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LES ACCUSATIONS AMERICAINES
Vendredi 5 avril 2024, Janet Yellen arrive à Guangzhou
La secrétaire au Trésor américaine, Janet Yellen, économiste de carrière rencontre à Guangzhou, le vice premier ministre chargé de l’économie chinois, He Lifeng. Elle dit craindre une « dislocation de l’économie mondiale si la Chine n’ajuste pas ses politiques ».
Plus tard, devant la communauté d’affaires américaine de Guangzhou, elle affirme :
“Notre inquiétude quant à la surcapacité n’est pas une politique anti-Chine, c’est un effort pour limiter le risque d’une inévitable dislocation de l’économie mondiale si la Chine n’ajuste pas ses politiques. La surcapacité chinoise n’est pas un problème nouveau, mais il s’est intensifié”
Le 26 avril 2024 Blinken arrive à Pékin
Lors d’un point de presse le soir du 26/04/2024, il raconte sa rencontre avec le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi le matin et le président Xi Jinping l’après-midi, sur le site du secrétariat d’état :
« J’ai fait part de nos préoccupations concernant les pratiques commerciales déloyales de la RPC et les conséquences potentielles de sa surcapacité industrielle sur les marchés mondiaux et américains, en particulier dans un certain nombre de secteurs clés qui seront le moteur de l’économie du XXIe siècle, tels les panneaux solaires, les véhicules électriques et les batteries qui les alimentent.”
La Chine produit à elle seule plus de 100 % de la demande mondiale de ces produits, inondant les marchés, sapant la concurrence et mettant en péril des sources de revenus et des entreprises aux quatre coins du monde.
C’est un scénario que nous avons déjà vu et dont nous connaissons déjà la fin, c’est-à-dire des entreprises américaines qui mettent la clé sous la porte et la perte d’emplois américains. Le président Biden ne laissera pas cela arriver sous son mandat. Nous ferons ce qu’il faut pour garantir que la main d’œuvre américaine puisse faire face à la concurrence sur un pied d’égalité.
Les actions de l’Amérique ne visent pas à freiner le développement de la Chine, et nous ne dissocions pas non plus nos économies. Comme l’a souligné la secrétaire au Trésor Yellen lors de son récent déplacement, ce serait désastreux pour l’économie mondiale, y compris celle des États-Unis. Nous voulons que l’économie de la Chine se développe.
C’est ce que veulent aussi les entreprises et les investisseurs américains ici – et j’ai eu l’occasion d’en rencontrer plusieurs à Shanghai. Mais la façon dont la Chine se développe est importante. Comme je l’ai expliqué à mes homologues, il faut entretenir une relation économique saine, où les travailleurs et les entreprises américaines sont traitées sur un pied d’égalité et équitablement. »
Source : https://www.state.gov/translations/french/le-secretaire-detat-blinken-lors-dun-point-de-presse-a-beijing/
Déjà une semaine plus tôt, le 19 avril 2024 se tenait en Italie, le G7 des ministres des affaires étrangères.
Au point 8 de la Déclaration conjointe sur la résolution des défis mondiaux et la promotion des partenariats, on peut lire que les politiques et pratiques non commerciales de la Chine entraînent une « surcapacité » de son industrie. Voici ce qui est écrit plus précisément :
“Nous réaffirmons notre intérêt pour une collaboration équilibrée et réciproque avec la Chine visant à promouvoir la croissance économique mondiale, en vue de permettre des relations économiques durables et équitables et de renforcer le système commercial international. Nos approches politiques ne sont pas conçues pour nuire à la Chine, et nous ne cherchons pas non plus à déjouer le progrès économique et le développement de la Chine.
Cependant, nous sommes préoccupés par le fait que les politiques et les pratiques non marchandes de la Chine conduisent à une surcapacité néfaste qui sape nos travailleurs, nos industries et notre résilience économique. Une Chine en pleine croissance qui joue le respect des règles internationales serait d’un intérêt mondial. Nous ne sommes pas en train de se découpler ou de nous replier sur eux-mêmes.
Nous réaffirmons qu’il importe de garantir des conditions de concurrence équitables et un environnement transparent, prévisible et équitable des entreprises. Le respect du système commercial multilatéral fondé sur des règles fondé sur les principes du marché doit être la marque de nos relations, protéger nos travailleurs et nos entreprises contre les politiques et pratiques déloyales et non marchandes, y compris le transfert forcé de technologie ou la divulgation de données illégitimes, qui faussent l’économie mondiale et sapent la concurrence loyale.
