Dans la guerre qui oppose l’Ukraine à la Russie, l’Afrique noire a été sommée de choisir son camp, c’est-à-dire celui de l’Occident. Nous avons vu tour à tour la diplomatie occidentale défiler dans les capitales des Etats africains. Cette démarche infantilisante a agacé la jeunesse réfractaire africaine.
Des pays qui jusqu’ici ne connaissaient l’Afrique qu’à travers les morts en Méditerranée ou la misère systémique ont déployé leurs ailes pour convaincre l’Afrique de rallier le camp des justes. Ici encore, le narratif commun classifie deux camps dans le monde : l’Occident gentil et la méchante Russie. On pourrait ajouter dans le camp des méchants la Chine, la Corée du Nord, l’Iran, la Turquie et Cuba.
Mais l’histoire est toute différente. Ceux que le monde qualifie de méchants n’ont jamais envahi l’Afrique. Ils n’ont jamais pratiqué l’esclavage. Ils n’ont jamais assassiné nos dirigeants. Ces pays n’ont pas un lourd passif à l’égard de l’Afrique. Ils ne pillent pas l’Afrique depuis l’antiquité à nos jours.
Dans ce contexte historique, nous devons nous interroger. Qu’est-ce qu’un pays ami ? Or la relation qui lie l’Afrique au monde occidental est entachée d’un lourd passé que l’ONU qualifie de crimes contre l’humanité : l’esclavage, l’apartheid, la discrimination raciale, la colonisation, le néocolonialisme, etc. Ces pratiques ont pris fin avec les indépendances. Mais, en réalité, elles se poursuivent sous des formes pernicieuses qui bloquent le développement économique, industriel et social de l’Afrique. Pour maintenir sa domination, l’Occident se charge aujourd’hui d’imposer à ses anciennes colonies des hommes d’Etat corvéables à souhait. Ces présidents à vie ne doivent leur légitimité qu’à des élections truquées pour servir leurs maitres.
La jeunesse africaine qui se bat contre ces pratiques néolonialistes et subit de plein fouet une double peine : le néo colonisateur et le pouvoir autocratique en place. Dans sa lutte pour la souveraineté, l’Afrique exprime aujourd’hui son profond sentiment d’injustice à l’égard des néo colonisateurs. Ce sentiment est légitime et naturel. Il est l’expression d’un continent qui veut voler de ses propres ailes car l’Afrique ne peut plus compter sur ses « amis » qui la trahissent depuis des siècles.
Face à ce dilemme, la guerre en Ukraine est venue réveiller les vieux démons qui continuent à hanter le berceau de l’humanité. Nos anciens bourreaux nous somment de choisir un camp : celui de la liberté, de la souveraineté et de l’émancipation qui sont des droits universels.
La liberté qui est si chère à l’être humain n’a pas la même résonnance en Afrique. L’Afrique a-telle jamais été libre ? Si ! Avant la venue de l’homme blanc. L’Afrique dont l’histoire est régulièrement caricaturée a connu des périodes de paix et une civilisation que des intellectuels ont vulgarisé tels Cheik Anta Diop, l’homme qui a rendu les pharaons à l’Afrique.
Au-delà des controverses qui alimentent la relation Afrique Occident, la jeunesse africaine n’aspire qu’à une chose : la souveraineté. Elle veut être reconnue et respectée. Pour cela, elle est libre de choisir son camp et de classifier, selon des critères justes, ses amis et ses ennemis. Ces choix ne peuvent s’imposer par le camp des bons et des mauvais.
L’Afrique n’a pas d’amis. Elle se fait exploiter aujourd’hui par de nouveaux arrivants avec la complicité implicite de ses dirigeants formattés à la corruption et au népotisme. La Chine, la Russie, l’Inde et la Turquie en profitent. Ce ne sont pas non plus des partenaires privilégiés, mais de nouveaux prédateurs qui profitent de la vulnérabilités des dirigeants africains.
D’autres prédateurs qui sévissent depuis l’époque coloniale continuent à prospérer. C’est le cas des libanais qui ont développé un vaste réseau de corruption et de prédation dans toutes les administrations en Afrique noire. Au Cameroun, les chinois se sont appropriés toutes les terres arables dans l’Est du pays où ils cultivent du riz. Toute la production est exportée en Chine alors que localement, la culture du riz est en berne. La Chine a aussi fait main basse dans cette région sur les mines de diamant et d’or où leur milice fait la loi.
Les alliés de l’Afrique ou ses prétendus amis ont tous participé, depuis des siècles, à l’exploitation honteuse du continent. Une exploitation non seulement des ressources, mais aussi des habitants. De l’esclavage aux indépendances étriquées, l’Afrique est livrée à ses bourreaux qui ne sont pas déterminés à changer de comportements.
L’Afrique n’a pas d’ami. Elle doit exiger des relations contractuelles qui prennent en compte ses intérêts. Tel n’est pas le cas à ce jour où tous ses partenaires la pillent sans état d’âme. A qui la faute ? A ses dirigeants.
Dans ce contexte, la gouvernance calamiteuse de l’Afrique doit être remise en cause et permettre l’émergence d’une nouvelle classe politique souveraine et élue démocratiquement.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant