J’ai dit comment la décolonisation a été une réforme du colonialisme, et comment l’indépendance a été une escroquerie. J’incriminais jusque-là le colonisateur. Mais le système colonial est binaire, je veux dire par là qu’il est composé du colonisateur et du colonisé. Il ne sied pas de parler de l’un sans faire cas de l’autre.Dans les marchés de dupes que sont la décolonisation et l’indépendance, le colonisé a été victime de tromperie et dindon de la farce, sans doute. Mais le colonisé n’a pas été que cela, il a travaillé à la fixation de son sort.Coloniser, c’est rendre un territoire dépendant d’une métropole. On comprend aisément que le colonisateur colonise. Ce qui se comprend moins facilement, c’est que le colonisé se colonise. Cette manière de faire est paradoxale, mais elle est étayée par des faits. Elle nous met en face de cas où le verbe coloniser devient pronominal (se coloniser).La colonisation de soi par soi-même, pour une colonie, renvoie au désir de ressembler à la métropole, et donc de se rendre dépendante d’elle. Ce désir devient intense au moment où la colonie est censée s’émanciper. Ainsi, comme la France, la colonie devient République. Elle se donne sa Marseillaise, c’est-à-dire un hymne. À l’instar de la devise tripartite de la vieille république française, la devise de l’ancienne comporte trois éléments. Le drapeau français est tricolore, le drapeau de l’ancienne colonie est composé de trois couleurs. Les armoiries françaises servent de modèles aux armoiries l’ancienne colonie. Et, quand arrive le temps de se doter d’une Loi fondamentale : la Constitution française, celle de la Ve République du 4 octobre 1958 est prête à porter. Quelques réajustements mineurs sont parfois nécessaires, les spécialistes métropolitains les réalisent avec dextérité et diligence.Il existe d’autres manières de se décoloniser et d’être indépendant. Les trouver et les mettre en œuvre, ce sont là quelques-unes des tâches dévolues à la libération vraie de nos pays.
Farmo M.