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Le monde est en ébullition. Il devient incontrôlable entre les guerres, les révolutions du monde arabe et les calamités naturelles qui resurgissent dans tous les continents. Rien de plus naturel, me direz-vous ! Mais,comment ne pas se poser des questions existentielles dans un monde qu’on croit contrôler, mais qui nous échappe et nous confirme tous les jours notre appartenance aux pauvres mortels ?
J’ai donc choisi délibérément de m’échapper, que dis-je, de m’évader et de puiser de nouvelles ressources,non pour un bain de jouvence, mais pour m’extirper de toutes ces violences quotidiennes qui nous pourrissent la vie. Je me suis penché sur le triste sort de « la Vénus Hottentote » afin de souffrir et de partager son calvaire.
Le mot hottentote est un terme méprisant qu’utilisaient les boers, ces colons hollandais pour qualifier les langues des peuples khoïkhoï et bochiman en Afrique du Sud. Pourquoi revenir sur un sujet que le cinéma a immortalisé ? Tout simplement pour rappeler que l’histoire se répète toujours et que le devoir de mémoire est la meilleure réponse contre la barbarie de l’homme et de sa prétendue mission civilisatrice.
Connue sous le nom de Saartjie ou Sarah Baartmann, cette dame s’appelait Sawtche. Née en 1789,d’origine Khoisan, Sawtche était asservie par un fermier boer.

Exhibition humaine.

Sur les recommandations d’un médecin anglais, Sawtche va être exhibée à Londres au début du 19ème siècle et bientôt dans toute l’Angleterre. Déshumanisée et présentée comme un animal, elle sera ensuite exhibée dans toutes les foires en Hollande, dans les musées et les salons privés. Ses « formes généreuses »au fond d’une cage seront la principale attraction des regards.
La pauvre Sawtche fait vendre et la France à son tour l’invite. Entre temps, elle est baptisée avec l’autorisation spéciale de l’évêque de Chester. Triste sort d’humain déjà vécu au 16ème siècle et qui nous rappelle la « Controverse de Valladolid ». L’être humain n’a pas changé. Avec sa prétendue civilisation, il continue à développer et à légitimer sa barbarie.
La Vénus Hottentote va découvrir Paris en 1814, en automne. Elle est exhibée en public parmi les animaux, dans une cage, comme lors de l’exposition universelle où des béninois seront exposés aussi en cage. Elle fera ensuite le bonheur des « savants » au Muséum national d’histoire naturelle pour ses «caractères distinctifs ».
Dans l’intérêt de la science, Sawtche offre de nouveaux renseignements sur une «race singulière de l’espèce humaine ». Son calvaire continue. Les hivers, les nuits en cage, les longues journées d’exhibition, les viols dans les salons huppés où la prostitution organisée ont eu raison de Sawtche.
Mais la mort n’a pas mis fin à son calvaire. Après l’exécution d’un moulage sur sa dépouille mortelle, son corps a été disséqué illégalement en public dans le laboratoire d’anatomie du Muséum par Georges Cuvier, zoologiste et chirurgien de Napoléon Bonaparte, qui a prélevé son squelette, son cerveau et tous ses organes génitaux.
Les conclusions de Georges Cuvier demeurent jusqu’à nos jours très curieuses : sur la base de ses observations, il existe une réelle proximité entre Sawtche et le singe. Le gouvernement Sud-africain a réclamé les restes de Sawtche. Elle a été enterrée parmi les siens. Dans cette terre qui l’a vue naitre pour qu’elle repose en paix.
Pauvre Georges Cuvier ! Avait-il seulement pris un peu de recul ou alors subissait-il les influences de son époque pour arriver à des conclusions aussi superficielles et sans génie ? Dans tous les cas, nous n’avons rien appris de ces conclusions malheureuses. Sawtche n’était rien d’autre qu’une femme qui ne demandait qu’à vivre comme tous ses congénères. Mais la bêtise, la suspicion et l’égoïsme des hommes en ont décidé autrement.
Je ne cherche pas à rendre hommage à Sawtche. D’autres l’ont fait mieux que moi. Ils ont dénoncé la folie humaine qui continue à s’étaler comme une toile d’araignée. Cependant, je doute fort que nous soyons plus intelligents, plus assagis et plus tolérants que Georges Cuvier. Le libéralisme à outrance,l’enrichissement, le gout du pouvoir et de la domination, sans oublier les considérations immatérielles ont développé en nous de nouvelles sensations qui se traduisent par l’indifférence et le mépris de l’autre.
Nous continuons froidement à tuer autour de nous. Nous continuons à stigmatiser les minorités, et tout ceci au nom de l’identité nationale. Les drames écologiques en cours devraient pourtant nous ramener sur terre pour des plaisirs simples comme aller à la pêche, écouter les oiseaux chanter ou caresser un chat…
Par Michel Lobé Etamé
Journaliste et Essayiste.

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