Le pouvoir politique au Cameroun s’est toujours distingué par un discours récurrent chaque fois qu’il doit répondre à des critiques sur sa gestion de la crise anglophone, le tribalisme, la décentralisation des pouvoirs, la démocratie ou encore la corruption. Cette constance du discours des autorités est propre à toutes les dictatures. Le complotisme permanent évoqué par Yaoundé ne saurait sauver un régime à bout de souffle qui n’a pas su se réinventer pour apporter des solutions pérennes au désarroi de sa population.
Le complot permanent des forces exogènes contre le régime de Paul Biya ne fait plus recette. En trente-six ans de règne sans partage, nul n’a pu définir le Biyaisme champion dans l’art du contre-pied qui a toujours su brouiller l’horizon. Paul Biya s’est contenté des louanges alors qu’il aurait pu marquer l’histoire.
Le Cameroun est devenu, au fil des années, un pays frustré où la moralité du citoyen s’est effritée par le comportement sans âme des pontes du régime rompus à l’exercice du faux dans un climat politique submergé par une schizophrénie médiatique insoutenable.
Le Biyaisme est aussi caractérisé par la criminologie de l’action politique de tous ceux qui remettent en cause ou qui dénoncent sa politique basée sur l’immobilisme, le pourrissement, la lassitude et la caporalisation du citoyen. Ce pouvoir n’a pas su insuffler une énergie positive au camerounais disponible et motivé.
Ce mode de fonctionnement est à des limites. C’est ce que nous pouvons appeler le crépuscule du Biyaisme qui ne fait plus recette face à un peuple trop longtemps tétanisé et momifié par des dizaines d’années de galère et de gabegie. Tous les prétendants potentiels sont criminalisés, bâillonnés et jetés en prison.
Le Biyaisme n’a pas su offrir au citoyen un horizon, un but de société, un moyen de se réaliser et encore moins une liberté pour des initiatives heureuses.
Paul Biya avait-il lui-même une vision globale d’un Cameroun conquérant ? Nous pouvons affirmer aujourd’hui que le Biyaisme a été une douloureuse mascarade qui n’a profité qu’à une élite triée au volet et qui continue à prolonger une triste agonie.
Le temps n’a pas manqué à Paul Biya. Longtemps, il a joui de tous les pouvoirs et d’un climat social apaisé dans une Afrique livrée au tumulte. Il a été incapable d’en profiter. Aujourd’hui, le couperet est tombé. Exit Paul Biya. Le peuple est sorti de sa léthargie. Dans les réseaux sociaux, les voix, autrefois timorées et dans la peur s’élèvent. Elles brisent enfin les lois du silence que la peur du gendarme avait implicitement instauré.
Libérez Kamto, libérez Ekoka, libérez les sécessionnistes
Les thuriféraires du régime, propulsés théoriciens du biyaisme, sont à bout de souffle. Ils ne font plus peur. Ils s’entredéchirent. La course à la succession est ouverte. Mais, pour cela, il faut mettre à l’ombre les forces vives représentées par l’opposition. Maurice Kamto et son équipe sont désignés. Il faut les éliminer. Mais il est trop tard.
Après trente-six ans de navigation à vue, le Biyaisme reste sur sa faim. Il réalise enfin qu’il est en décalage avec les camerounais trop longtemps exsangues. Atmosphère de fin de règne à Yaoundé où sévit un climat de suspicion parmi les prétendants, Paul Biya voudrait-il finir comme son prédécesseur Ahmadou Ahidjo ?
La politique du pourrissement a ses limites. Paul Biya, face à la communauté internationale, veut aujourd’hui entamer le dialogue avec les séparatistes anglophones. Il a compris, trop tard hélas, que la voie des armes n’est pas la solution unique. Le dialogue qu’il rejetait, ne peut revitaliser son règne. Il a le tort de l’âge et des échecs politiques et économiques qui sont autant de casseroles durant son long règne sans partage.
Il est donc temps de libérer tous les sécessionnistes et les opposants politiques pour un dialogue inclusif. Il est temps de libérer Maurice Kamto, Christian Penda Ekoka et leurs partisans. Le Cameroun nouveau où l’ascenseur social offrira à tous ses enfants une chance de sortir de la médiocrité conceptualisée par le pouvoir actuel est en marche. Il réhabilitera l’école dévalorisée par un enseignement au rabais qui est la conséquence actuelle de la momification du citoyen qui trouve plus de vertu dans la consommation de la bière que de la lecture d’un manuscrit bienfaisant. Cet appauvrissement intellectuel est la conséquence du trop-plein dans les églises et les mosquées qui aliènent le citoyen.
Le futur du Cameroun s’écrit aujourd’hui sans Paul Biya dont le règne n’a été jalonné que de faits tristes et macabres. Il est temps qu’il tire sa révérence même si beaucoup aimerait encore le juger. Il est temps de mettre fin au chemin de croix du biyaisme. Mais quelle triste fin de règne pour un homme que le Cameroun avait couvert de tant de bénédictions ! Il n’a pas été à la hauteur des espérances.
Par Michel Lobé Etamé
Journaliste