Nous protégerons nos travailleurs et nos milieux d’affaires contre les pratiques déloyales, y compris celles qui conduisent à une surcapacité, créent des vulnérabilités dans la chaîne d’approvisionnement et accroissent l’exposition à la coercition économique, car nous reconnaissons que la résilience économique exige des risques et une diversification, le cas échéant.
Nous réaffirmons la nécessité de défendre les principes de la Charte des Nations Unies dans leur intégralité. À cet égard, nous demandons à la Chine de faire pression sur la Russie pour qu’elle mette un terme à son agression militaire. “
Source : https://www.state.gov/g7-italy-2024-foreign-ministers-statement-on-addressing-global-challenges-fostering-partnerships/
Encore la Chine qui entraverait l’industrie des pays occidentaux.
QUE REPOND LA CHINE ?
A la Conférence de presse du 24 avril 2024, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Wang Wenbin déclare :
« La capacité de l’industrie chinois des nouvelles énergies est une capacité avancée et indispensable au développement vert, et non une « surcapacité ». Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, pour atteindre les objectifs de neutralité carbone annoncés, d’ici 2030, la demande mondiale de véhicules à énergies nouvelles atteindra 45 millions, soit 4,5 fois plus qu’en 2022, et la demande mondiale de nouvelles installations photovoltaïques montera également en flèche.
Le défi auquel le monde est confronté n’est pas une surcapacité, mais une grave pénurie de capacités en matière de nouvelles énergies.
À notre avis, la rhétorique de la « surcapacité » n’est qu’un prétexte pour le protectionnisme. Les restrictions imposées aux exportations des produits chinois des nouvelles énergies, tels que les VE, n’aboutiront qu’à une situation perdant-perdant. Le monde n’a pas besoin que la Chine réduise sa production, mais a plutôt besoin de plus de financement et de produits pour accélérer la transition énergétique et réduire la pauvreté. »
Source : https://www.fmprc.gov.cn/fra/xwfw/fyrth/lxjzzdh/202404/t20240426_11289579.html
CE QUE JE PENSE
Il y a 63 ans, nous sommes en septembre 1959.
A la page 5 du mensuel français “Le Monde Diplomatique”, on pouvait lire ce titre :
“Les bases américaines ceinturent toute la planète”
L’article du journaliste Jean Planchais, commence ainsi :
“Réparties à travers le monde, les bases américaines forment autour de l’Union soviétique une chaîne quasi ininterrompue. Leur présente est constamment invoquée à Moscou comme la preuve évidente des « intentions agressives » des Etats-Unis.” (…)
Près de 60 ans après, en 2017, près de 200 000 hommes, soit 10 % du personnel militaire américain, étaient déployés à l’étranger dans 800 bases militaires déclarées et 177 pays (en comptant le corps de garde des ambassades), 115 000 employés civils répartis sur 909 implantations, selon la “Department of Defense”, Base Structure Report, Fiscal Year 2017.
Sauf que tout cela a un coût, en plus des drames tels que le viol d’une enfant de 12 ans par des militaires américaine à Okinawa ou l’accident provoqué par un avion américain du téléphérique de Cavalese en Italie (20 morts).
Les États-Unis sont le seul pays au monde à posséder 11 navires de guerre permettant le lancement et la réception d’avions appelés “porte-avions”. La Chine vient en deuxième position avec 2 porte-avions, la France, le Royaume-Uni, l’Inde et la Russie en possède 1 seul.
Pire, les États-Unis ont créé en 1949 une alliance militaire dénommée Traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN (ou NATO) où ce sont eux qui assurent l’essentiel des dépenses.
Pendant des décennies, les Etats-Unis se sont lancés dans des guerres inutiles à travers la planète. Ils ont dépensé des sommes folles en Afghanistan, en Irak et maintenant, en Ukraine. Tout cela est de l’argent soustrait au système productif.
Ce sont des ressources dont le manque allait tôt ou tard se faire sentir dans une économie mondiale compétitive où de nouveaux acteurs comme la Chine, se comportent différemment : ne possède aucune base militaire à l’étranger, ne déclenche aucune guerre à l’étranger, ne se préoccupe jamais de changer des gens au pouvoir dans tel ou tel autre pays, ne finance pas la rébellion pour renverser un gouvernement.
Les Etats-Unis, on un budget de la défense en 2024, de 842 milliards de dollars, c’est-à-dire, supérieur à la somme du budget de la défense de tous les autres pays du monde.
Mais ceci n’est pas une très bonne nouvelle, surtout lorsqu’il faut aller emprunter tous les mois sur le marché de l’argent pour financer un tel budget.
