont ébranlés face à la pandémie. Nous observons ici et là des replis sur soi qui fragilisent l’assurance, les appétits et l’orgueil démesuré des grandes puissances. Ici aussi, le terme « grandes puissances » en prend pour son grade. Nous avons successivement vu les frontières se fermer entre pays amis et voisins. La confiance a été complètement ébranlée face à la maladie. C’est le signe avant-coureur d’un monde occidental qui perd, au fil des années, sa superbe et sa puissance.
Et si la Covid-19 était un signe de déclin d’une vielle civilisation ?
Lors du dernier sommet du G7, les européens se sont félicités du retour des Etats-Unis dans l’alliance transatlantique. Cette jouissance marque l’affaiblissement de l’Europe à décider souverainement de son destin. Elle a besoin des Etats-Unis comme l’Afrique francophone a besoin de la France. C’est un aveu de faiblesse en géopolitique. C’est un signe de déclin et de dépendance volontaire qui trahit un profond bouleversement des alliances et de leurs incommodités.
Si l’Europe a besoin des Etats-Unis pour exister, c’est qu’elle redoute les nouvelles puissances incarnées par la Russie, la chine, la Corée du sud et l’Inde. Ces nouvelles puissances veulent, elles aussi, une part du gâteau africain. Est-ce un bon signe de voir l’Afrique si désirée ? Oui et non !
Oui, parce que les besoins des matières premières dont regorge l’Afrique ne seront plus à la seule disposition des occidentaux. L’exploitation de nos richesses endogènes attire de plus en plus de prétendants. L’Afrique pourrait alors disposer d’une bourse des matières premières minières et agricoles pour déterminer ses prix et prioriser leurs transformations localement.
Non, parce que l’Afrique doit librement choisir ses partenaires et sortir du cercle vicieux de la dépendance qui a suivi depuis les indépendances étriquées. Un cercle vicieux incarné par le franc CFA qui est une monnaie de servitude anéantissant tous les efforts développement économique.
Face à cette diversité de prétendants, l’Afrique proposera ses richesses aux plus offrants en y incluant des accords de partenariat, de partage de savoir-faire, de transformation, de formation ou d’exploitation. L’exclusivité réservée jusqu’ici aux occidentaux volera en éclats. L’Afrique sera alors en position de force pour revoir tous ses contrats et tous ses engagements.
Mais, pour réussir cette mutation indispensable, il est impératif que les gouvernances africaines s’émancipent des tutelles actuelles. Des tutelles qui privent tous le continent de son droit de disposer de ses richesses. Cette condition n’est pas négociable. Elle permettra d’extraire nos mines et de les transformer pour créer de la richesse et de l’emploi qui conduiraient vers d’autres projets inclusifs.
L’Afrique a besoin de s’émanciper. L’Europe a été bâtie avec ses matières premières et une main d’œuvre bon marché. Elle a même organisé l’esclavage pour mieux se développer à moindre coût.
Toutes ces tares sont aujourd’hui derrière l’Afrique. Le monde occidental jouit depuis ses révolutions, d’une démocratie que nous lui envions. Il n’est plus supportable que cette vieille Europe continue à soutenir les régimes autocratiques en Afrique qui sont des freins au développement et de la dignité humaine.
L’Occident, d’une seule voix, critique les régimes chinois, birmans, russes ou biélorusses… qui ne sont pas des modèles de démocratie. Mais elle reste soude et aveugle quand les sicaires ciblés en Afrique continuent à emprisonner et à tuer en toute impunité les opposants politiques, les journalistes, les contestataires et les libres penseurs. Au Sénégal, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Togo, au Tchad ou en Guinée, les prisons sont bourrées des Navalny anonymes qui meurent au fil des ans sans un regard vers ces femmes et ces hommes privés des droits les plus élémentaires.
Les troisièmes mandats sont dénoncés en Russie, en Chine ou en Birmanie. Qu’en est-il de l’Afrique où cet exercice est coutumier ? L’Occident va-t-il continuer à ignorer les aspiration politiques et légitimes de l’Afrique vers une transition démocratique ? Il en va aussi de la survie des « mondes libres » et de leurs descendances.
Le destin de l’Afrique n’est écrit nulle part. Il n’est pas scellé. Surtout pas en Occident où un vent de liberté conteste de plus en plus un pouvoir au service des femmes et des hommes de la finance dont la puissance étouffe de plus en plus la liberté.
Cette Afrique, nous la voulons. Nous l’appelons de tous nos vœux pour que les nouvelles générations puissent vivre et s’éclater dans un continent riche, attractif et qui offre des perspectives à ses enfants.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant