La manifestation initiée par Maurice Kamto, leader de l’opposition politique au Cameroun, a bien eu lieu. Malgré les menaces du pouvoir d’user et d’abuser de sa force, une foule a pris le risque de descendre dans la rue, de défier l’autorité et de répondre favorablement à l’appel de celui qui incarne à leurs yeux un Cameroun nouveau.
Certes, la peur a dissuadé de nombreuses personnes. Mais, dans un pays où aucune manifestation de l’opposition politique n’est tolérée, Maurice Kamto peut se réjouir de la détermination de ceux qui ont osé braver les menaces. Il sort grandi de cette nouvelle épreuve.
Cette manifestation aurait pu, de manière consensuelle, réunir tous les partis de l’opposition politique. Beaucoup n’ont pas voulu s’associer au MRC. Ils ont eu tort. L’histoire donnera raison à ceux qui ont participé. Car, qu’on le veuille ou non, les conditions sont réunies pour une alternance politique qui conduira vers l’émergence d’un Cameroun à la traîne.
Les raisons d’une manifestation pacifique et responsable
Que peut-on bien reprocher au régime du Renouveau ? La liste est longue. Mais nous formulerons les griefs les plus récurrents :
- L’usure du pouvoir après 38 ans de règne sans partage ;
- Les acteurs politiques indéboulonnables ;
- L’absence de Paul Biya sur la scène politique nationale, africaine et internationale (on ne peut pas diriger un pays en s’enfermant dans son palais) ;
- La pauvreté organisée ;
- Le pillage méthodique de la fortune publique ;
- Une justice aux ordres ;
- Un scrutin électoral faussé d’avance :
- La gestion opaque des richesses du pays ;
- L’absence de perspectives et de volonté politique pour un changement ;
- La corruption endémique ;
- Le tribalisme ;
- Les inégalités sociales ;
- La guerre au Noso ;
- Le non renouvellement des cadres politiques et des gestionnaires de la fortune publique, etc.
Cette liste n’est pas exhaustive. Mais elle reflète assez bien les maux qui minent une vieille autocratie incapable de se remettre en cause car elle est pilotée d’octogénaires. Or, l’âge médian au Cameroun, pays jeune, est de 19 ans. Un octogénaire peut-il encore gérer une population de jeunes loups irascibles et aux dents pointues qui naviguent, à travers Internet, dans un monde sans frontière ?
Certains s’empresseront de dire que la manifestation du 22 septembre est un flop. Ils ont tort d’apporter des jugements sommaires dans un climat refroidi par la peur, les menaces, les injonctions et la brutalité des forces de l’ordre. Un sentiment de frustration anime toujours celles et ceux qui n’ont pu manifester. Des femmes et des hommes ont été séquestrés et muselés. Maurice Kamto a été embastillé dans son domicile. D’autres cadres du MRC n’ont pu rejoindre la manifestation. La police en éveil siégeait à leurs domiciles.
Le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ) a dénoncé l’arrestation de quatre journalistes qui exerçaient leur métier d’informer. Certains médias déplorent des morts et des arrestations arbitraires et plusieurs cas de violation de droit de l’homme ont été signalés. Face à tous ces abus, le pouvoir peut-il encore se réjouir de l’ordre républicain rétabli ?
La manifestation pacifique du 22 septembre 2020 n’est qu’une première étape d’un long et patient processus vers l’alternance politique. C’est l’expression de toutes les frustrations d’une population muselée.
L’histoire retiendra que Maurice Kamto est l’homme politique qui a amorcé une prise de conscience pour le réveil des esprits étouffés, zombifiés et chosifiés par un régime autocratique en organisant une manifestation pacifique. Il rejoint ainsi le Panthéon des grands hommes que l’histoire va glorifier. N’en déplaise les esprits chagrins, notre histoire commune retiendra que cette journée inaugure des luttes pour un changement radical de gouvernance.
La manifestation du 22 septembre augure des lendemains meilleurs pour le Cameroun et pour la révolution de consciences pour un monde plus solidaire et plus équitable. Elle est le prélude d’un nouveau paradigme rêvé par une jeunesse ambitieuse que les peurs ne sauraient refroidir.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste