(Interview)
Ancien haut fonctionnaire du Commissariat de l’énergie atomique, ingénieur atomiste, Vincent Nkong-Ndjock nous parle de son ouvrage, « La construction d’Etat développementaliste communautaire : le cas du Cameroun », un projet de politique de développement à partir du maillage des communautés locales. Entretien.
Les Dépêches de Brazzavulle (L.D.B.) : Vous êtes co-auteur de l’ouvrage, « La construction d’Etat développementaliste communautaire : le cas du Cameroun ». Qu’est-ce qui vous anime ?
Vincent Nkong-Ndjock (V.N.N.) : Le Cameroun traverse des crises profondes – sociales, économiques et institutionnelles, c’est également le cas pour plusieurs pays d’Afrique francophone, conséquence d’une gouvernance déconnectée des aspirations du peuple. Partout, les signes de déclin sont visibles : infrastructures vétustes, chômage massif, inégalités croissantes, corruption endémique et dépendance aux matières premières brutes.
L.D.B. : Face à ce tableau sombre, que proposez-vous ?
V.N.N. : Nos pays d’Afrique, aux ressources immenses et aux talents diversifiés, possèdent une incroyable résilience. Là où certains voient des ruines, nous voyons des fondations pour une nouvelle ère de reconstruction. Il est temps d’agir, ensemble, pour bâtir un avenir digne de notre potentiel.
L.D.B. : Votre développementalisme pourra-t-il reconstruire ces nations ?
V.N.N.: Seul le développementalisme peut relancer l’Afrique subsaharienne, en prenant l’exemple du Cameroun, à l’image de son succès en Asie et Amérique latine. Ce modèle économique a fait ses preuves dans des économies émergentes en Asie et Amérique latine.
L.D.B. : Sur quoi repose le concept de développementalisme communautaire ?
V.N.N. : Il repose sur une intervention stratégique de l’État, moteur du développement, pour structurer les secteurs industriels-clés. L’État ne doit pas se limiter à réguler, il doit être le moteur du développement.
L.D.B. : Pouvez-vous détailler ?
V.N.N. : Nous proposons une vision audacieuse et des solutions concrètes pour surmonter nos défis structurels. Ce modèle novateur repose sur l’industrialisation locale, la redistribution des richesses et une démocratie fondée sur un développement inclusif, avec la communauté comme levier central du changement. Le Cameroun, l’Afrique francophone, doivent transformer leurs matières premières, encourager l’entrepreneuriat et tracer leur propre voie vers la prospérité durable.
L.D.B. : Quels sont les piliers du développementalisme communautaire ?
V.N.N.: Ce modèle repose sur quatre piliers essentiels : Un État stratège et partenaire du secteur privé; la décentralisation avancée, avec quatre pôles régionaux autonomes – pour le cas du Cameroun – capables de développer leurs propres priorités économiques ; la réforme des infrastructures, en modernisant nos routes, nos écoles et universités, nos ports et nos réseaux énergétiques pour soutenir la compétitivité ; une gouvernance exemplaire, où la transparence et la responsabilité sont des impératifs. La lutte contre la corruption et la concussion doivent être une priorité absolue.
L.D.B.: Beaucoup parlent du changement ou le promettent sans le réaliser. Comment comptez-vous inspirer la confiance ?
V.N.N. : Ma conviction : une vision ancrée dans les réalités des populations, et non imposant des modèles venus d’ailleurs. Un leadership authentique qui repose sur trois piliers, à savoir l’écoute pour comprendre les aspirations du peuple; le pragmatisme pour des solutions adaptées aux réalités locales; et le courage de prendre des décisions justes, même impopulaires.
L.D.B. : Concernant le Cameroun, votre champ d’expérimentation, quels sont ses besoins ?
V.N.N. : Le Cameroun a besoin d’un leadership qui honore ses engagements par des résultats tangibles, où la confiance renaît de la cohérence entre parole et action. Notre ambition est de mobiliser toutes les énergies pour bâtir un avenir de dignité, de justice et de prospérité partagée. Mais la véritable reconstruction commence avec ses citoyens. Un peuple bien éduqué, civique, éthique et uni par une vision partagée est la clé d’un avenir prospère et stable.
L.D.B. : Un Cameroun nouveau, une Afrique nouvelle est-ce possible ?
V.NN : Le Cameroun nouveau, acteur central du changement, doit être formé pour relever les défis du XXIe siècle, conscient de ses responsabilités et fier de ses racines. Une éducation de qualité et adaptée, une gouvernance intègre, et des opportunités économiques inclusives permettront de bâtir un Cameroun où justice, dignité et solidarité seront les fondements de notre réussite collective. Idem pour le reste des pays d’Afrique francophone. Le moment est venu de repenser notre pacte social pour qu’il reflète la grandeur de nos aspirations et la richesse de notre diversité
L.D.B.: Soyez plus concret dans votre vision
V.N.N.: De manière simpliste, notre concept se décline dans la métaphore suivante : le sous-sol nourrit le sol qui nourrit les hommes qui construisent la prospérité du Cameroun, de l’Afrique. Notre vision pour le Cameroun comme pour le reste des pays africains repose sur une refondation globale, où chaque aspect de la société doit être réimaginé et reconstruit. Cette approche ne se limite pas à des réformes ponctuelles, mais à un projet ambitieux de transformation structurelle et identitaire, aligné avec les défis et les opportunités du XXIe siècle.Propos recueillis par Noël Ndong
Légendes et crédits photo :
Vincent Nkong-Ndjock / DR