Et comme la Chine se désengage progressivement de la dette américaine, les taux sont toujours plus élevés. La dernière levée des fonds du mois d’Avril 2024, faite par le Trésor des Etats-Unis sur les marchés financiers pour financer son train de vie, l’a été au taux de 5%. On dirait un taux pour un prêt immobilier sur 30 ans, alors qu’il s’agissait des titres à court terme.
Tout cela est la conséquence d’une théorie faite par un Russe, mort fusillé par Staline.
Il s’appelait Nikolaï Ivanovitch Boukharine, né à Moscou, le 27 septembre 1888 (9 octobre dans le calendrier grégorien utilisé en Occident), et mort exécuté le 15 mars 1938. C’est un intellectuel, révolutionnaire et homme politique soviétique, membre du Parti communiste soviétique et surtout, rédacteur en chef de la Pravda organe officiel d’information du Parti communiste soviétique de 1918 à 1929.
Pour Boukharine, c’est l’armée et la guerre, qui seront les principales causes des crises du capitalisme. Comment ?
Nicolaï Boukharine, dans son livre “Économie de la période de transition, Études et documentations internationales”, publié en 1920, explique dans un chapitre intitulé « L’écroulement du système capitaliste » que les conflits militaires sont à l’origine de l’affaiblissement du capitalisme. Parce que selon lui, la guerre oblige l’État à mobiliser une grande armée. Le problème est qu’une armée a beau nous protéger des risques extérieurs, mais elle ne produit rien. Elle ne produit aucune richesse. Et puisque sans produire la richesse, elle coûte très cher à l’état, la conséquence immédiate est la destruction nette de capital, qui à son tour, engendre « une sous-production sans cesse croissante ».
Boukharine en déduit qu’« on peut appeler ce processus reproduction élargie négative du capital. Telle est la guerre considérée du point de vue économique ».
Vue une armée sous cet angle, la dépense consacrée à l’entretien de l’armée est source d’une disproportion entre la production et la consommation, remettant, de fait, en cause « la condition sine qua non de l’équilibre dynamique du système capitaliste », qui dit que l’offre doit être égale à la demande et que le marché est capable seul de se réguler et de stabiliser les prix (la fameuse main invisible de Adam Smith).
A la page 83, Nicolai Boukharine, conclut que c’est par conséquent, la guerre et l’armée qui sont les principaux responsables de la ruine et de la décadence du capitalisme ou, des crises du capitalisme.
Plus de 100 ans avant la naissance de Boukharine en 1888, un auteur écossais, Adam Smith avait déjà pensé la même chose en observant en Europe les conséquences des différentes guerres : Guerre de 100 ans, guerre de 30 ans, guerre de 7 ans etc.
Adam Smith, est né le 5 juin 1723 et mort le 17 juillet 1790. C’est un philosophe et économiste des Lumières de l’Ecosse. Dans son livre “Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations”, publié en 1776, à Paris, chez PUF (Presse Universitaire de France).
Aux pages 429 et 430, Adam Smith écrit :
« Dans une société civilisée, les soldats étant entretenus en entier par le travail de ceux qui ne sont pas soldats, le nombre des premiers ne peut jamais aller au-delà de ce que les autres sont en état d’entretenir ».
Lui aussi oppose deux catégories de travail : le productif et l’improductif.
Pour Adam Smith, le Productif « ajoute à la valeur de l’objet », alors que l’Improductif ne produit aucune richesse supplémentaire. L’activité des militaires fait partie de ce dernier secteur de l’Improductif. Il précise sa pensée ainsi :
« Dans la plupart des pays, la totalité ou la presque totalité du revenu public est employée à entretenir des gens non productifs. Tels sont les gens qui composent de grandes flottes et de grandes armées qui ne produisent rien en temps de paix, et qui, en temps de guerre, ne gagnent rien qui puisse compenser la dépense que coûte leur entretien, même pendant la durée de la guerre ».
Une citation attribuée par erreur à Albert Einstein, mais qui ne figure nulle part ni dans ses livres, ni dans ses correspondances dit ceci :
“Si les faits ne correspondent pas à la théorie, changez les faits.”
Il convient plutôt de l’attribuer au magazine britannique Product engineering : Volume 29, numéros 9-12 de 1958 qui écrit à la page 9 ceci :
“Il y a un vieil adage, ‘Si les faits ne correspondent pas à la théorie, changez la théorie’. Mais trop souvent, il est plus facile de conserver la théorie et de changer les faits.”
Comme les deux théories citées plus haut, celle de Nikolaï Ivanovitch Boukharine et celle de Adam Smith contredisent Washington, alors il faut changer les faits, il faut trouver un bouc-émissaire, il faut trouver un coupable et ce coupable idéal, c’est la Chine.
