C’est un événement triste qui n’était pas de l’ordre de l’improbable. L’annonce du décès du Général Mbah Ivo ce vendredi 21 décembre 2018 à Teke dans la Meme a cependant crée un choc dans l’opinion. Tant la presse locale, d’expression anglaise, qu’étrangère, de l’hebdomadaire Jeune Afrique à BBC et l’agence chinoise Xinhua, s’en est faite l’écho.
Peu connu dans la zone francophone à cause de la chape de plomb ou de l’autocensure de sa presse dite aux ordres du pouvoir, le Général Ivo, originaire de Batibo dans la Momo, était très populaire dans les deux régions anglophones, plus spécifiquement dans le Sud-Ouest qui fut, dit-on, un temps entièrement sous son contrôle. Une telle perte ne peut manquer de choquer toute âme éprise de justice et hostile à l’arbitraire, comme le sont particulièrement nos compatriotes de l’ancien British Southern Cameroons. En effet, c’est pour et contre elles qu’il a mis sa vie dans la balance.
Qui était donc ce jeune Général de 33 ans qui n’est pas sans rappeler son illustre prédécesseur, le Général Singap Martin, Héros National, lui aussi arraché à la vie dans sa jeunesse, autour de la trentaine, et dans des circonstances comparables sinon identiques?
Elément de l’unité d’élite de l’armée du Cameroun, le BIR, celui qui sera quelques mois plus tard nommé Général Ivo était en poste à Kolofata, dans le Mayo-Sava, sur le front guerre contre la secte islamique Boko Haram. Lorsque la Crise Anglophone est entrée dans sa phase militaire, qui endeuille les familles sur les deux rives du Moungo, le citoyen Mbah Ivo a décidé de déserter ce prestigieux corps et faire de la défense des populations civiles sans armes une affaire personnelle. Un choix, un dilemme, qu’on peut imaginer difficile voire en contradiction avec le serment prêté lors de son entrée au BIR. Quoiqu’il en soit, le Général Ivo a sacrifié sa vie au Cameroun rêvé par les nationalistes dans les années 40 et 50 et à la défense de son peuple.
Bon nombre des 20 000 soldats envoyés par Napoléon Bonaparte en 1803 à Haïti mater les insurgés et rétablir l’Esclavage sur cette île caribéenne avaient déserté les troupes françaises pour rejoindre et défendre la cause haïtienne. La guerre juste. Le Général Ivo était à Kolofata pour la même cause, la défense les populations désarmées contre la barbarie terroriste.
Les habitants du Sud-Ouest, de nombreuses vidéos en circulation sur le réseaux sociaux sont là pour l’attester, se sentaient plus en sécurité à ses côtés qu’à ceux de ses frères d’armes d’hier. Ni le rebelle contre ce qui ne lui est pas apparu être une cause juste ni les soldats de l’armée du Cameroun ne sont à blâmer. Ce sont les donneurs d’ordre à Yaoundé qui devraient sonder leur conscience et se demander pourquoi un des meilleurs éléments de l’armée camerounaise a refusé d’obéir. Pourquoi des compatriotes de ces régions s’estimaient plus protégés par lui que par l’armée entretenue par leurs impôts. Pourquoi il a refusé d’exécuter sommairement deux compatriotes, Mesdames Kelou Manatsad et Zoumtegui Ndomoko et leurs enfants dont un bébé attaché au dos, dans l’Extrême Nord, et des populations civiles sans armes, sans jugement par un tribunal civil, sur la base de simples soupçons; pourquoi il a refusé de brûler des villages entiers dont une octogénaire, Madame Happi, dans sa maison, de décapiter un honnête citoyen, Sam Soya, ou de racketter de paisibles citoyens déjà démunis, dans les deux régions anglophones. Quelle armée nationale terrorise son propre Peuple ?
Le Cameroun a perdu un valeureux soldat conscient de la noblesse attachée à son dangereux métier : la protection des sans armes. La mort et surtout la vie de ce brave compatriote interpellent la conscience nationale. Cesser cette inutile, sale et imbécile guerre fratricide est le minimum à souhaiter pour honorer sa mémoire et commencer à en panser les plaies béantes.
Ogolong Ondimoni Ombano (JMTV+)