Le discours politique a la capacité de s’adapter à son temps. Ainsi,
l’homme politique, bien que trompeur et cynique à la fois, emprunte un
langage chatoyant pour mobiliser une population à bout de discours
foireux et sans lendemain. Pour galvaniser les siens, le régime de
Yaoundé a choisi d’élargir sa rhétorique anachronique d’un terme qui
désigne un climat social apaisé et consensuel : le « vivre ensemble ».
Ce concept réducteur sous une autocratie, encensé par les sociologues de
circonstance du pouvoir dissimule en vérité les années d’inactions et de
villégiatures d’une équipe asexuée.
Le « vivre ensemble », galvaudé à souhait pour mieux masquer les
violences du pouvoir ne saurait cacher le fossé entre les corrompus du
système et le reste de la population soumise aux inégalités de
traitements, à la pauvreté et surtout à l’injustice. Derrière les
mensonges du RDPC, le parti au pouvoir, ce néologisme est-il le dernier
rempart pour motiver les troupes et poursuivre un règne fantômes ?
Alors que des voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer les
égarements d’un pouvoir qui se rétrécit, le parti-État, le RDPC, mise
sur la cohésion sociale. Mais la cohésion sociale a besoin de liens
entre ses différents groupes. Ces groupes appartiennent tous à un
ensemble. Ils constituent des éléments interdépendants. Or au Cameroun,
il n’y a que deux groupes. Le premier est constitué des thuriféraires
froids et tétanisés. Ils sont épaulés par des affairistes véreux qui se
présentent aux élections du double scrutin pour masquer leurs
forfaitures. Le deuxième groupe est constitué des oubliés de la
république. Il comprend les opposants politiques soumis quotidiennement
au courroux du pouvoir. Il compte dans ses rangs quelques intellectuels
courageux et la société civile classifiée de Sans-Dents.
Dans ce contexte, la cohorte boulimique au pouvoir reste froide. Elle
est complètement déshumanisée. Dans une société où les mœurs se
désagrègent, la violence s’installe. La mort d’un jeune professeur est
la parfaite illustration de ce climat social où s’installent la haine,
la rancœur et la perte des valeurs sociales. Pourquoi serions-nous
surpris par la violence des forces de l’ordre envers les enseignants qui
ont manifesté pacifiquement, lors de la « Journée craie morte » du 29
janvier pour dénoncer les violences gratuites en milieu scolaires et
dans la société en général ?
Si le vivre-ensemble est le fondement de la vie sociale, il prend ici un
sens très péjoratif car il crée une confusion sur la rhétorique de
genèse du mot qui est un élément de la protection des droits et des
libertés de chaque citoyen. Or dans un système où tous les exclus de la
mangeoire ne jouissent pas du même traitement, le vivre ensemble ne peut
être considéré comme un fondement d’un contrat social favorable à tous
les citoyens avec des valeurs partagées.
Le vivre ensemble, tel qu’interprété au Cameroun ne peut qu’alimenter
l’indignation de la population soumise au dictat des prédateurs
insatiables et boulimiques qui pillent sans état d’âme les richesses du
pays. Les conséquences sont nombreuses. Le pays subit malgré lui une loi
binaire : les exclus et les nantis. Ces deux camps peuvent-ils vivre
ensembles ?
Le vivre ensemble oblige également au respect des engagements sur le
plan national et international. Or dans tous les domaines, les
engagements du Cameroun ont été un véritable fiasco. La Coupe d’Afrique
des Nations « CAN » a été un échec sur le plan national et continental.
Aujourd’hui, nous apprenons que le pays de l’homme Lion vient de se
désister de l’organisation de la 12éme édition de la coupe du monde
militaire de football féminin 2020, la première en terre africaine.
C’est un nouveau coup dur pour un pays en perdition qui ternit encore
son image si peu reluisante en dehors de ses frontières. Mais comme le
dit un vieil adage, la honte ne tue pas au pays de Paul Biya.
Par Michel Lobé Etamé
Journaliste