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Un peu d’histoire
L’exploration pétrolière débute au Cameroun en 1947. Les premières découvertes commerciales sont réalisées dans le bassin du Rio del Rey en 1972. Mais ce n’est qu’en 1977 que le pays acquiert le statut de pays producteur de pétrole, suite à la mise en production du champ Kolé.
La production atteint le niveau record de 186.000 barils/jour en 1985. Mais, à partir de 1986, année du ‘‘contre choc pétrolier’’, elle commence à decliner jusqu’à atteindre les 80.000 barils/jour en 2023.
Le Cameroun produit trois types de pétrole brut : le Lokélé (brut lourd, le Kolé (brut moyen) et l’Ebomé (brut léger).
Présentation de la SONARA
La Sonara (Société Nationale de Raffinage) est une entreprise publique camerounaise de raffinage du pétrole, constituée en 1976. Son siège se trouve à Limbé, dans la région du Sud-Ouest du Cameroun.
La SONARA est une société d’économie mixte ( une entreprise publique) de raffinage de pétrole brut. Elle est de type hydroskimming. Son objectif est de satisfaire l’approvisionnement en hydrocarbures de la population du Cameroun.
La SONARA possède une capacité de production d’environ 2,2 millions de tonnes par an pour un capital de 780 Milliards de francs CFA. Les produits pétroliers commercialisés sont les suivants :
• Le butane (Bupro);
• Le Kérosène (Jet lampant)
• Le Gasoil total (Mélange du Gasoil léger et lourd)
• Le supercarburant
• Le Fuel oil
Dans la nuit du 31 mai 2019 au 1er juin 2019, la raffinerie inaugurée en 1981 est incendiée. Une grande partie de son site de Limbé au Cameroun est détruite et quatre de ses 13 unités de production sont endommagées.
Comment comprendre que nous importons le Carburant alors que nous sommes un pays producteur de pétrole ?
La SONARA est créée par Total pour raffiner le pétrole venant de leur exploitation pétrolière au Nigeria pour satisfaire les besoins en carburant du Cameroun. Pour des raisons incompréhensibles, Total monte une raffinerie au Cameroun qui ne peut pas raffiner notre pétrole (dit lourd). Ainsi, la SONARA est toujours contrainte à acheter du pétrole brut ailleurs pour faire fonctionner la raffinerie et ainsi satisfaire la consommation locale et céla à un prix acceptable. Malheureusement, après l’incendie, la SONARA n’est plus capable de raffiner le pétrole brut. Conséquence, les marketeurs et les traders renforcent leur position dans l’importation du carburant au Cameroun qui devient ainsi un business très juteux pour le réseau qui contrôle la chaine d’approvisionnement. Nous avons la SNH qui se satisfait de vendre en totalité notre quote-part de pétrole brut issue des contrats de partage de la production (CPP) avec les opérateurs, cela avec parfois des décotes qui donnent le vertige. Cette situation semble arranger beaucoup de monde, sauf bien sur le consommateur qui paye le prix fort. Pourtant, une raffinerie moderne capable de raffiner notre pétrole brut (lourd ou léger) aurait mis le consommateur à l’abri des marketeurs et traders véreux.
Démarrage des travaux reporté
Le démarrage des travaux de réhabilitation de la Sonara, estimés à 250 milliards de FCFA avait été annoncé pour 2022 par le Premier ministre, Joseph Dion Nguté, lors de la présentation du programme économique et financier du gouvernement devant les députés, en novembre 2021. Mais, cette échéance n’avait pas été respectée. Prenant la parole devant les mêmes députés et dans les mêmbes circonstances le 30 novembre 2023, le Premier ministre Dion Nguté avait cette fois annoncé, pour l’année 2024 courante, la réalisation des « études Front End Engineering & Design (études d’ingénierie s’étendant jusqu’aux aspects architecturaux, NDLR), en vue de lancer le projet de réhabilitation de la Sonara ».
À qui profite le statu-quo sur le projet de réhabilitation de la SONARA ?
Il est plus que probable qu’il existe des forces tapis dans l’ombre qui font tout pour freiner autant que possible la reconstruction de la SONARA qui devrait permettre de produire assez de carburant pour la consommation locale. Le Cameroun perd par ailleurs sa sécurité énergétique. Les marketeurs et les tradeurs disparaitront du circuit d’achat et d’approvisionnement du Cameroun en Carburant importe pour le bien-être du peuple. Ce dernier verra les prix des carburants au Cameroun se rapprocher des autres pays de la zone CEMAC tels que le Gabon et la Guinée Equatoriale où le prix du litre du super est en dessous de 600fcfa.
Coup d’œil sur la loi des finances de 2025
Une lecture de l’avant-projet de loi de finances 2025 révèle la poursuite du dégrossissement des chapitres communs tel que prescrit par le chef de l’État. Il convient aussi de signaler que la dynamique de la baisse des subventions des prix des carburants à la pompe sera renforcée, celles-ci passant de 263 milliards de FCFA en 2024 à 15 milliards de FCFA » en 2025. Selon cet extrait de l’exposé des motifs du projet de loi de finances 2025 que le gouvernement a soumis à l’examen des députés le 1ᵉʳ décembre 2024, l’État du Cameroun envisage, une nouvelle fois, de réduire l’enveloppe de la subvention à la consommation des produits pétroliers au cours de l’année 2025, en la ramenant à seulement 15 milliards de FCFA, révélant ainsi une baisse de près de 250 milliards de FCFA par rapport à 2024.
La conséquence directe de ce qui précède laisse croire que l’augmentation du carburant en 2025 sera inévitable malgré la chute des prix du pétrole brut sur les marchés liés à la baisse de la consommation des Energies fossiles en chine qui est en pleine transition énergétique (véhicules électriques etc..).
Conclusion
Les consommateurs Camerounais risquent de payer le prix. Ils sont piégés dans un réseau très compliqué où d’un côté les traders et marketeurs ne veulent pas lâcher leur gâteau et activent tout leur lobbying (4,000 milliards fcfa de chiffre d’affaires sur les carburants importés), de l’autre côté, le FMI avec ses exigences de réduction à zéro de la subvention sur le Carburant et enfin, l’Etat Camerounais qui traine avec la réhabilitation de la SONARA, le lancement effectif de l’exploration dans nos bassins pétroliers en offshore et offshore. Il doit favoriser la mise en évidence de nos champs pétroliers afin d’assurer la production du pétrole brut sur le long terme au Cameroun, car les puits existants sont entrain de tarir. Il doit procéder à la réforme de la Société Nationale des hydrocarbures et la création d’un ministère du pétrole.
L’année 2025 au Cameroun verra les Camerounais aller aux urnes dans le cadre des élections présidentielles. En dépit de l’engagement pris devant le FMI de supprimer la subvention à la consommation des produits pétroliers, le gouvernement camerounais pourrait faire l’économie d’une nouvelle hausse des prix à la pompe et pourquoi pas, les revoir à la baisse, car les perspectives des prix du pétrole brut y sont favorables.
Dr Bareja Youmssi
Expert en Mines et Pétrole
Enseignant-Chercheur