C’est là qu’apparait comme un refrain, le mot « surcapacité ». Ce qui, en économie, ne veut rien dire, puisque dans une économie de marché, où le marché est par définition libre, c’est ce marché qui va dire si votre entreprise restera ouverte ou devra fermée.
Si vous produisez trop, c’est au marché de vous donner sa sentence en achetant moins et en vous contraignant au bout du rouleau à produire moins.
Washington veut-il contraindre la Chine à se cimenter dans une économie dirigiste, où la quantité produite serait définie et programmée par Pékin et non plus le marché ?
L’économie de marché dont les Etats-Unis sont le chantre depuis près de 2 siècles stipule un principe, celui de Ricardo, de l’avantage comparatif qui dit que pour qu’un pays vende à un autre, il faut qu’il ait des atouts que l’autre n’a pas, il faut qu’il se concentre sur ce qu’il produit de mieux et au meilleur coût.
Il s’agit surtout de la productivité. La concurrence entre les nations est dictée par la capacité qu’ils ont d’être plus compétitifs que les autres, pour établir le fameux avantage comparatif de l’économiste britannique Ricardo, pour que les Nations aient une incitation à échanger, à commercer entre eux.
Est-ce une faute si la Chine s’est structurée, pour avoir cet avantage comparatif dans presque tous les domaines et a concentré les épargnes de ses citoyens non pas pour financer les bases militaires dispendieuses et inutiles dans 177 pays, mais pour créer toujours plus de centres de recherches, d’universités et surtout d’usines qui vont avec ?
Vendredi 5 Avril 2024, devant la communauté d’affaires américaine à Canton, la secrétaire d’Etat au Trésor des Etats-Unis Janet Yellen, affirme :
« L’aide directe et indirecte du gouvernement est en train de conduire à une capacité de production qui excède largement la demande intérieure de la Chine, ainsi que ce que le marché mondial peut supporter », cela représente un « risque pour la résilience économique mondiale. La Chine profiterait d’une réduction de ses capacités industrielles excédentaires qui étouffent les autres économies »
Wood Mackenzie, la Chine a investi plus de 130 milliards de dollars dans l’industrie solaire en 2023. Avec ces fonds, « la Chine va représenter 80 % des capacités de production mondiale de polysilicium, de wafer (plaque de matériau semi-conducteur), de cellules photovoltaïques et de modules de 2023 à 2026 », ajoute Wood Mackenzie.
Depuis quand investir dans la recherche est une faute ?
Depuis quand mettre beaucoup d’argent pour faire avancer la science et découvrir les nouvelles propriétés des matériaux pour simplifier la vie de l’humanité à moindre frais est une maladresse à condamner ?
Dans la deuxième partie de cette leçon, nous ferons un tour en France et aux Etats-Unis, pour découvrir sur le plan de la finance, pourquoi tout cela est faux.
Je vous parlerai de l’analyse de Jérôme Fourquet intitulée : «L’État-guichet, un modèle à bout de souffle dans une France qui a cessé de produire » et publiée hier 13/05/2024 dans le quotidien français Le Figaro, le même où une semaine plus tôt, le président chinois Xi Jinping avait publié sa tribune au peuple français.
Nous verrons comment c’est le modèle économique appliqué par les politiciens français, pour contenter les électeurs et leur offrir toujours plus ce qu’on ne produit plus qui est erroné et qu’à rien ne sert d’accuser la Chine de surcapacité, puisque de ce côté-là, on ne produit plus rien depuis.
Nous irons aux Etats-Unis explorer une analyser de la télévision financière Bloomberg qui nous explique que c’est la catastrophe et comment le Japon est obligé de dépenser en une seule journée, 24 milliards de dollars pour soutenir sa monnaie en chute libre et corriger ainsi une erreur stratégique des autorités américaines. Et là aussi, nous verrons que la production chinoise sur ou sous-capacité n’y a rien à voir.
Nous verrons que le mois d’avril 2024 dernier, 53% des entreprises américaines n’ont pas pu payer leur loyer. Et là encore, la Chine n’a rien à y voir. Si une entreprise n’arrive pas à payer le loyer de là où elle est installée, c’est que c’est vraiment grave, que la Chine produise ou pas.
C’est le modèle économique occidentale de peu de gens qui s’accaparent toute la richesse qui est erroné et la Chine avec son modèle de prospérité partagée, n’est que le révélateur qui a permis de mettre à jour, tous les déchets qu’en Occident, on a mis depuis trop longtemps sous le tapis, élections, après élections.
Ne manquez donc pas la deuxième partie (payante), sur www.pougala.net
Jean-Paul Pougala
Mardi le 14 mai 2024