Il faut l’avouer sans ambages. Aujourd’hui, le Cameroun est à bout de souffle. Le règne long, ennuyeux et sans éclat de Paul Biya a fini par exaspérer le pays, l’Afrique et le monde. Le mois de juillet est orageux en Europe alors que nous sommes en plein été. Ce cataclysme naturel et non maîtrisé bouscule les vacanciers. C’est le moment que le président camerounais a choisi d’installer sa tente, comme d’habitude, à l’hôtel « Continental » de Genève, en Suisse. La Suisse, pays réputé pour sa « neutralité », son sens de l’hospitalité pour les milliardaires africains et du monde, héberge le plus vieux président de l’humanité par l’âge et la longévité au pouvoir. Est-ce un hasard d’avoir choisi cette date ? Pour un pays qu’on dit surendetté et en guerre, ce « voyage d’affaire » est inapproprié. Le Cameroun brille, depuis toujours, par un lot de scandales qui aurait pu lui épargner d’attirer la lumière des médias du monde. Mais il semble que les autorités de Yaoundé n’en fassent qu’à leur tête. Ils sont maîtres de leur calendrier et le monde devrait s’y soumettre. Les journaux, toujours à la recherche du blé à moudre et épuisés par la pandémie, ont trouvé ici un sujet fédérateur : le voyage de Paul Biya à Genève. Certes, la délégation est moins fournie. Mais il n’empêche que le vieux monarque a pris un gros risque en annonçant publiquement son départ vers sa résidence secondaire en Suisse. La discrétion de cet homme, grand absent lors des conférences de tous genres en Afrique et à travers le monde, n’a pu résister aux charmes désuets de son hôtel de prédilection. Genève manquait à Paul Biya. Il y comptabilise plus de quatre années d’hébergement depuis son accession au pouvoir. Cette sortie n’est pas glorieuse. Elle est perturbée par ceux que la presse camerounaise bon teint qualifie de renégat. Qu’importe !Les autorités helvétiques ont choisi de « protéger » leur hôte. Son épouse, dont la « discrétion » est remarquée, l’accompagne. Mais on aimerait bien que Paul Biya gouverne sur place. Le citoyen est lassé par la rhétorique qui laisse toujours perplexe : « Sur les hautes instructions » du chef de l’Etat. Les dossiers urgents s’amoncellent. Le pays est en hibernation. Le gouvernement en place a pris des rides. Mais rien ne bouge. Un essoufflement perceptible Les camerounais ont choisi de manifester sur le sol helvétique. Est-ce la meilleure solution ? Nous ne pouvons cautionner ces pratiques. Mais une urgence nationale nous interpelle tous. En ces temps difficiles, nous aimerions voir Paul Biya gérer les dossiers urgents qui s’empilent et qui nuisent à la réputation du pays. Les vidéos des manifestations devant le désormais célèbre Hôtel Continental ne sont guère reluisantes pour un pays qui aspire au progrès. Mais l’occasion est trop belle pour celles et ceux qui ont choisi de montrer à la face du monde un homme usé qui ne veut toujours pas passer le témoin. Images pathétiques, me direz-vous ! Mais elles sont l’expression d’un pays essoufflés et à court de carburant. Cet essoufflement résulte des nombreux scandales repris par les médias du monde. On peut y lire les gros titres à sensations : Détournements des fonds affectés au Covid-19 ; circulation sur la toile des sextapes ; les ministres prédateurs des deniers publics, etc. La coupe est pleine. Les scandales, si fréquents et si nombreux, ne semblent pas affecter les autorités compétentes frappées d’amnésie et aveugles. Nous ne pouvons cautionner les manifestations devant l’hôtel Continental. Mais, avouons que Paul Biya aurait pu visiter les nombreux coins de villégiatures de son pays où l’hospitalité est courante pour un homme de son rang. Au terme d’une année qui voit la pauvreté s’accélérer, Yaoundé choisit de s’afficher à l’extérieur. Le pourrissement des affaires a toujours été son choix. Cette méthode lui a réussi jusqu’ici car les médias sont embastillés. Mais le vase commence à déborder. Est-ce la raison qui a poussé Paul Biya à prendre du recul ? Il aurait pu s’exiler dans un des nombreux paradis touristiques que compte le pays. Il aurait épargné à ses détracteurs de le livrer en gibier de potence à la face du monde. Mais Paul Biya reste caractériel. L’hôtel Continental ou rien et quel qu’en soit le montant de l’addition pour un pays exsangue. L’essoufflement du citoyen camerounais est perceptible. Il n’en peut plus d’un régime qui ne brille que par les scandales et où l’impunité n’envoie en prison que les pensées qui osent encore contredire un pouvoir essoufflé et sans solution pour sortir du trou.
Par Michel Lobé Étamé. Journaliste Indépendant