Le Cameroun connait un effondrement généralisé avec comme points culminants, la guerre dans le NOSO et une crise politique sans précédent, conséquence de la mauvaise gouvernance et de l’élection présidentielle contestée du 07 octobre 2018.
Cet état convulsif proche d’un coma collectif, a reçu pour seule réponse du pouvoir politique de Yaoundé, qu’indifférence et répression. Ce qui a plongé le Cameroun dans un énorme bourbier, faisant de ce pays, un cas d’école d’échec politique.
Feignant de répondre aux appels au dialogue, Paul BIYA a enfin reconnu du bout des lèvres, le problème anglophone, tout en ignorant malicieusement la crise politique post-électorale camerounaise. Dans le cadre de ce qu’il a pompeusement baptisé « Grand Débat National (GDN)», il a choisi comme thérapie de choc, de vendre la décentralisation, pourtant déjà prévue par la Constitution de 1996, Loi fondamentale qu’il a ostentatoirement refusé de faire appliquer depuis plus de 20 ans.
Selon le maître décadent de Yaoundé, le postulat, le seul autour duquel doit se structurer la réflexion pour juguler la sécession très avancée dans le NOSO, c’est la DÉCENTRALISATION. L’on sait pourtant que la quasi-totalisé des candidats à la dernière élection présidentielle, faisant écho aux anglophones modérés, ont prôné le retour à la FÉDÉRATION comme solution.
Si sur le plan de la symbolique politique et de l’exercice du pouvoir, le choix pour l’une ou l’autre forme d’État est crucial, sur le plan technique, la différence n’est qu’une question de degré. On peut ainsi avoir des États unitaires largement décentralisés, tels que l’Italie, soumis à une forte régionalisation, où les entités décentralisées ont autant de pouvoir, sinon plus que dans certains États fédérés, à l’exemple des Landers Allemands. Il faut néanmoins souligner que ces derniers ont des compétences constitutionnelles…
En conséquence, si les officiels camerounais avaient la volonté d’aller aussi loin, très loin dans le transfert des pouvoirs et des ressources aux entités décentralisées, elles auraient simplement choisi la FÉDÉRATION, choix qui dans le cas d’espèce, permet de régler à la fois, un problème de politique et de gouvernance.
Mais ce qui ici surprend tout observateur, c’est « l’enrégimentement » de toute cette agrégation de partis politiques qui donnent à voir qu’au final ils ne sont pas simplement ouvertement RDPC. Tout laisse croire que leur participation à cette messe n’a pour finalité que d’aider à isoler davantage le MRC qui, dans l’opposition, fait figure d’ogre par sa force.
Cette hypothèse est d’autant plus probable que le Sultan Ibrahim MBOMBO NJOYA, qui a eu le courage ou l’impertinence de demander que le débat porte également sur des réformes institutionnelles fondamentales, notamment sur le mandat présidentiel, et surtout sur la loi électorale, s’est entendu répondre qu’il est hors sujet et que les réformes en question ne sont pas dans la feuille de route du GDN.
Le silence des autres acteurs politiques sur ce dernier point, est incroyablement inquiétant. Comment peut-on dès lors, vouloir une large décentralisation et ne pas demander la réforme de la loi électorale, celle qui permettrait une représentation juste des forces politiques dans les entités ainsi décentralisées? En clair, malgré la décentralisation, si les mêmes pratiques électorales sont maintenues, le RDPC fera main basse sur tout et le statu quo ante prévaudra…
A vrai dire, même en politique, tout ne saurait être relatif ou à géométrie variable. Si le dialogue ne sert qu’à maintenir le statu quo, ou à obtenir une micro avancée, en excluant les autres, c’est simplement criminel, car les enjeux au Cameroun aujourd’hui sont infiniment plus cruciaux.
La force d’un peuple se mesure à son audace, et non à sa capacité à faire des compromis sur ses valeurs et des fondamentaux. Aucun grand peuple au monde, ne s’est construit sur des renoncements successifs, mais sur le récit exaltant de ses conquêtes, de ses victoires. Il ne faut donc pas sacrifier les éléments structurants, d’une vraie démocratie. Le Cameroun ne saurait s’inventer une démocratie à l’indigène. Telle est de mon point de vue, l’opération-lucidité qui permettra de secouer l’apathie générale et redonner espoir à ce peuple zombifié, qui doute.
Maître Amédée Dimitri TOUKO TOM
Ancien Conseiller Juridique du SDF
Ancien secrétaire Provincial du SDF-OUEST
Analyste Politique