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Lors de son traditionnel Message à la Nation, le 31 décembre 2023, le Chef de l’Etat Paul BIYA a martelé, je cite : “Vous devez savoir que dans le but de maintenir les prix à la pompe à leur niveau actuel, qui est largement inférieur à celui pratiquer dans les pays voisins, l’État doit, au prix d’importants efforts financiers, fortement subventionner les importations de produits pétroliers”. Fin de citation. En tant qu’expert en économie pétrolière, ces propos du Chef de l’État ne nous ont pas convaincu. Il s’avérait nécessaire de procéder utilement à une vérification dans les autres États de la zone CEMAC. Les deux tableaux et graphiques ci-dessous présentent pour l’un, les prix de l’essence et pour l’autre, les prix du gasoil en zone CEMAC.
Sans être spécialiste, l’analyse simple des deux tableaux fait ressortir que sur les prix de l’essence, le Cameroun occupe la troisième place en terme de prix élevé (730 CFA/Litre) sur les 6 États que compte la Zone CEMAC, juste derrière la RCA(1100 CFA/Litre) et le Congo(775 CFA/Litre). Pour ce qui est du gasoil, le Cameroun est le deuxième pays le plus cher avec le prix du gasoil qui est de 720f CFA/Litre, juste derrière la RCA où le litre de gasoil coûte 1350 CFA/Litre.
Oui, le prix de l’essence est largement moins cher au Cameroun uniquement par rapport à la RCA. Il faut bien dire que la Centrafrique, non seulement ne produit pas de pétrole, mais est un pays enclavé qui n’a pas d’ouverture sur l’Océan (port). Le coût logistique y est donc très élevé et doit normalement impacter sur les prix à la pompe, car tout le carburant est importé.
Une autre observation. Il faut se rendre compte que dans les deux tableaux, les pays où le prix de l‘essence est le plus bas par rapport au Cameroun sont des pays producteurs de pétrole, qui ont une raffinerie sur leur sol capable de raffiner leur propre pétrole brut. Il s’agit du Gabon, du Tchad et de la Guinée Équatoriale.
Le Chef de L’Etat, au lieu de libéraliser l’importation du carburant(qui ne profitera beaucoup plus qu’à la mafia des traders et marketeurs) aurait dû en priorité instruire la construction, dans l’immédiat, d’une nouvelle raffinerie moderne ou alors la réhabilitation de la SONARA et pourquoi pas, de libéraliser le secteur du raffinage pour ainsi permettre aux hommes d’affaires camerounais de construire une raffinerie au Cameroun à l’image de ce que Dangote a fait au Nigéria voisin.
En libéralisant simplement l’importation, le Cameroun se prépare à devenir dans 10 ans, un pays non producteur de pétrole, car nos réserves de pétrole actuelles, comparées à notre production, ne sont suffisantes que pour 10-12 années, si entre temps nous n’avons pas de nouvelles découvertes de champs pétroliers. La SNH est ainsi interpellée à cesser de se contenter de la seule rente pétrolière pour enfin faire son travail régalien qui est la mise en évidence de nouveaux champs pétroliers à travers des travaux de recherche et d’exploration.
En tant que Géologue du pétrole, je peux confirmer que le Cameroun a encore du potentiel pétrolier non exploré en Offshore et sur le continent ( le bassin de la Benoue et de Douala). Il suffit juste d’une volonté politique, appuyée des ressources financières nécessaires pour faire du Cameroun l’un des premier pays producteurs du pétrole de l’Afrique Subsaharienne.
Dr Baréja Youmssi
Expert en Mines et pétrole
Enseignant -Chercheur